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10/06/2021 | FRANCE | N°20PA00616

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ere chambre, 10 juin 2021, 20PA00616


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) La Cantine Montmartre a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite née le 8 novembre 2017 par laquelle le maire de Paris lui a refusé l'autorisation d'installer une terrasse ouverte au 38 rue de Clignancourt (18ème arrondissement) ainsi que la décision née le 3 mars 2018 rejetant implicitement son recours gracieux.

Par un jugement n° 1813784/4-2 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.


Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 février 2020 et des m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) La Cantine Montmartre a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite née le 8 novembre 2017 par laquelle le maire de Paris lui a refusé l'autorisation d'installer une terrasse ouverte au 38 rue de Clignancourt (18ème arrondissement) ainsi que la décision née le 3 mars 2018 rejetant implicitement son recours gracieux.

Par un jugement n° 1813784/4-2 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 février 2020 et des mémoires complémentaires enregistrés les 21 juillet et 21 octobre 2020, la SAS La Cantine Montmartre, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1813784/4-2 du 19 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les décisions attaquées ;

3°) d'enjoindre à la Ville de Paris de réexaminer sa demande sous astreinte de 150 euros par jour de retard dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) d'enjoindre à la Ville de Paris de lui délivrer ladite autorisation sous astreinte de 150 euros par jour de retard dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement n'est pas suffisamment motivé ;

- la décision du maire de Paris :

- est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle méconnait les dispositions du règlement du 1er juin 2011 que la Ville de Paris s'est elle-même fixé ;

- porte atteinte au principe de liberté du commerce et de l'industrie ;

- méconnait le principe d'égalité ;

- ne peut être fondée sur les nuisances ;

- est entachée d'erreur d'appréciation dès lors que :

- les autorisations octroyées aux établissements voisins l'ont été sous l'empire de la même réglementation ;

- ces établissements, également bordés par des passages pour piétons, sont dans une situation identique ;

- le passage piéton situé au droit de l'établissement, peu fréquenté ainsi que l'attestent des comptages effectués par voie d'huissier, ne constitue pas une cause de ralentissement des piétons devant le commerce ;

- la terrasse éphémère installée avec l'accord de la Ville de Paris présente les mêmes caractéristiques que le projet et ne gêne pas la circulation des piétons ;

- la Ville de Paris a installé des bacs à végétaliser qui constituent une gêne au passage des piétons ;

- le préfet de police a donné un avis favorable ;

- l'avis défavorable du maire d'arrondissement est fondé sur le risque de nuisances et non sur les risques pour la sécurité des piétons.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2020, la Ville de Paris, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la S.A.S. La Cantine Montmartre la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- l'arrêté municipal du 6 mai 2011 portant nouveau règlement des étalages et des terrasses, applicable, à compter du 1er juin 2011, sur l'ensemble du territoire de la Ville de Paris ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 et le décret n° 2020-1406 du même jour portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,

- les observations de Me C..., avocat, pour la SAS La Cantine Montmartre,

- et les observations de Me A..., avocat, pour la Ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) La Cantine Montmartre, qui exploite un fonds de commerce de restauration au 38 rue Clignancourt à Paris (18ème arrondissement), a sollicité l'autorisation d'installer une terrasse ouverte devant cet établissement. La maire de Paris a refusé de lui accorder l'autorisation demandée par une décision implicite née le 9 novembre 2017 et a, le 4 mars 2018, rejeté implicitement le recours gracieux introduit contre cette décision. La société requérante a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de ces décisions. Par un jugement du 19 décembre 2019, dont il est fait appel, le tribunal a rejeté sa requête.

Sur la fin de non-recevoir opposée en première instance :

2. Il ressort des pièces du dossier que la société requérante, suite à la décision implicite rejetant sa demande déposée le 8 septembre 2017, a présenté un recours gracieux le 3 janvier 2018, reçu le 4 janvier 2018, qui a été rejeté par une décision implicite. Elle a introduit un recours contentieux devant le tribunal administratif de Paris le 27 juillet 2018. Si la Ville de Paris, qui n'a pas expressément renoncé à ce moyen en cause d'appel, soutenait devant les premiers juges que le recours contentieux était tardif au seul motif que société requérante, dont le gérant exploite déjà d'autres commerces similaires, était " familiarisée avec les procédures contentieuses administratives ", cette seule circonstance, en l'absence de la mention de l'indication des voies et délais de recours, n'a pas été de nature à faire courir les délais de recours contentieux. La fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête ne peut donc qu'être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Il appartient à l'autorité administrative affectataire de dépendances du domaine public de gérer celles-ci tant dans l'intérêt du domaine et de son affectation que dans l'intérêt général. L'autorité chargée de la gestion du domaine public peut autoriser une personne privée à occuper une dépendance de ce domaine en vue d'y exercer une activité économique, à la condition que cette occupation soit compatible avec l'affectation et la conservation du domaine. Les autorisations privatives d'occupation de ce domaine, telles que les autorisations d'implantation de terrasses ou leur renouvellement, ne constituent pas un droit pour les demandeurs ou leur titulaire.

4. Aux termes de l'article DG.1 du règlement des étalages et terrasses approuvé par un arrêté du maire de Paris du 6 mai 2011 : " Toute occupation du domaine public viaire par une installation- étalages et contre-étalages, terrasses fermées, terrasses ouvertes, contre-terrasses et autres occupations du domaine public de voirie (commerces accessoires, tambours d'entrée, écrans, jardinières, planchers mobiles) au droit des établissements à caractère commercial ou artisanal - est soumise à autorisation préalable délivrée par le maire de Paris, après dépôt d'une demande auprès de ses services et après consultation pour avis du préfet de Police et du maire d'arrondissement. ". Aux termes de son article DG.5 : " La demande d'autorisation doit respecter les dispositions du présent règlement. (...). L'autorisation peut être refusée notamment pour des motifs liés : / - aux conditions locales de circulation (piétons, livraisons, accès aux bâtiments,...), / à la configuration des lieux (plantations, mobilier urbain, signalisations, émergences, réseaux et concessionnaires, installations voisines,...) (...) ". Aux termes de son article DG.10 : " Dimensions des occupations pouvant être autorisées. / L'espace public parisien doit ménager dans les meilleures conditions possibles un espace de circulation réservé au cheminement des piétons, en particulier des personnes en situation de handicap. / (...) Une zone contiguë d'au moins 1,60 mètre de largeur doit être réservée à la circulation des piétons. (...). ".

5. Pour justifier du bien-fondé des décisions contestées, la Ville de Paris invoque dans ses écritures l'existence de risques en faisant valoir que l'installation de la terrasse projetée, au droit d'un passage protégé contigu à un carrefour dangereux, serait de nature à créer un engorgement dû à la présence de piétons, certains souhaitant emprunter ce passage protégé et d'autres circulant dans les deux sens sur le trottoir, alors qu'elle a, pour sécuriser ce carrefour et canaliser les passants, installé un ralentisseur ainsi que des jardinières comme elle le rappelle dans ses écritures. Un tel risque ne ressort cependant pas des pièces du dossier, dès lors que l'installation projetée laissera libre un passage d'une largeur de 2,25 mètres suffisante pour laisser circuler les piétons ainsi qu'en attestent les prises de vues dont se prévaut la Ville de Paris, que le maire d'arrondissement, qui a fondé son avis défavorable sur les risques de nuisances et sur le comportement du même gérant pour des établissements voisins, n'a pas opposé d'arguments liés à la sécurité et que l'avis du préfet de police, qui mentionnait une circulation " moyenne ", était favorable aux conditions demandées.

6. Il résulte de ce de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SAS La Cantine Montmartre est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu, par suite, de prononcer son annulation ainsi que celle de la décision implicite par laquelle la maire de Paris lui a refusé l'autorisation d'installer une terrasse ouverte au 38 rue de Clignancourt (18ème arrondissement) et celle rejetant implicitement son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ".

8. Il résulte de ce qui précède que l'exécution du présent arrêt implique seulement que la maire de Paris réexamine de nouveau la demande de la SAS La Cantine Montmartre dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. La SAS La Cantine Montmartre n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de la Ville de Paris tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des dispositions précitées doivent être rejetées. Il y a en revanche lieu de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAS La Cantine Montmartre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 19 décembre 2019 est annulé.

Article 2 : Les décisions de la maire de Paris du 8 novembre 2017 et du 3 mars 2018 sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint à la maire de Paris de réexaminer la demande de la SAS La Cantine Montmartre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La Ville de Paris versera à la SAS La Cantine Montmartre la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS La Cantine Montmartre et à la Ville de Paris.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. B..., premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juin 2021.

Le rapporteur,

J.-F. B...Le président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00616


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

24-01-02-01-01 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation. Utilisations privatives du domaine.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-Francois GOBEILL
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : FALALA

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ere chambre
Date de la décision : 10/06/2021
Date de l'import : 15/06/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20PA00616
Numéro NOR : CETATEXT000043645495 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-10;20pa00616 ?
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