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09/06/2021 | FRANCE | N°19PA03414

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 09 juin 2021, 19PA03414


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi, et l'arrêté du même jour par lequel le préfet de police lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de douze mois.

Par un jugement n° 1913675/8 du 1er juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a annu

lé les arrêtés contestés.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi, et l'arrêté du même jour par lequel le préfet de police lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de douze mois.

Par un jugement n° 1913675/8 du 1er juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés contestés.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 octobre 2019, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1913675/8 du 1er juillet 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- si M. A... était susceptible de faire l'objet d'une décision de remise aux autorités italiennes en application des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il était tout aussi susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire en application des dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 et de celles de l'article

L. 511-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- s'il est constant que M. A... a produit, lors de son audition du 25 juin 2019, une carte nationale d'identité italienne, il n'a jamais indiqué à l'agent de police judiciaire qu'il était titulaire d'un permis de séjour italien ;

- ce n'est que le lendemain de l'édiction de l'arrêté en litige que M. A... a présenté ce permis de séjour à validité illimitée ainsi que son passeport gambien ;

- par ailleurs, M. A... a précisé à l'agent de police judiciaire, lors de son audition, qu'il avait l'intention de rester sur le territoire français alors même qu'une mesure d'éloignement serait prise à son encontre, sans jamais faire part de sa volonté d'être réadmis en Italie ;

- en tout état de cause, et alors même que M. A... est titulaire d'un permis de séjour à validité illimitée en Italie, il était en droit de prendre à son encontre une obligation de quitter de quitter le territoire français ;

- c'est pourquoi, l'article 3 de l'arrêté contesté prévoit qu'il sera reconduit notamment à destination du pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ou encore tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible et qu'il a, le 27 juin 2019, entrepris des démarches auprès des autorités italiennes aux fins de réadmission dans cet Etat ;

- les arrêtés en litige sont motivés en droit et en fait et procèdent d'un examen circonstancié de l'ensemble de la situation de M. A... ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision refusant un délai de départ volontaire n'est entachée d'aucune illégalité, la décision portant obligation de quitter le territoire français étant légale ;

- M. A... entre bien dans le champ d'application des dispositions du a) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- par ailleurs, M. A... ayant présenté, postérieurement à son interpellation, une carte d'identité italienne en cours de validité, il y a lieu de neutraliser le motif tiré de ce qu'il est en France sans pouvoir justifier d'un document d'identité ;

- en tout état de cause, M. A... ne présente pas de garanties de représentation suffisantes dès lors qu'il ne peut justifier d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ;

- le risque de fuite, au sens des dispositions du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est donc établi ;

- M. A... ayant, en outre, explicitement fait connaître son intention de ne pas se conformer à la décision portant obligation de quitter le territoire, il entre également dans le champ d'application des dispositions du h) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il était donc fondé à lui refuser un délai de départ volontaire dès lors qu'en application des dispositions des a), f) et h) du 3° du II de l'article L. 511-1, il existait un risque que M. A... se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français ; M. A... a défavorablement attiré l'attention des services de police depuis le mois de mai 2015 pour des faits de vente à la sauvette, travail dissimulé et achats et ventes sans facture ;

- la décision fixant le pays de destination n'est entachée d'aucune illégalité, la décision portant obligation de quitter le territoire français étant légale ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire n'est entachée d'aucune illégalité, la décision portant obligation de quitter le territoire français étant légale ;

- cette décision n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée à M. A..., qui n'a produit aucune observation.

Par une ordonnance du 8 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 ;

- la directive n° 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 ;

- la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui indique être né le 1er janvier 1970 en Gambie, pays dont il revendique la nationalité, a fait l'objet d'un arrêté du 25 juin 2019 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit. Par un arrêté du même jour, le préfet de police a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. Par un jugement n° 1913675/8 du 1er juillet 2019, dont le préfet de police relève appel, le Tribunal administratif de Paris a annulé ces arrêtés.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Il ressort des articles L. 511-1, L. 511-2 et L. 511-3 ainsi que de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un Etat membre de l'Union européenne ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 et d'une convention de réadmission conclue avec l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire ou dont il provient directement, elle peut légalement, soit le remettre aux autorités compétentes de cet Etat membre, sur le fondement de l'article L. 531-1 et de la convention conclue à cet effet, soit l'obliger à quitter le territoire français à destination du " pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible ", sur le fondement des articles L. 511-1, L. 511-2 et L. 511-3. Toutefois, si le ressortissant titulaire d'un titre de séjour délivré par un autre Etat membre demande à être réadmis vers ce dernier, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de le réadmettre dans cet Etat.

3. Lorsqu'un ressortissant d'un pays tiers détient un titre de résident de longue durée-UE en cours de validité accordé par un autre Etat membre que la France, il résulte du deuxième alinéa de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, interprété à la lumière des articles 12 et 22 de la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003, que l'étranger ne peut en principe être éloigné qu'à destination de l'Etat membre qui lui a accordé le titre de long séjour. Cet Etat est alors tenu, après avoir été informé de la décision d'éloignement, de réadmettre l'étranger immédiatement et sans formalités, sur le fondement du paragraphe 2 de l'article 22 de cette directive, indépendamment de tout accord ou arrangement bilatéral de réadmission.

4. Enfin, l'étranger titulaire d'un titre de résident de longue durée-UE en cours de validité accordé par un autre Etat membre ne peut être éloigné du territoire de l'Union, notamment par une obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que s'il entre dans l'un des cas prévus au I de l'article L. 511-1 et s'il " représente une menace réelle et suffisamment grave pour l'ordre public ou la sécurité publique ", conformément aux article 12 et 22 de la directive 2003/109/CE, et sans préjudice de l'obligation de respecter le principe de non-refoulement garanti par l'article 33 de la Convention de Genève, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est titulaire d'un titre de résident de longue durée-UE en cours de validité accordé par les autorités italiennes en application de l'article 8 de la directive 2003/109/ CE du conseil du 25 novembre 2003 dont le préfet de police ne conteste pas l'authenticité ni la portée. Il suit de là qu'en l'absence de tout motif tiré d'une menace réelle et suffisamment grave pour l'ordre public ou la sécurité publique, M. A... est fondé à soutenir que le préfet de police ne pouvait, compte tenu de son statut de résident de longue durée-UE, prononcer son renvoi à destination de son pays d'origine. Le préfet de police ne pouvait davantage, à titre subsidiaire, prononcer l'éloignement de M. A... à destination du " pays qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ", ou de " tout autre pays dans lequel il établit qu'il est légalement admissible ", soit à destination de l'Italie, dès lors qu'en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de l'article 62 de la loi du 10 septembre 2018, une obligation de quitter le territoire français ne peut être prise que pour éloigner un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, à destination du " pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible ". Il suit de là qu'en obligeant M. A... à quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ou de l'Italie, le préfet de police a entaché son arrêté du 25 juin 2019 d'erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter sa requête.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 9 juin 2021.

Le rapporteur,

S. C...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19PA03414


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 09/06/2021
Date de l'import : 15/06/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19PA03414
Numéro NOR : CETATEXT000043645478 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-09;19pa03414 ?
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