La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/05/2021 | FRANCE | N°19PA03307

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 25 mai 2021, 19PA03307


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1718112/1-2 du 2 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a déchargé M. A... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxqu

els il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, en droits et pénalités, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1718112/1-2 du 2 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a déchargé M. A... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, en droits et pénalités, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 octobre 2019 et le 10 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 1718112/1-2 du 2 juillet 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de remettre à la charge de M. A... les impositions dont la décharge a été prononcée par le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le jugement du Tribunal est entaché d'irrégularité dès lors qu'il ne détaille pas suffisamment les raisons pour lesquelles M. A... dispose de foyers d'habitation permanents en France et au Gabon ;

- M. A... n'a été imposé au Gabon que sur des revenus de source gabonaise ;

- les moyens soulevés par M. A... au soutien de sa demande ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2020, M. A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 8 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'action et des comptes publics ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention signée le 20 septembre 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, à l'issue duquel l'administration fiscale a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre des années 2012 et 2013. Par un jugement du 2 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a déchargé les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, en droits et pénalités, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel des articles 1er et 2 de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Les premiers juges, avant d'examiner le critère relatif aux liens personnels et économiques prévu par le a) du 2. de l'article 4 de la convention fiscale franco-gabonaise du 20 septembre 1995, ont indiqué, au point 5 de leur jugement, que M. A... disposait au titre des années 2012 et 2013 d'un foyer d'habitation permanent en France et d'un foyer d'habitation permanent au Gabon. Toutefois, le jugement n'a pas indiqué les raisons pour lesquelles M. A... devait être regardé comme ayant un foyer d'habitation permanent dans ces deux Etats, alors d'ailleurs que l'administration fiscale contestait, dans ses écritures en défense, l'existence d'un tel foyer d'habitation permanent au Gabon. Dans ces conditions, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que le jugement du Tribunal administratif de Paris est insuffisamment motivé et qu'il doit être annulé, en tant qu'il lui est défavorable.

4. Il y a lieu, pour la Cour, dans la limite mentionnée au point 3, de se prononcer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur le principe de l'imposition en France :

Au regard du droit interne :

5. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques [...] ". Pour l'application des dispositions du a du 1 de l'article 4 B du code général des impôts, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles. Le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer.

6. L'administration fiscale fait valoir que la compagne de M. A..., Mme B., ainsi que ses filles, nées respectivement en 2010 et en 2005, vivaient en permanence à Paris au cours des années 2012 et 2013, dans un appartement situé 170 boulevard Haussmann à Paris que le requérant a déclaré avoir intégralement financé. Il n'est pas contesté que ces deux enfants ont été reconnus et adoptés par M. A..., comme en attestent les mentions figurant sur le passeport diplomatique gabonais des intéressées, ainsi que, s'agissant de la cadette, le jugement du tribunal judiciaire de Libreville du 26 novembre 2012, qui prononce son adoption par M. A.... Si M. A... soutient qu'il entretenait, au Gabon, une relation amoureuse avec une autre compagne, il n'apporte aucun élément de preuve au soutien de ses allégations et n'établit pas davantage qu'il participerait à l'éducation de la fille de cette dernière. Par ailleurs, l'administration fiscale a relevé que l'étude de l'activation des antennes relais sur le sol français de la ligne téléphonique de M. A... avait révélé qu'il avait, entre septembre 2012 et septembre 2013, résidé 158 jours sur le sol français, 70 jours au Maroc, et 137 jours dans des pays non déterminés. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, M. A... doit être regardé comme ayant eu, en 2012 et 2013, le centre de ses intérêts familiaux en France. Il suit de là que M. A... - qui n'est pas fondé à se prévaloir de l'instruction référencée BOI-IR-CHAMP-10, laquelle ne fait pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application - avait, au titre des années 2012 et 2013, son foyer en France, au sens des dispositions du a. de l'article 4 B du code général des impôts. Il était ainsi, au titre des années 2012 et 2013, passible de l'impôt sur le revenu en France, à moins qu'il n'établisse son droit à se prévaloir de la qualité de résident gabonais, au sens des stipulations de la convention fiscale franco-gabonaise du 20 septembre 1995.

Au regard du droit conventionnel :

7. Aux termes de l'article 4 de la convention fiscale franco-gabonaise du 20 septembre 1995 : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, ou de tout autre critère de nature analogue. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet Etat que pour les revenus de sources situées dans cet Etat ou pour la fortune qui y est située. / 2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux Etats contractants, sa situation est réglée de la manière suivante : / a) Cette personne est considérée comme un résident de l'Etat où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent ; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux Etats, elle est considérée comme un résident de l'Etat avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ; / b) Si l'Etat où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des Etats, elle est considérée comme un résident de l'Etat où elle séjourne de façon habituelle / [...] ".

8. Pour établir sa qualité de résident fiscal gabonais, M. A... produit une attestation émanant de la direction générale des impôts gabonaise datée du 16 janvier 2020 indiquant qu'il est " résident fiscal au Gabon, notamment au titre des années 2012 et 2013 ", qu'il " ne bénéficie d'aucun régime dérogatoire " et qu'il " est imposable, sur l'ensemble de ses revenus au Gabon et à l'international, à l'impôt sur le revenu des personnes physiques ". Dans ces conditions, M. A... devait être regardé comme un résident gabonais au titre des années 2012 et 2013 en vertu de la législation de cet Etat, au sens du 1. de l'article 4 de la convention fiscale franco-gabonaise du 20 septembre 1995. Il convient donc d'appliquer à son cas les critères successifs énoncés au 2. de l'article 4 de cette convention.

9. Il résulte des stipulations du 2. de l'article 4 de la convention franco-gabonaise du 20 septembre 1995 que, lorsqu'une personne qui entre dans leur champ d'application a un foyer d'habitation permanent à la fois en France et au Gabon, elle est imposable dans celui de ces deux Etats où elle a, en outre, le centre de ses intérêts vitaux, ou bien, si ce centre n'est situé dans aucun d'eux, dans celui où elle séjourne habituellement. Il résulte aussi de ces stipulations que toute résidence dont une personne dispose de manière durable est pour elle, au sens de la convention, un foyer d'habitation permanent.

10. L'administration fiscale fait valoir que M. A... disposait de l'appartement situé 170 boulevard Haussmann à Paris, où il séjournait régulièrement, ainsi qu'en attestent ses déclarations, ainsi que celles de sa compagne, au cours de leurs auditions par les services de police. Elle a par ailleurs relevé que son nom figurait, aux côtés de celui de sa compagne, sur l'interphone donnant accès à l'appartement et qu'il avait été interpellé à cette adresse, le 18 juin 2014, avec sa compagne. Ainsi, M. A... doit être regardé comme ayant disposé en France d'un foyer d'habitation permanent, au sens du 2. de l'article 4 de la convention fiscale franco-gabonaise. Si M. A... soutient qu'il avait un foyer d'habitation permanent au Gabon, il se borne à produire un " certificat de résidence " daté du 6 mai 2015 indiquant qu'il " réside à Libreville " depuis janvier 1993, les statuts de la société civile immobilière (SCI) Mickelangeva dont il détient une part sur 100, le reste étant détenu par la société Kabi, laquelle est détenu à 99 pour cent par lui, un titre de propriété, daté du 26 mars 2002, concernant un immeuble acquis par la SCI Mickelangeva, qui mentionne une propriété d'une surface de 2 940 mètres carrés ainsi qu'un procès-verbal aux fins d'expertise de ce bien. Toutefois, ces documents ne permettent pas à eux seuls d'établir que M. A... avait, au titre des années d'imposition 2012 et 2013 en litige, la disposition de ce bien. A cet égard, si M. A..., qui n'a pas répondu au courrier du 30 mars 2015 dans lequel l'administration fiscale lui demandait de produire des avis de taxe foncière ou de taxe d'habitation dont il aurait été destinataire au Gabon, produit des factures d'électricité, aucune ne laisse apparaître ni le titulaire ni l'adresse de l'abonnement dans l'espace réservé à cet effet sur le document, à l'exception d'une seule, concernant le mois d'octobre 2013, qui mentionne un autre nom que celui de l'intéressé. Enfin, il n'est pas contesté que l'adresse qui a été fournie au service et qui figure également sur les déclarations de revenus déposées par M. A... auprès de l'administration fiscale gabonaise au titre des années 2012 et 2013 - BP 7696 Libreville - correspond à l'adresse du Pari mutuel urbain gabonais (PMUG), d'ailleurs mentionnée sur ces déclarations au titre des coordonnées de l'employeur ayant versé les sommes déclarées. Dans ces conditions, M. A... ne peut être regardé comme ayant eu un foyer d'habitation permanent au Gabon, au sens des stipulations du 2. de l'article 4 de la convention fiscale franco-gabonaise. Par suite, et dès lors qu'il avait, ainsi qu'il a été dit précédemment, un foyer d'habitation permanent en France, ces stipulations ne faisaient pas obstacle à l'application de la loi fiscale interne pour la détermination du domicile fiscal de M. A....

11. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que M. A... était, au titre des années 2012 et 2013, passible de l'impôt sur le revenu en France.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt [...] ".

13. Il résulte des dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales que la procédure d'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle peut être mise en oeuvre que le contribuable ait ou non son domicile fiscal en France. Par suite, si M. A... fait valoir que son domicile fiscal se trouvait au Gabon, une telle circonstance n'était, en tout état de cause, pas de nature à faire obstacle à ce que l'administration mît en oeuvre à son encontre une telle procédure. Au demeurant, il résulte de ce qui précède que M. A... avait son domicile fiscal en France au cours des années d'imposition litigieuses. Par ailleurs, les circonstances que M. A... n'avait pas déposé de déclaration de revenus en France au titre des années 2012 et 2013 et que l'administration ne lui avait pas adressé de mise en demeure d'en déposer ne faisaient pas obstacle à ce que l'administration fiscale mît en oeuvre un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle. Par suite, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que soutient M. A..., que la procédure d'examen contradictoire de situation fiscale aurait été " dévoyée ", le moyen doit être écarté.

14. En second lieu, le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la proposition de rectification qui, selon l'article L. 48, marque l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un débat contradictoire avec le contribuable sur les éléments qu'il envisage de retenir. Par ailleurs, les dispositions des articles L. 12 et L. 47 du livre des procédures fiscales ne font pas obligation à l'administration, lorsqu'elle exerce son droit de communication auprès des tiers, en consultant au cours de l'examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle d'un contribuable des documents qui ont été saisis par l'autorité judiciaire, et alors même qu'elle entend utiliser pour les besoins de cet examen les documents obtenus par l'exercice du droit de communication, d'en faire part, avant la clôture du contrôle, au contribuable intéressé en vue de lui permettre d'en discuter les éléments.

15. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a, par un courrier daté du 7 janvier 2015, envoyé à M. A... un avis d'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2012 et 2013, au 170 boulevard Haussmann à Paris et à Libreville, BP 7696. Cet avis a été suivi, le 27 mars 2015, d'un premier entretien avec le vérificateur, au cours duquel le conseil de l'intéressé a produit une attestation des services fiscaux gabonais indiquant que M. A... est " immatriculé " auprès de leurs services. Par courrier en date du 10 avril 2015, il a également produit le passeport diplomatique gabonais détenu par M. A.... Par une lettre du 30 avril 2015, le service a demandé à M. A... de produire les copies de l'acte d'acquisition d'un bien immobilier dont il serait propriétaire au Gabon ou d'un bail dans le cas où il serait locataire dans cet Etat, d'un avis d'imposition à la taxe d'habitation et d'un avis d'imposition à la taxe foncière, avant de s'entretenir de nouveau, le 17 décembre 2015, avec M. A..., lequel était assisté de son conseil, au cours d'une réunion, où, selon les termes de la proposition de rectification, " la synthèse de la procédure et les conséquences financières de la procédure de contrôle ont été présentées ". La circonstance que l'administration fiscale a indiqué, en réponse à des courriers du conseil de M. A... datés du 28 mai 2015 et du 15 juillet 2015 dans lesquels il demandait des informations quant aux éléments sur lesquels le service entendait fonder sa résidence fiscale en France, " qu'il le [tenait] informé de l'avancement de la procédure mais n'[était] en aucun cas tenu de justifier ses investigations ", ne permet pas de déduire que le vérificateur se serait refusé à un débat contradictoire quant à la domiciliation fiscale de M. A..., lequel, eu égard aux échanges décrits précédemment, doit être regardé comme ayant été effectivement engagé. Par ailleurs, le service n'était pas tenu de discuter avec M. A... ou son conseil des éléments contenus dans les documents obtenus par l'administration fiscale dans l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire. Ainsi, le vérificateur doit être regardé comme ayant engagé avec M. A... un dialogue contradictoire sur le pays où il était fiscalement domicilié au titre des années en litige avant que ne lui soit adressée, le 18 décembre 2015, la proposition de rectification qui a clos l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle. Dès lors, le moyen doit être écarté, dans ses diverses branches.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

16. En premier lieu, aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale [...] ". Aux termes de l'article 92 du même code : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus [...] ".

17. L'administration fiscale a imposé dans la catégorie des bénéfices non commerciaux les sommes de 1 000 000 d'euros et de 600 000 euros versées par la société par actions simplifiée (SAS) Raidco Marine International respectivement au cours des années 2012 et 2013. Il résulte de l'instruction que la société Raidco Marine International, qui exerce une activité de construction de navires et de structures flottantes, a signé, le 19 mai 2010, un contrat avec le ministère de la défense du Gabon pour la construction et la livraison de quatre vedettes de surveillance maritime, pour un montant global de 16 millions d'euros. Le 23 et le 24 janvier 2013, un mandat de représentation a été signé à titre rétroactif entre la société Raidco Marine International et M. A..., au titre duquel ce dernier s'est engagé " à tout mettre en oeuvre pour assurer la promotion des produits et services " de la société au Gabon et à assurer " le suivi des règlements jusqu'au complet paiement par le client ". Le 30 janvier 2013, une facture a été adressée à la société Raidco Marine International, d'un montant de 1 600 000 euros, mentionnant en objet une " commission sur mandat de représentation ". M. A... soutient que cette somme ne devait pas être imposée dans la catégorie des bénéfices non commerciaux mais dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Toutefois, s'il soutient qu'il a, outre la mission ayant donné lieu au versement des sommes en cause, effectué de manière habituelle des prestations d'intermédiaire constituant des actes de commerce, M. A..., qui se borne à se prévaloir, d'une part, d'extraits d'auditions par la police judiciaire, de lui-même ainsi que d'un dirigeant de la société Raidco Marine International, dans lesquelles il est fait état de manière générale de son activité en Afrique, d'autre part, d'une citation d'un article de presse, n'établit ni la réalité, ni la nature précise, ni la fréquence de ces prestations. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que les prestations ayant donné lieu au versement à M. A... des sommes de 1 000 000 d'euros au titre de l'année 2012 et de 600 000 euros au titre de l'année 2013 étaient occasionnelles et qu'elles devaient être imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

18. En second lieu, aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes du 1 de l'article 93 du même code : " Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession [...] ".

19. En application de ces dispositions, constituent des recettes non commerciales, imposables entre les mains du contribuable au titre d'une année donnée, les sommes effectivement encaissées par l'intéressé au cours de cette année ou celles dont il a disposé avant le terme de cette même année, dès lors que ces sommes constituent la contrepartie de services rendus par le contribuable dans l'exercice de son activité non commerciale, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'elles se rattachent à des créances nées au cours de la même année ou au cours d'années antérieures.

20. Dès lors que, ainsi qu'il a été précédemment, les sommes de 1 000 000 d'euros et de 600 000 euros ont été imposées à bon droit dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, c'est également à bon droit que l'administration fiscale les a imposées entre les mains de M. A... au titre respectivement des années 2012 et 2013 au cours desquelles il est constant que l'intéressé les a perçues. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

21. M. A... n'est pas fondé à se prévaloir des commentaires contenues dans les instructions référencées BOI-BIC-CHAMP-60-10, en son paragraphe 10, et BOI-BIC-CHAMP-10-20, en ses paragraphes 20 et 70, qui ne donnent pas de la loi fiscale une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application.

Sur les majorations :

22. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; / [...] / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte [...] ".

En ce qui concerne la majoration de 10 % prévue par le a. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts :

23. M. A..., pour contester l'application de la majoration, prévue par le a. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts, aux traitements et salaires qu'il a perçus au titre des années 2012 et 2013, se borne à soutenir qu'il n'est pas imposable en France et qu'il n'était donc soumis à aucune obligation déclarative. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A..., imposable en France, était soumis à une obligation de déposer des déclarations d'impôt sur le revenu. Ainsi, et alors qu'il est constant qu'il n'a pas respecté cette obligation, c'est à bon droit que l'administration a appliqué la majoration prévue par les dispositions précitées du a. de l'article 1728 du code général des impôts.

En ce qui concerne la majoration de 80 % prévue par le c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts :

24. Il résulte des dispositions du c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.

25. Il résulte des dispositions de l'article R. 123-3 du code de commerce auquel renvoie l'article 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts que les contribuables percevant des revenus imposables au titre des bénéfices non commerciaux ne provenant pas de l'exercice d'une activité à titre de profession habituelle ne sont pas astreints à se faire connaître auprès d'un centre de formalités.

26. L'administration fiscale a relevé, dans la proposition de rectification du 18 décembre 2015, que M. A... n'avait pas accompli les formalités auxquelles il était tenu lors de la création de son activité auprès d'un centre de formalités des entreprises et qu'il n'avait pas rempli ses obligations fiscales déclaratives dans les délais légaux. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A... a exercé son activité d'intermédiaire, dont les revenus étaient imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, de manière occasionnelle. Ainsi, M. A... n'était pas tenu de déclarer cette activité auprès d'un centre de formalités des entreprises. Il est donc fondé à demander la décharge de la majoration de 80 % prévue par le c. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts au titre des années 2012 et 2013.

27. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander la décharge de la majoration de 80 % prévue par le c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts au titre des années 2012 et 2013.

Sur les frais liés à l'instance :

28. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme que M. A... demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1718112/1-2 du 2 juillet 2019 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : M. A... est déchargé de la majoration prévue par le c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts au titre des années 2012 et 2013.

Article 3 : Le surplus des conclusions de sa demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées en appel par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 11 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin , président de chambre,

- M. Soyez, président assesseur,

- M. D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mai 2021.

Le rapporteur,

K. D...

Le président,

C. JARDIN Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA03307 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03307
Date de la décision : 25/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Lieu d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : SELARL ZAMOUR et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-25;19pa03307 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award