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01/04/2021 | FRANCE | N°20PA00955

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 01 avril 2021, 20PA00955


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1925559 du 13 février 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregis

trée le 12 mars 2020, M. F..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1925559 du 13 février 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 mars 2020, M. F..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1925559 du 13 février 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 29 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement attaqué :

- les premiers juges ont commis des erreurs d'appréciation.

S'agissant des moyens communs à l'ensemble des décisions :

- la signataire de l'arrêté contesté est incompétente pour le prendre ;

- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut de motivation ;

- il est entaché d'un défaut d'examen complet de sa situation personnelle.

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée.

S'agissant de la décision portant fixation du pays de renvoi :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 novembre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant tunisien né le 17 janvier 1991, est entré sur le territoire français le 25 février 2012, selon ses propres déclarations. Il a sollicité, le 6 mai 2019, son admission au séjour sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié et des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 29 octobre 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. F... fait appel du jugement du 13 février 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient commis une erreur dans l'appréciation des pièces du dossier et du moyen soulevé par M. F... tiré de la motivation insuffisante de l'arrêté contesté se rattache au bien-fondé du jugement attaqué, que la Cour examine dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, et est sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

S'agissant des moyens communs à l'ensemble des décisions :

3. En premier lieu, par un arrêté n° 2019-00794 du 27 septembre 2019, régulièrement publié au recueil spécial n° 75-2019-337 des actes administratifs de la préfecture de police du 30 septembre suivant, le préfet de police a donné à Mme B... E..., signataire de l'arrêté contesté, attachée principale d'administration de l'État, adjointe au chef du 9ème bureau au sein de la direction de la police générale de la préfecture de police, délégation à l'effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions, parmi lesquelles figure notamment la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles auraient été présentes ou pas empêchées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.

4. En deuxième lieu, l'arrêté contesté comporte les mentions des textes applicables et vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il fait également mention des éléments de fait pertinents relatifs à la situation du requérant. Il précise que M. F... déclare être entré sur le territoire français le 25 février 2012 et a sollicité le 6 mai 2019 son admission au séjour sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié et des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté contesté mentionne également que l'intéressé a produit une promesse d'embauche en qualité de cuisinier et que sa fratrie se trouve sur le territoire français. Enfin, il ressort des mentions de cet arrêté que le préfet de police a examiné la situation de M. F... au regard des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Enfin, le préfet de police a fait état de ce qu'il a examiné la situation de l'intéressé au regard de son pouvoir discrétionnaire d'admission au séjour et en a conclu qu'il n'existait aucun motif exceptionnel qui justifierait qu'il en fasse usage. Ainsi, M. F..., qui ne saurait utilement invoquer les dispositions de l'article 3 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, lesquelles ont été abrogées par l'ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015, n'est pas fondé, en tout état de cause, à soutenir que l'arrêté contesté est insuffisamment motivé.

5. En troisième lieu, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle du requérant doit, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, être écarté comme manquant en fait.

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".

7. Cet article porte sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie et n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour pour l'exercice d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour en cette qualité ne peut utilement invoquer les dispositions précitées de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

8. M. F... se prévaut d'un document Cerfa de demande d'autorisation de travail de la société " Galiya " du 30 avril 2019 et d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu avec cette même société le 2 janvier 2018 pour un poste de cuisinier à temps plein, assorti des bulletins de paie correspondants pour l'année 2018 ainsi que pour les mois de janvier, février, mars, avril et septembre 2019. Il produit également un bulletin de paie pour la société " Nouri " en qualité de livreur polyvalent à temps partiel pour le mois de mars 2015, puis un contrat à durée indéterminée conclu le 4 mai 2016 avec la société " El Baraka " en qualité d'employé polyvalent à temps partiel, assorti des bulletins de paie correspondants allant du mois de mai 2016 au mois de mars 2017, ainsi qu'un contrat à durée déterminée conclu le 6 juin 2017 avec la société " Galiya " en qualité d'employé polyvalent à temps partiel, assorti des bulletins de paie correspondants allant du mois de juin 2017 au mois de décembre 2017. M. F... produit également une attestation de formation relative à la thématique " hygiène et sécurité alimentaire, selon la démarche HACCP " suivie les 9 et 10 juillet 2018, ainsi que la traduction en français d'une attestation de formation culinaire qui s'est déroulée du 1er octobre 2008 au 31 juillet 2009, délivrée par l'institut privé tunisien Zarzis de formation en tourisme et en hôtellerie. Toutefois, ces éléments ne sont pas, à eux seuls, de nature à caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels ouvrant droit à l'admission exceptionnelle au séjour. Partant, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. F... se prévaut de la circonstance qu'il résiderait, selon ses dires, de manière stable et continue en France depuis 2012, où il a fixé le centre de ses intérêts et où résident ses amis, ainsi que sa soeur, titulaire d'une carte de résidente. Toutefois, l'intéressé se déclare célibataire et sans charge de famille et n'allègue pas être dépourvu d'attaches familiales en Tunisie, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-et-un ans, selon ses dires. Dans ces conditions, M. F... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 9 que le préfet de police n'a pas entaché la décision contestée d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle du requérant.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi qu'il a été dit au point 4, l'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivé. Le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'un défaut de motivation ne peut, dès lors, qu'être écarté comme manquant en fait.

S'agissant de la décision portant fixation du pays de renvoi :

13. Les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant entachées d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de ce que la décision portant fixation du pays de renvoi serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de ces décisions doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celle présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme D..., premier conseiller,

- M. Sibilli, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 1er avril 2021.

Le rapporteur,

I. D...Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00955


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : TAJ

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 01/04/2021
Date de l'import : 20/04/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20PA00955
Numéro NOR : CETATEXT000043368263 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-01;20pa00955 ?
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