La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/02/2021 | FRANCE | N°20PA03614

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 19 février 2021, 20PA03614


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé son admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2000815 du 4 novembre 2020, le Tribunal admi

nistratif de Montreuil a annulé l'arrêté attaqué et a enjoint au préfet de la Seine-Saint...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé son admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2000815 du 4 novembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté attaqué et a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2020, sous le n° 20PA03616, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 4 novembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit au moyen tiré d'une erreur de fait concernant les rémunérations mensuelles de M. B..., alors qu'il aurait pris la même décision s'il n'avait pas commis cette erreur ;

- les autres moyens soulevés devant le Tribunal administratif ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2020, M. B..., représenté par Me A... C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2020, sous le n° 20PA03614, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 4 novembre 2020.

Il soutient qu'il fait valoir des moyens sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de ce jugement, le rejet de la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif, et que l'exécution du jugement risque d'entrainer des conséquences difficilement réparables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2020, M. B..., représenté par Me A... C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/15/CE du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant égyptien né le 9 juin 1984 à Gharbeya (Egypte), entré sur le territoire français le 4 août 2015, a, le 28 février 2019, formulé une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Le préfet de la Seine-Saint-Denis, par un arrêté du

24 décembre 2019, a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Le préfet de la Seine-Saint-Denis fait appel du jugement du 4 novembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.

En ce qui concerne la requête n° 20PA03614 :

2. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

En ce qui concerne la requête n° 20PA03616 :

Sur la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis :

3. Pour annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis, les premiers juges se sont fondés sur l'erreur de fait commise par celui-ci sur les rémunérations mensuelles de

M. B.... Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'ainsi que le préfet le soutient devant la Cour, il aurait pris la même décision s'il n'avait pas commis cette erreur. Le préfet est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé l'arrêté en litige pour ce motif.

4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Sur le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article

L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

6. Si M. B... soutient qu'il réside en France depuis le 4 août 2015, qu'il y travaille depuis le mois de juin 2016 dans le secteur du bâtiment et bénéficie d'un contrat à durée indéterminée en tant qu'ouvrier plaquiste depuis le 1er octobre 2018, il ne se prévaut d'aucun motif exceptionnel ou humanitaire de nature à établir qu'en refusant son admission exceptionnelle au séjour dans le cadre des dispositions citées au point 5, le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

7. En second lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Si M. B... se prévaut de la durée de sa présence en France, de son activité professionnelle et de son contrat à durée indéterminée signé le 1er octobre 2018, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant, ne démontre pas une insertion particulière dans la société française et ne justifie pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays où il a résidé jusqu'à l'âge de trente-et-un ans. L'arrêté en litige ne peut, dans ces conditions, être regardé comme portant une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations citées ci-dessus.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

9. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. _ (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ".

10. En premier lieu, l'interdiction de retour vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne également que M. B... déclare être entré entré sur le territoire français en août 2015 et qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre le

26 septembre 2017 et dont il a reçu notification le 29 septembre 2017. En outre, elle fait état de sa situation personnelle et familiale ainsi que des conditions irrégulières de son séjour en France. Si l'autorité administrative doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision, une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément si, comme en l'espèce, après prise en compte de ce critère elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'interdiction de retour ne peut qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, si M. B... allègue que la mesure d'éloignement du

26 septembre 2017 sur laquelle se fonde le préfet de la Seine-Saint-Denis pour prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français ne lui a pas été notifiée, le préfet produit l'avis de réception qui mentionne que le pli lui a bien été présenté le

27 septembre 2017.

12. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, l'interdiction de retour sur le territoire français ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou comme reposant sur une erreur manifeste d'appréciation.

13. Enfin, si M. B... soutient que son droit d'être entendu a été méconnu, il ne conteste pas avoir été reçu par les services de la préfecture lorsqu'il a déposé sa demande de titre de séjour. Dans ces conditions, le moyen doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 24 décembre 2019 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de M. B....

En ce qui concerne les conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 20PA03614.

Article 2 : Le jugement n° 2000815 du Tribunal administratif de Montreuil du

4 novembre 2020 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... B....

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 4 février 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. E..., président-assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 février 2021.

Le rapporteur,

J-C. E... Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

T. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 20PA03614-20PA03616


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03614
Date de la décision : 19/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : CALVO PARDO

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-19;20pa03614 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award