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19/02/2021 | FRANCE | N°20PA00978

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 19 février 2021, 20PA00978


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 8 juin 2017 par laquelle la rectrice de l'académie de Créteil l'a mutée d'office dans l'intérêt du service au collège Elsa Triolet de Varennes-sur-Seine, à compter du

1er septembre 2017, d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Créteil de l'affecter à son poste d'origine, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de mettre

à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions comb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 8 juin 2017 par laquelle la rectrice de l'académie de Créteil l'a mutée d'office dans l'intérêt du service au collège Elsa Triolet de Varennes-sur-Seine, à compter du

1er septembre 2017, d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Créteil de l'affecter à son poste d'origine, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1705701 du 31 décembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 13 mars 2020, 19 août 2020 et

23 décembre 2020, Mme A..., représentée par Me D... puis par le cabinet Athon-Perez, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 31 décembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 8 juin 2017 par laquelle la rectrice de l'académie de Créteil l'a mutée d'office au collège Elsa Triolet de Varennes-sur-Seine ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la mutation dans l'intérêt du service n'était pas justifiée compte tenu du délai important écoulé entre ses difficultés avec son chef d'établissement et l'intervention de cette mutation ;

- la mutation d'office n'était pas justifiée par l'intérêt du service dès lors que les faits en cause, outre qu'ils dataient de 2015, n'ont concerné qu'une brève période et que de surcroît elle n'était plus en poste dans l'établissement Uruguay lors de l'intervention de cette décision ;

- le tribunal a, à tort, jugé qu'elle n'apportait pas la preuve des conséquences désastreuses sur sa vie personnelle de la décision contestée alors que cette mutation lui impose de longs trajets, que ses problèmes de santé sont connus et que pour ces motifs la mutation litigieuse est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- cette mutation ne pouvait se fonder sur des faits de harcèlement sexuel et est dès lors dépourvue de fondement.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 décembre 2020, le recteur de l'académie de Créteil demande à la Cour de rejeter la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de Lachaux pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A..., professeure certifiée d'espagnol, a été nommée le

1er septembre 2013 au sein du lycée professionnel Uruguay France sur le territoire de la commune d'Avon (Seine-et-Marne) dans le cadre du mouvement inter-académique. Après la nomination d'un nouveau proviseur en 2014, qu'elle a été amenée à côtoyer à partir de début 2015 lors de son retour d'un congé maladie, elle a adopté à l'égard de celui-ci des attitudes inappropriées entre avril et juin 2015, qui ont notamment conduit à son placement en congé maladie d'office, par décision du 16 juin 2015 notifiée le 18 juin, à titre conservatoire, dans l'attente de l'avis du comité médical sur l'octroi d'un congé longue maladie. Le comité ayant émis un avis défavorable le 15 octobre 2015, elle a été temporairement affectée au lycée polyvalent Lafayette à Champagne-sur-Seine (Seine-et-Marne) pour la période du 18 décembre 2015 au 31 août 2016. Elle a ensuite accepté de former une demande de mutation pour d'autres établissements de Seine-et-Marne le 21 mars 2015 pour la rentrée de septembre 2016, mais, après avoir confirmé cette demande le 30 mars 2016, elle l'a finalement retirée le 2 mai 2016 en invoquant son souhait de demander l'année suivante son affectation dans un établissement du Val-de-Marne pour des raisons familiales. Elle a alors été affectée au lycée André Malraux à Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne) pour l'année 2016-2017, mais n'a pas formulé la demande annoncée de mutation dans le Val-de-Marne. Elle a formé en revanche une demande de médiation le 21 septembre 2016 en exprimant le souhait d'être de nouveau affectée à Avon, mais, par arrêté du 8 juin 2017 de la directrice des relations et ressources humaines du rectorat de l'académie de Créteil, pris après avis favorable de la commission administrative paritaire réunie le 6 juin 2017, elle a fait l'objet d'une mutation d'office dans l'intérêt du service et a été affectée, dans ce cadre, au sein du collège Elsa Triolet à Varennes-sur-Seine (Seine-et-Marne). Elle a alors saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de cette décision, mais le tribunal a rejeté cette demande par jugement du 31 décembre 2019 dont elle interjette appel.

Sur la régularité du jugement :

2. Si Mme A... fait valoir que le tribunal n'aurait pas répondu au moyen tiré de ce que sa mutation dans l'intérêt du service n'était pas justifiée compte tenu du délai important écoulé entre ses difficultés relationnelles avec son chef d'établissement et l'intervention de cette mutation, il ressort au contraire du jugement querellé que les premiers juges ont considéré explicitement qu'elle soulevait ainsi un vice de forme tiré de ce que la décision ne serait pas intervenue dans un délai raisonnable, et ont écarté ce moyen en tant que tel. Par ailleurs, à supposer que Mme A... ait entendu, en invoquant ce délai, contester la légalité interne de la décision attaquée, ce grief ne constitue, dans ce cas, qu'un argument à l'appui du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée cette décision, et le tribunal, qui a écarté ce moyen au terme d'une motivation très détaillée, n'était pas tenu de répondre explicitement à chacun des arguments soulevés à l'appui de ce moyen.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Si Mme A... déclare explicitement renoncer à plusieurs des moyens soulevés en première instance, elle soutient à nouveau, en revanche, que la décision attaquée serait dépourvue de fondement dès lors qu'elle ne pouvait se fonder sur des faits de harcèlement sexuel. Toutefois, il ressort de ses propres courriels des mois d'avril et mai 2015 qu'elle a, au cours de cette période, tenu dans ces messages au proviseur des propos à caractère sexuel explicite, lui a demandé son adresse de messagerie personnelle, et a fait part à son prédécesseur, dans un courriel du 27 mai 2017 et dans des termes très crus, de son désir de nouer une relation intime avec l'intéressé, lui demandant même son aide à cette fin. Il ressort également des autres pièces du dossier qu'elle a fait part aussi de ses " sentiments " à l'un des adjoints du proviseur le 21 mai 2015, lui demandant de l'aide pour obtenir un rendez-vous avec lui, et cherchait tous les prétextes pour le voir et se trouver seul avec lui, en dépit de l'attitude claire de l'intéressé qui, dès le 7 avril 2015, avait prévenu la direction des ressources humaines du rectorat des difficultés qu'il rencontrait en raison du comportement inapproprié de Mme A... et en a informé celle-ci le 14 avril 2015, en présence d'un des proviseurs adjoints. La persistance de son comportement inapproprié après cette initiative a finalement conduit le proviseur à déposer le 3 juin une main courante au commissariat au motif de harcèlement sexuel et harcèlement téléphonique. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la matérialité des faits ayant conduit à sa mutation d'office ne serait pas établie, ni par suite que celle-ci serait dépourvue de fondement, peu important que les faits en cause reçoivent ou non le qualificatif de " harcèlement sexuel ".

4. Par ailleurs, si Mme A... fait valoir que cette mutation d'office ne serait pas justifiée par l'intérêt du service, compte tenu notamment d'une part de ce qu'elle est intervenue deux ans après les faits en cause qui n'auraient concerné qu'une brève période, et d'autre part alors qu'elle n'était plus en poste dans l'établissement Uruguay France, elle indique elle-même dans un courriel à l'administration du 9 janvier 2017 que " depuis juin 2015 je subis un conflit créé par M. B..., proviseur du lycée Uruguay-France à Avon, et que ce conflit perdure malgré tous mes efforts de conciliation ". Par ailleurs, les faits mentionnés ci-dessus, qui se sont déroulés entre avril et juin 2015, présentent un caractère de gravité certain et ont eu un important retentissement en raison des propos tenus également par Mme A... à des tiers tels que l'ancien proviseur et les proviseurs adjoints, et de son attitude, qui a notamment contraint le proviseur à devoir appeler les forces de l'ordre pour qu'elle accepte de sortir de son bureau le 18 juin 2015 lorsqu'il lui a notifié son placement en congé maladie d'office. Dès lors, même si deux ans s'étaient écoulés, son retour dans cet établissement, alors qu'elle indique elle-même que le conflit avec le proviseur perdure, serait de nature à perturber gravement le fonctionnement de ce lycée. Au demeurant, le temps écoulé entre les faits et la décision contestée s'explique largement par l'attitude de Mme A... qui, en acceptant de former une demande de mutation pour d'autres établissements de Seine-et-Marne pour la rentrée 2016, puis en retirant cette demande le 2 mai 2016 au motif d'un souhait d'affectation l'année suivante dans le Val-de-Marne, auquel elle n'a au demeurant jamais donné suite, a retardé le règlement de sa situation et la recherche d'une affectation durable. En outre, si elle fait valoir qu'elle n'était plus en poste au lycée Uruguay France, lors de l'intervention de la décision contestée, celle-ci se justifie par la circonstance qu'elle tente d'y retourner, sans qu'il y ait lieu, à ce stade, de se prononcer sur les motivations d'un tel souhait.

5. Enfin, si Mme A... soutient que la décision attaquée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation, il ressort de tout ce qui vient d'être dit qu'elle est conforme à l'intérêt du service. Par ailleurs, il n'apparait pas que le temps de trajet en transports en commun excèderait notablement les temps de trajets usuels en région parisienne. En outre elle n'établit pas par la mention de ces temps de trajet et par la production d'un certificat de son médecin traitant du 12 juillet 2018, donc postérieur d'un an à la décision attaquée et recommandant qu'elle ait une affectation " à une distance raisonnable de son domicile et bien desservie par les transports en commun ", que cette affectation aurait des conséquences " désastreuses " sur sa vie personnelle, ce qui, au demeurant, ne pourrait remettre en cause que le lieu de son affectation et non le principe d'une mutation d'office en-dehors du lycée Uruguay France d'Avon. Enfin, si elle produit des courriels de l'administration des

20 et 27 mars 2017 lui laissant espérer la perspective d'une affectation à Avon à la rentrée suivante, ces documents ne créaient aucun droit acquis à son profit et ne sont pas de nature à remettre en cause le bien-fondé de la mutation d'office ensuite prononcée. Dès lors, et alors même que la commission administrative paritaire n'a émis un avis favorable à cette mesure que par une courte majorité, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au recteur de l'académie de Créteil et au ministre de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 4 février 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme E... premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 février 2021.

Le rapporteur,

M-I. E...Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

T. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00978


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00978
Date de la décision : 19/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-01-02 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Affectation et mutation. Mutation.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : LAURENT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-19;20pa00978 ?
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