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19/02/2021 | FRANCE | N°19PA04068

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 19 février 2021, 19PA04068


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 février 2018 par laquelle la ministre des solidarités et de la santé a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, d'enjoindre à l'administration de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de procéder en conséquence à la régularisation de sa situation financière et à la reconstitution de sa carrière, d'annuler les arrêtés du 19 octobre 2017 et du 8 février 2019 prolongeant sa

disponibilité d'office et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 février 2018 par laquelle la ministre des solidarités et de la santé a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, d'enjoindre à l'administration de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de procéder en conséquence à la régularisation de sa situation financière et à la reconstitution de sa carrière, d'annuler les arrêtés du 19 octobre 2017 et du 8 février 2019 prolongeant sa disponibilité d'office et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1806623/5-2 du 17 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 décembre 2019 et 31 janvier 2021,

Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 17 octobre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 21 février 2018 par laquelle la ministre des solidarités et de la santé a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ;

3°) d'enjoindre au ministre de reconnaitre l'imputabilité au service de sa pathologie et d'en tirer toutes conséquences statutaires et financières dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a, à tort, écarté le moyen tiré de l'irrégularité résultant de l'absence d'un médecin spécialiste de son affection au sein de la commission de réforme s'étant prononcé sur son cas alors qu'en application des dispositions combinées des articles 5, 6 et 12 du décret n°86-442 du 14 mars 1986, telles qu'interprétées par la jurisprudence, la présence d'un tel spécialiste est requise même lorsque la commission ne se prononce pas sur un congé longue durée ou longue maladie ;

- le tribunal a, à tort, aussi jugé que l'absence de deux généralistes dans la commission de réforme ne l'avait pas privée d'une garantie alors qu'il y avait des discordances entre praticiens sur l'origine de sa pathologie ;

- le tribunal ne pouvait écarter le moyen tiré de l'absence au dossier d'un rapport du médecin de prévention au motif qu'elle ne s'était pas rendu à deux visites médicales auxquelles elle était convoquée, alors que celles-ci n'avaient pas pour objet la réalisation d'un rapport mais qu'il s'agissait de visites préalables à une éventuelle reprise d'activités et qu'en tout état de cause, la réalisation du rapport n'implique pas nécessairement une consultation préalable de la patiente ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, elle justifie bien du lien entre sa pathologie et ses conditions de travail.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 janvier 2021, le ministre des solidarités et de la santé demande à la Cour de rejeter la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de Me B... pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., conseillère d'éducation populaire et de jeunesse au sein de la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) de Paris, exerçait depuis 2011 ses fonctions dans les locaux situés dans l'immeuble dénommé " Le Ponant ", 5 rue Leblanc à Paris (75015) et, souffrant de diverses affections des voies respiratoires, elle a fait l'objet de plusieurs congés maladie jusqu'à son arrêt complet à compter du 1er septembre 2015. Elle a alors demandé à être placée en congé de longue maladie, mais cette demande a fait l'objet d'un avis défavorable du comité médical et a été rejetée par décision du 24 mars 2016. Tout en saisissant le comité médical supérieur, qui a confirmé l'avis défavorable du comité médical à l'issue de sa séance du 11 janvier 2017, elle a formé le 1er septembre 2016 une demande de reconnaissance de sa pathologie comme maladie contractée en service, en raison du défaut d'aération et des conditions de climatisation de l'immeuble " Le Ponant ". Après expertise réalisée le 9 juin 2017 et qui, en contradiction avec les attestations médicales qu'elle produisait, contestait l'imputabilité de sa pathologie à ses conditions de travail, et après avis défavorable de la commission de réforme, sa demande d'imputabilité au service de sa maladie a été rejetée par décision du 21 février 2018 du ministre des solidarités et de la santé. Elle a par ailleurs été placée en disponibilité d'office pour raisons de santé du 31 août 2016 au 30 mars 2019 par trois arrêtés du 18 août 2017, du 19 octobre 2017 et du 8 février 2019. Elle a alors saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision mentionnée ci-dessus du 21 février 2018 et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de procéder en conséquence à la régularisation de sa situation financière et à la reconstitution de sa carrière. Elle demandait également l'annulation des arrêtés du 19 octobre 2017 et du 8 février 2019 prolongeant sa mise en disponibilité d'office pour raison de santé. Le tribunal a rejeté l'ensemble de ses demandes par un jugement du 17 octobre 2019 dont elle interjette appel en ne présentant plus, toutefois, de conclusions à l'encontre de ces arrêtés des 19 octobre 2017 et 8 février 2019. Elle doit dès lors être regardée comme interjetant appel du jugement en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 21 février 2018 refusant de reconnaître sa pathologie imputable au service, ainsi que ses conclusions à fins d'injonction.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 12 du décret du 14 mars 1986 visé ci-dessus : " Dans chaque département, il est institué une commission de réforme départementale compétente à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15. Cette commission, placée sous la présidence du préfet ou de son représentant, qui dirige les délibérations mais ne participe pas aux votes, est composée comme suit : (...) / 4. Les membres du comité médical prévu à l'article 6 du présent décret. / Le secrétariat de la commission de réforme départementale est celui du comité médical prévu à l'article 6 du présent décret. ". Aux termes de l'article 6 du même décret : " Dans chaque département, un comité médical départemental compétent à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15 ci-après est constitué auprès du préfet. / La composition de ce comité est semblable à celle du comité médical ministériel prévu à l'article 5. Pour chacun des membres, un ou plusieurs suppléants sont désignés. /S'il ne se trouve pas, dans le département, un ou plusieurs des spécialistes agréés dont le concours est nécessaire, le comité médical départemental fait appel à des spécialistes résidents dans d'autres départements. Ces spécialistes font connaître, éventuellement par écrit, leur avis sur les questions de leur compétence. / Les membres du comité médical départemental sont désignés, pour une durée de trois ans, par le préfet parmi les praticiens figurant sur la liste prévue à l'article 1er du présent décret. / Les dispositions du 5e et du 6e alinéa de l'article 5 du présent décret sont applicables aux membres des comités médicaux départementaux. (...) ". Et l'article 5 de ce décret dispose que le comité médical comprend " deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. ".

3. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au point 2 que lorsqu'une commission de réforme départementale statue sur une demande d'un agent, alors même que cette demande ne porte pas sur l'octroi d'un congé de longue durée ou de longue maladie, elle doit comporter un spécialiste compétent pour l'affection principale dont il est atteint et au titre de laquelle est formulée cette demande. Or, il est constant que la commission qui s'est prononcée sur la demande de Mme A... d'imputabilité au service de sa pathologie, ne comportait pas d'otorhino-laryngologiste mais seulement un médecin généraliste et un psychiatre. Par ailleurs une telle circonstance, compte tenu notamment des divergences entre les praticiens qui l'ont suivie et le médecin auteur de l'expertise, a été de nature à priver

Mme A... d'une garantie. Dès lors, celle-ci est fondée à soutenir que la décision attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière et à en demander pour ce motif l'annulation.

4. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 21 février 2018 ainsi que ses conclusions à fins d'injonction. Elle est dès lors fondée à en demander l'annulation dans cette mesure ainsi que celle de la décision du 21 février 2018.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".

6. Si le présent arrêt n'implique pas que, comme le demande Mme A..., il soit enjoint au ministre de reconnaitre l'imputabilité au service de sa pathologie et d'en tirer toutes conséquences statutaires et financières, il implique en revanche qu'il lui soit enjoint de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1806623/5-2 du 17 octobre 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 21 février 2018 ainsi que ses conclusions à fins d'injonction.

Article 2 : La décision du 21 février 2018 du ministre des solidarités et de la santé refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... est annulée.

Article 3 : Le ministre des solidarités et de la santé réexaminera la demande d'imputabilité au service de la pathologie de Mme A... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 4 février 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme D... premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 février 2021.

Le rapporteur,

M-I. D...Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

T. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA04068


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA04068
Date de la décision : 19/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés de maladie.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : BEGUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-19;19pa04068 ?
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