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19/02/2021 | FRANCE | N°19PA03788

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 19 février 2021, 19PA03788


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Nogent-sur-Marne à lui verser l'intégralité des salaires qu'il aurait dû selon lui percevoir ainsi qu'une indemnité de licenciement, à concurrence de la somme totale de

16 762,06 euros, ainsi qu'une somme de 11 000 euros en réparation de son préjudice moral et de mettre à la charge de la commune de Nogent-sur-Marne une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice ad

ministrative.

Par un jugement n° 1701848 du 1er octobre 2019, le Tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Nogent-sur-Marne à lui verser l'intégralité des salaires qu'il aurait dû selon lui percevoir ainsi qu'une indemnité de licenciement, à concurrence de la somme totale de

16 762,06 euros, ainsi qu'une somme de 11 000 euros en réparation de son préjudice moral et de mettre à la charge de la commune de Nogent-sur-Marne une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1701848 du 1er octobre 2019, le Tribunal administratif de Melun a condamné la commune de Nogent-sur-Marne à verser à M. D... une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral, ainsi qu'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 novembre 2019, et 27 janvier 2021 la commune de Nogent-sur-Marne, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 1er octobre 2019 en tant qu'il a jugé que la décision de non-renouvellement du contrat de M. D... était entachée d'illégalité et en tant qu'il a, en conséquence, condamné la commune de Nogent-sur-Marne à lui verser une somme de 1000 euros en réparation de son préjudice moral et une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. D... ainsi que son appel incident ;

3°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal elle n'a pas fondé le non-renouvellement du contrat de M. D... sur la gravité des faits qui lui étaient reprochés mais sur son placement judiciaire comportant une interdiction d'exercer toute activité au contact de mineurs, ce qui justifiait le refus de renouveler son contrat ;

- en tout état de cause le comportement de M. D..., même s'il a été relaxé par le juge pénal, était inapproprié et ambigu avec les enfants, ce qui justifiait le non-renouvellement de son contrat ;

- il est en tout état de cause conforme à l'intérêt du service de ne pas renouveler le contrat d'un agent ayant fait l'objet d'une plainte pour agression sexuelle, même en cas de relaxe ou de classement sans suite.

Par des mémoires en défense enregistrés les 10 décembre 2020 et 29 janvier 2021,

M. D..., représenté par Me F..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de confirmer le jugement en tant qu'il a condamné la commune de Nogent-sur-Marne à lui verser une somme de 1000 euros en réparation de son préjudice moral et une somme de

1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par la voie de l'appel incident :

3°) d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

4°) d'annuler la décision de la commune du 6 janvier 2017 rejetant son recours préalable indemnitaire ;

5°) de condamner la commune de Nogent-sur-Marne à lui verser l'intégralité des salaires qu'il aurait dû, selon lui, percevoir ainsi qu'une indemnité de licenciement, soit une somme totale de 16 762,06 euros ;

6°) de porter à 11 000 euros la somme que la commune de Nogent-sur-Marne sera condamnée à lui verser en réparation de son préjudice moral et des " conséquences personnelles " pour lui du non-renouvellement de son contrat ;

7°) de mettre à la charge de la commune de Nogent-sur-Marne une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- il avait été embauché pour toute l'année scolaire et en réduisant, à seule fin de pouvoir l'évincer, cette durée à trois mois dans l'arrêté du 5 septembre 2016 émis a posteriori, la commune a entaché cet arrêté de détournement de pouvoir ;

- l'arrêté de nomination du 5 septembre 2016 n'a jamais été transmis en préfecture ;

- il a fait l'objet d'un licenciement déguisé, qui n'était pas justifié et qui, d'une part, était constitutif d'une faute de la commune de nature à engager sa responsabilité, et, d'autre part, lui ouvre droit au versement d'indemnités de licenciement et d'allocations chômage ;

- il a subi un préjudice financier résultant du non versement de son traitement ainsi que de l'indemnité de licenciement à laquelle il avait droit, et un préjudice moral.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de Me B... pour la commune de Nogent-sur-Marne,

- et les observations de Me F... pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Recruté par la commune de Nogent-sur-Marne pour y exercer à compter du 31 août 2016 un emploi à temps complet d'adjoint territorial d'animation de 2ème classe au sein du club de loisirs et de découvertes " val de beauté", M. C... D... a fait l'objet de plaintes de parents pour gestes déplacés à l'égard d'enfants du club. Au cours d'un entretien qui s'est tenu le

9 septembre 2016, le directeur de ce club de loisirs l'a informé de cette plainte, et lui a demandé de ne pas reprendre son poste dans l'attente d'un entretien en mairie. A l'issue de celui-ci, le

12 septembre suivant, M. D... a été informé de ce qu'un signalement était effectué auprès du procureur de la République du Tribunal de grande instance de Créteil et de ce que, dans l'attente de l'issue de cette enquête, il était placé en congés. Le 27 octobre 2016 le substitut du procureur près le Tribunal de grande instance de Créteil a informé la commune de ce que M. D... était renvoyé devant le Tribunal correctionnel et était entretemps placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d'entrer en contact avec les plaignants ainsi que d'exercer toute activité au contact de mineurs. Par courrier du même jour, la commune a dès lors fait savoir à l'intéressé que ce contrôle judiciaire faisait obstacle à sa reprise d'activité et que le versement de son traitement était suspendu. Par un second courrier du 31 octobre 2016, elle informait également M. D... que son contrat de travail, qui expirait le 30 novembre suivant, ne serait pas renouvelé. M. D... a alors formé, le

28 novembre 2016, un recours indemnitaire préalable, sollicitant réparation de divers préjudices et faisant valoir qu'il aurait été en réalité recruté pour toute l'année scolaire 2016-2017 et non pour trois mois, et que la décision de non-renouvellement avait ainsi en réalité le caractère d'un licenciement déguisé. Par courrier du 6 janvier 2017 la commune de Nogent-sur-Marne a rejeté ce recours préalable. Par ailleurs, dans le cadre de l'instance judiciaire, le Tribunal correctionnel de Créteil a, par jugement du 3 février 2017, condamné l'intéressé à six mois de prison avec sursis pour agression sexuelle sur mineur de moins de quinze ans, avant que la Cour d'Appel de Paris n'infirme ce jugement et ne prononce sa relaxe par un arrêt du 30 mars 2018. Parallèlement à cette instance devant le juge judiciaire, M. D... a saisi le Tribunal administratif de Melun, le 6 mars 2017, d'une requête à fins d'indemnisation et, par jugement du 1er octobre 2019, le tribunal a rejeté les conclusions tendant à l'indemnisation de son préjudice matériel, en retenant qu'il n'était pas établi que son engagement aurait été prévu initialement pour une durée d'un an, ni par suite qu'il aurait fait l'objet d'un licenciement déguisé, mais a condamné la commune à lui verser une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral résultant de l'illégalité de la décision du

31 octobre 2017 de non-renouvellement de son contrat. La commune de Nogent-sur-Marne interjette appel de ce jugement dans cette mesure, tandis que, par la voie de l'appel incident, M. D... demande l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur l'appel principal de la commune de Nogent-sur-Marne :

2. En premier lieu, il ne résulte d'aucune pièce du dossier que la commune aurait recruté

M. D... pour toute la durée de l'année scolaire 2016-2017 comme celui-ci le fait valoir, ni qu'elle n'aurait que postérieurement tenté d'écourter à trois mois la durée de son contrat, du fait de la procédure pénale en cours, et afin de l'évincer sans avoir à procéder à son licenciement. En conséquence la décision de non-renouvellement de son contrat, contenue dans le courrier du

31 octobre 2016, ne revêt pas le caractère d'un licenciement déguisé. En effet l'existence d'une embauche de l'intéressé pour toute l'année scolaire ne peut notamment se déduire de ce que le directeur du centre de loisirs dans lequel il exerçait ses fonctions ait déclaré lors de son audition par les services de police qu'il aurait été embauché à compter de la rentrée scolaire 2017, une telle indication ne permettant pas de présumer de la durée de son contrat. De même, s'il fait valoir que l'arrêté du 5 septembre 2016 prononçant son recrutement pour une durée de trois mois aurait été pris a posteriori, qu'il comporterait de nombreuses différences avec les contrats d'embauche d'autres agents produits par la commune et enfin que cette collectivité se serait par ailleurs contredite sur les motifs de son recrutement, aucune de ces circonstances, ni aucun autre élément présenté par

M. D... n'est, en tout état de cause, de nature à permettre d'établir, qu'il aurait été recruté par la commune pour toute l'année scolaire 2016-2017 et non pour une durée de trois mois s'achevant le 30 novembre 2016. C'est donc à bon droit que le tribunal a estimé que la décision contenue dans la lettre du 31 octobre 2016, prévoyant la fin de ses fonctions au 30 novembre suivant, n'avait pas le caractère d'un licenciement déguisé mais d'un refus de renouvellement de son contrat.

3. En deuxième lieu, comme l'ont à juste titre rappelé les premiers juges, si un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie pas d'un droit au renouvellement de son contrat, l'administration ne peut toutefois légalement décider, au terme de ce contrat, de ne pas le renouveler que pour un motif tiré de l'intérêt du service ou pris en considération de la personne et ne révélant notamment ni inexactitude matérielle des faits, ni erreur manifeste d'appréciation.

Il appartient à l'autorité administrative, lorsque l'agent soutient que la décision de non-renouvellement n'a pas été prise dans l'intérêt du service, d'indiquer, s'ils ne figurent pas dans la décision, les motifs pour lesquels il a été décidé de ne pas renouveler le contrat.

4. Or, en l'espèce il résulte de ce qui a été dit au point 1 que, lors de l'intervention de la décision contenue dans le courrier du 31 octobre 2016 de ne pas renouveler le contrat de M. D..., la commune avait été informée quelques jours auparavant, le 27 octobre 2016, par le substitut du procureur près le Tribunal de grande instance de Créteil, de ce que M. D... était renvoyé devant le Tribunal correctionnel et était entretemps placé sous contrôle judiciaire avec interdiction notamment d'exercer toute activité au contact de mineurs. L'existence de cette interdiction faisant obstacle à la poursuite de l'activité de l'intéressé au sein du centre de loisirs, il était conforme à l'intérêt du service de ne pas renouveler son contrat portant sur des fonctions qu'il était dans l'incapacité d'exercer. Dès lors, la commune de Nogent-sur-Marne, qui d'ailleurs, si elle avait fait allusion dans ses écritures de première instance à la gravité des faits commis par l'intéressé, avait surtout justifié ce non-renouvellement de son contrat par le contrôle judiciaire dont il faisait l'objet et l'interdiction qui lui était faite d'exercer une activité au contact de mineurs, est fondée à soutenir que le tribunal a, à tort, jugé qu'elle avait fondé sa décision sur des faits matériellement inexacts et entaché celle-ci d'illégalité. Elle est par suite fondée à demander l'annulation du jugement en tant qu'il a estimé que cette décision de refus de renouvellement de contrat était illégale et l'a condamnée en conséquence à verser à M. D... une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral ainsi qu'une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Sur l'appel incident de M. D... :

5. Ainsi qu'il a été dit au point 2 il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... aurait été initialement recruté par la commune pour toute la durée de l'année scolaire 2016-2017 plutôt que pour une durée de trois mois. Il n'est par suite pas fondé à soutenir que la commune ne pouvait l'évincer sans avoir à procéder à son licenciement, ni qu'elle aurait entaché sa décision de détournement de pouvoir ou de procédure. Ainsi, compte tenu de ce qui précède et par adoption des motifs retenus par les premiers juges, il n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité de la commune serait engagée à son encontre en raison de l'existence d'un tel détournement ou de l'illégalité de l'arrêté du 5 septembre 2016. Par suite, en l'absence de toute faute de la commune, ses conclusions à fins d'indemnisation ne peuvent qu'être rejetées.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Nogent-sur-Marne est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun l'a condamnée à verser à M. D... une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral ainsi qu'une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et, par suite à demander dans cette mesure l'annulation de ce jugement. En revanche M. D... n'étant pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté le surplus de ses conclusions, son appel incident ne peut qu'être rejeté.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes demandées par M. D... en première instance et en appel au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de

Nogent-sur-Marne sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1701848 du Tribunal administratif de Melun est annulé en tant qu'il a condamné la commune de Nogent-sur-Marne à verser à M. D... une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral et une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Nogent-sur-Marne présentées au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : L'appel incident de M. D... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Nogent-sur-Marne et à M. C... D....

Délibéré après l'audience du 4 février 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme E... premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 février 2021.

Le rapporteur,

M-I. E...Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

T. ROBERT

La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA03788


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03788
Date de la décision : 19/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : CLAOUE-HEYLLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-19;19pa03788 ?
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