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14/01/2021 | FRANCE | N°20PA02297

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 14 janvier 2021, 20PA02297


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 16 juin 2020 par lequel le préfet de police a décidé qu'il serait transféré aux autorités néerlandaises.

Par un jugement n° 2009111/8 du 29 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a admis provisoirement M. A... à l'aide juridictionnelle, a annulé l'arrêté du 16 juin 2020, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai d

e dix jours à compter de la date de notification du jugement, a mis à la charge de l'Eta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 16 juin 2020 par lequel le préfet de police a décidé qu'il serait transféré aux autorités néerlandaises.

Par un jugement n° 2009111/8 du 29 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a admis provisoirement M. A... à l'aide juridictionnelle, a annulé l'arrêté du 16 juin 2020, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de dix jours à compter de la date de notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. A....

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés, sous le n° 20PA02297, les 14 août et 15 décembre 2020, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 2009111/8 du 29 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- au regard du motif d'annulation et du principe d'autorité de la chose jugée, il était tenu de prendre en charge la demande d'asile de l'intéressé, de sorte que ni la délivrance de l'attestation de demande d'asile " procédure accélérée " ni l'enregistrement de sa demande par l'OFPRA n'ont eu pour effet de rendre sans objet sa requête ;

- le tribunal administratif ne pouvait lui enjoindre de délivrer à M. A... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale, la situation de l'intéressé relevant de la procédure accélérée ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu comme fondé le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés les 3 et 14 décembre 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour de constater le non-lieu à statuer sur la requête du préfet de police ou à défaut de rejeter la requête d'appel du préfet de police et de condamner l'État au versement à son conseil de la somme de 3 600 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'État.

Il fait valoir que :

- dès lors que l'administration a exécuté le jugement rendu le 29 juillet 2020, en lui délivrant une attestation de demandeur d'asile en procédure accélérée valable du 31 juillet 2020 au 30 janvier 2021 et que, le 20 août suivant, sa demande d'asile a été enregistrée par l'Office Français de Protection des Réfugiés et des Apatrides et est actuellement en cours d'instruction, les autorités françaises sont devenues définitivement responsables de sa demande de protection internationale de sorte que la requête d'appel du préfet est devenue sans objet ;

- le jugement attaqué n'est entaché d'aucune illégalité ;

- il reprend les moyens qu'il a soulevés en première instance.

M. A... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 octobre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés, sous le n° 20PA02325, les 19 août et 15 décembre 2020, le préfet de police demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2009111/8 du 29 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- au regard du motif d'annulation et du principe d'autorité de la chose jugée, il était tenu de prendre en charge la demande d'asile de l'intéressé, de sorte que, contrairement aux allégations de M. A..., ni la délivrance de l'attestation de demande d'asile " procédure accélérée " ni l'enregistrement de sa demande par l'OFPRA n'ont eu pour effet de rendre sans objet sa requête ;

- les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont remplies.

Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés les 3 et 14 décembre 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour de rejeter la demande de sursis à exécution du préfet de police et de condamner l'État au versement à son conseil de la somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'État.

Il fait valoir que :

- les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative ne sont pas remplies ;

- l'arrêté contesté est illégal.

M. A... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 octobre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;

- la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., ressortissant afghan, a été reçu par les services de la préfecture le 12 février 2020 afin de solliciter son admission au séjour au titre de l'asile. Par un arrêté du 16 juin 2020, le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités néerlandaises. Le préfet de police relève appel du jugement du 29 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de M. A..., cet arrêté et demande, en outre, à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

2. Les requêtes susvisées n° 20PA02297 et n° 20PA02325, présentées par le préfet de police tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement du 29 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 20PA02297 :

- En ce qui concerne l'exception de non-lieu à statuer :

3. Lorsque l'autorité administrative, en exécution d'un jugement d'annulation et d'injonction, prend une mesure d'exécution qui n'est motivée que par le souci de se conformer à ce jugement, cette mesure d'exécution ne prive pas d'objet l'appel dirigé contre ce jugement.

4. Pour assurer l'exécution du jugement du 29 juillet 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris, le préfet de police a délivré à M. A... une attestation de demande d'asile valable du 31 juillet 2020 au 30 janvier 2021. Ni une telle mesure d'exécution, ni la circonstance que la demande d'asile présentée par M. A... soit en cours d'examen par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne privent d'objet l'appel dirigé contre ce jugement. Par suite, l'exception de non-lieu opposée par M. A... ne peut être accueillie.

- Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :

5. Aux termes de l'article 18 du règlement n° 604/2013 susvisé du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) / d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre... ". Aux termes de l'article 3 du même règlement : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Enfin, aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

6. Pour annuler l'arrêté portant transfert de M. A... aux autorités néerlandaises en tant qu'il méconnaît les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions précitées de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le premier juge s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé serait obligé, en cas de renvoi dans son pays d'origine, de passer par Kaboul, seul point d'entrée sur le territoire afghan où il se trouverait exposé à un risque réel de subir des traitements inhumains ou dégradants prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que sa demande d'asile ayant été définitivement rejetée par les autorités néerlandaises, il existe une forte probabilité qu'il sera éloigné vers l'Afghanistan en cas de transfert de sa demande d'asile aux Pays-Bas. Toutefois, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé aux Pays-Bas et non dans son pays d'origine. Par ailleurs, les Pays-Bas, Etat membre de l'Union européenne, sont partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, M. A..., qui se borne à produire des articles de presse et des extraits de rapports internationaux sur la situation en Afghanistan ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire à l'existence de défaillances systémiques aux Pays-Bas dans la procédure d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que sa demande d'asile aurait été définitivement rejetée, que les autorités néerlandaises, n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 16 juin 2020 au motif qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.

7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

- Sur les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal :

8. En premier lieu, si M. A... soutient que la décision en litige serait dépourvue de base légale en ce que le préfet de police ne pouvait saisir les autorités néerlandaises sur le fondement des dispositions du b) de l'article 18-1 du règlement n° 604/2013, ces autorités ayant déjà rejetée sa demande d'asile, il ressort des termes de l'arrêté contesté ainsi que du formulaire de saisine des autorités néerlandaises que le préfet de police a saisi les Pays-Bas d'une demande de reprise en charge sur le fondement du d) de l'article 18-1 du règlement précité. En tout état de cause, il ressort des motifs de l'arrêté que le préfet de police a fondé la décision de transfert en litige sur les dispositions de l'article 18-1-d du règlement n° 604/2013. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale sera écarté comme manquant en fait.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Enfin, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative ".

10. Il résulte de ces dispositions que la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardé comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaitre qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

11. La décision de transfert en litige vise, notamment, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève du 28 juillet 1951 modifiée par le protocole de New-York du 31 janvier 1967, le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne que M. A... a demandé l'asile en France le 12 février 2020 et que ses empreintes, comparées aux bases de données européennes, ont révélé qu'il avait précédemment déposé une demande d'asile aux Pays-Bas le 2 décembre 2015 et le 29 août 2018, pays dont les autorités ont été saisies le 14 février 2020 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé à laquelle elles ont répondu favorablement le 21 février 2020 sur le fondement de l'article 18-1-d du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ces éléments permettent à l'intéressé de comprendre les motifs sur lesquels s'est fondé le préfet de police pour déterminer que les Pays-Bas étaient responsables de l'examen de sa demande d'asile. Elle indique également que la situation de M. A... ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au respect de son droit à la vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et enfin, qu'il n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de sa demande d'asile. Ainsi, la décision satisfait à l'exigence de motivation qu'imposent les dispositions des articles L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision litigieuse ne peut qu'être écarté.

12. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté, ni des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A...

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".

14. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre contre signature, le 11 février 2020, la brochure intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A), et le guide du demandeur d'asile, et le 12 février 2020, la brochure intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B), ainsi que la brochure Eurodac, que ces documents lui ont été remis en langue dari, langue que l'intéressé a déclaré comprendre ainsi qu'il ressort de la notice d'information signée par l'intéressé le 11 février 2020. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie tenant au droit à l'information tel que garanti par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013.

15. En cinquième lieu, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier ni même n'est soutenu que M. A... aurait formulé sa demande d'asile auprès d'une autorité autre que les services préfectoraux, l'intéressé ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance, par le préfet de police, des dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles prévoient la délivrance par les services préfectoraux à l'étranger d'un document d'information sur ses droits et les obligations qu'il doit respecter dès lors que la version de cet article dont se prévaut le requérant n'est plus en vigueur à la date de la décision en litige et que les dispositions de cet article affèrent depuis le 1er novembre 2015 au cas où l'étranger présente sa demande d'asile auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire.

16. En sixième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) . 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ". Aux termes de l'article 35 du même règlement : " 3. Les autorités visées au paragraphe 1 reçoivent la formation nécessaire en ce qui concerne l'application du présent règlement ". Enfin, aux termes des dispositions de l'article 4 de la directive " procédure " n° 2013/32/UE : " 4. Lorsqu'une autorité est désignée conformément au paragraphe 2, les États membres veillent à ce que le personnel de cette autorité dispose des connaissances appropriées ou reçoive la formation nécessaire pour remplir ses obligations lors de la mise en oeuvre de la présente directive ".

17. La conduite de l'entretien par une personne qualifiée en vertu du droit national constitue, pour le demandeur d'asile, une garantie. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié d'un tel entretien le 12 février 2020 dans les locaux de la préfecture de police, que cet entretien a été réalisé en présence d'un interprète en langue dari, langue que l'intéressé a déclaré comprendre, ainsi qu'il a déjà été dit, que M. A... a ainsi eu la possibilité de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable. Par ailleurs, M. A... ne fait état devant la Cour d'aucun élément laissant supposer que cet entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. En outre, si le résumé de l'entretien individuel, dont l'intéressé a eu connaissance comme l'atteste l'apposition de sa signature, ne mentionne pas le nom et la qualité de l'agent qui a conduit l'entretien, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été reçu par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale en charge de l'asile à la préfecture de police. Dès lors que l'entretien de M. A... a été mené par une personne qualifiée au sens du 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie dès lors qu'elle n'a pas privé M. A... de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles et, en l'espèce, n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions des articles 5 et 35 du règlement (UE) n° 604/2013 et de l'article 4 de la directive " procédure " n° 2013/32/UE doit être écarté.

18. En septième lieu, aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ".

19. Si M. A... soutient que le préfet de police n'a pas justifié de la nécessité l'ayant conduit à recourir aux services d'un interprète par téléphone, il ressort des pièces du dossier d'une part, et ainsi qu'il a été au point 17, que l'entretien s'est déroulé en présence d'un interprète en dari, langue que M. A... a déclaré comprendre, et que d'autre part, l'intéressé ne se prévaut d'aucun élément de fait ou de droit tendant à démontrer que le recours aux services téléphoniques de la société ISM interprétariat, agréée par le ministère de l'intérieur, l'aurait privé d'une garantie ou aurait exercé une influence sur le sens de la décision de transfert prise à son encontre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers doit être écarté.

20. En huitième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. ".

21. Il ressort des pièces du dossier que la décision par laquelle le préfet de police a prononcé le transfert de M. A... aux autorités néerlandaises a été notifiée à l'intéressé le 16 juin 2020 à l'issue d'un entretien mené en présence d'un interprète en langue dari, langue comprise par le requérant. Dans ces conditions, et dès lors que l'intéressé ne se prévaut d'aucun élément tendant à démontrer qu'il n'aurait pas été en mesure de comprendre les termes de la décision contestée, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

22. En neuvième lieu, d'une part, aux termes de l'article 23 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'un Etat membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre Etat membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre Etat membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9 paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. ".

23. D'autre part, aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse. ". Aux termes de l'article 19 du même règlement : " 1. Chaque État membre dispose d'un unique point d'accès national identifié. / 2. Les points d'accès nationaux sont responsables du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes. / 3. Les points d'accès nationaux sont responsables de l'émission d'un accusé de réception pour toute transmission entrante ".

24. Il résulte des dispositions précitées du règlement n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 que la production de l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau " Dublinet ", par le point d'accès national de l'Etat requis lorsqu'il reçoit une demande présentée par les autorités françaises établit l'existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai de deux mois au terme duquel la demande de reprise en charge est tenue pour implicitement acceptée. Pour autant, la production de cet accusé de réception ne constitue pas le seul moyen d'établir que les conditions mises à la reprise en charge du demandeur étaient effectivement remplies. Il appartient au juge administratif, lorsque l'accusé de réception n'est pas produit, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation du fichier " Eurodac " et de saisine du point d'accès national français ou des éléments figurant dans une confirmation explicite par l'Etat requis de son acceptation implicite de reprise en charge.

25. Il ressort des pièces du dossier et notamment des termes de l'accord explicite des autorités néerlandaises du 21 février 2020 que le préfet de police a saisi le 14 février 2020 les Pays-Bas d'une demande de reprise en charge de la demande d'asile de M. A... sur la base des résultats positifs du système Eurodac communiqués le 11 février 2020. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet de police de justifier avoir procédé aux diligences requises par les dispositions précitées, doit être ainsi écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 16 juin 2020 décidant la remise aux autorités néerlandaises de M. A..., lui a enjoint de délivrer à M. A... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et à demander en conséquence l'annulation de ce jugement.

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement :

27. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 20PA02297 du préfet de police tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 29 juillet 2020, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20PA02325 par laquelle le préfet de police sollicitait de la Cour le sursis à exécution de ce jugement.

Sur les frais de l'instance :

28. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans les instances n° 20PA02297 et 20PA02325. Les conclusions présentées à ce titre par M. A... dans les deux requêtes doivent, par suite, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA02325 du préfet de police.

Article 2 : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2009111/8 du 29 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2021.

La présidente de la 8ème chambre,

H. VINOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

11

N°s 20PA02297, 20PA02325


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02297
Date de la décision : 14/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : SEMAK

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-01-14;20pa02297 ?
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