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14/01/2021 | FRANCE | N°20PA00348

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 14 janvier 2021, 20PA00348


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 décembre 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée en France au titre de l'asile et prescrit son réacheminement vers Cuba ou tout pays où il serait légalement admissible.

Par un jugement n° 1926106/8 du 9 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 5 décembre 2019.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 jan

vier 2020, le ministre de l'intérieur, représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 décembre 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée en France au titre de l'asile et prescrit son réacheminement vers Cuba ou tout pays où il serait légalement admissible.

Par un jugement n° 1926106/8 du 9 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 5 décembre 2019.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 janvier 2020, le ministre de l'intérieur, représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1926106/8 du 9 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... A... devant le tribunal administratif de Paris contre sa décision du 5 décembre 2019.

Il soutient que :

- le jugement du tribunal administratif de Paris est insuffisamment motivé ;

- sa décision du 5 décembre 2019 par laquelle il considère que la demande d'asile de M. D... A... est manifestement infondée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les éléments dont fait part M. D... A... pour justifier de sa demande d'asile sont incohérents ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. D... A... ne sont pas fondés.

La requête n'a pu être communiquée à M. D... A... qui réside à une adresse inconnue.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur les réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les observations de Me E... substituant Me C..., avocat du ministre de l'intérieur.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... D... A..., ressortissant algérien, arrivé en France le 30 novembre 2019 à l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle par un vol en provenance de La Havane, a été placé en zone d'attente et a sollicité le 1er décembre 2019 son admission au séjour au titre de l'asile. Par une décision du 5 décembre 2019, prise après avis de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 2 décembre 2019, le ministre de l'intérieur a estimé que sa demande au titre de l'asile était manifestement infondée et a décidé en conséquence de lui refuser l'entrée sur le territoire français et a prescrit son réacheminement vers Cuba ou vers tout autre pays où il serait légalement admissible. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 9 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 5 décembre 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui, soit n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu dans une zone d'attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international figurant sur une liste définie par voie réglementaire, dans un port ou à proximité du lieu de débarquement, ou dans un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s'il est demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : (...) 3°) (...) la demande d'asile est manifestement infondée. Constitue une demande manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves. ".

4. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le ministre de l'intérieur peut rejeter la demande d'asile présentée par un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque ses déclarations et les documents qu'il produit à leur appui, du fait notamment de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l'intéressé au titre de l'article 1er A. (2) de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés.

5. Pour annuler la décision du ministre de l'intérieur refusant l'entrée sur le territoire de M. D... A..., le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur les déclarations de l'intéressé par lesquelles il affirmait qu'il a quitté son pays en 2004 pour se rendre à Cuba afin d'y effectuer ses études, qu'il a entretenu dans ce pays une relation avec une compatriote à compter de 2011, que cette dernière est rentrée en Algérie en 2016 où elle aurait été mariée de force à l'un de ses cousins qui, ayant découvert la relation passée de son épouse avec M. D... A..., menacerait ce dernier et s'en serait pris à sa famille, en particulier à son frère. Le tribunal a estimé que, compte tenu de ces éléments, le ministre de l'intérieur, en refusant son admission sur le territoire national et en estimant que sa demande devait être regardée comme manifestement infondée, avait commis une erreur manifeste d'appréciation.

6. Il ressort des pièces du dossier que, outre les lacunes, notamment de dates, que présente le récit de M. D... A..., qui fait valoir qu'il serait menacé de mort par l'époux de son ancienne compagne en cas de retour en Algérie, l'intéressé a indiqué, de manière peu cohérente, lors de l'entretien avec un agent de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, dans un premier temps, que l'objet de son voyage était de rendre visite à sa famille en Algérie puis, dans un second temps, qu'il aurait terminé ses études à Cuba et qu'il ne pourrait ainsi se maintenir de manière pérenne sur le territoire cubain. De plus, et en tout état de cause, les menaces alléguées par M. D... A..., à le supposer même établies, relèvent d'un litige purement privé, et elles ne peuvent dès lors être regardées comme étant au nombre des menaces de persécutions mentionnées à l'article 1er A. (2) de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés. Par suite, le ministre de l'intérieur, en estimant que la demande d'asile formulée par M. D... A... apparaissait manifestement infondée au sens des articles L. 221-1 et L. 213-8-1 précités, n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Paris.

7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... A... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. D... A... :

Sur la décision rejetant la demande d'admission :

8. Aux termes de l'article L. 723-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " L'office convoque le demandeur à un entretien personnel (...). Le demandeur se présente à l'entretien et répond personnellement aux questions qui lui sont posées par l'agent de l'office. Il est entendu, dans les conditions prévues à l'article

L. 741-2-1, dans la langue de son choix ou dans une autre langue dont il a une connaissance suffisante. Le demandeur peut se présenter à l'entretien accompagné soit d'un avocat, soit d'un représentant d'une association de défense des droits de l'homme, d'une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d'asile, d'une association de défense des droits des femmes ou des enfants ou d'une association de lutte contre les persécutions fondées sur l'identité de genre ou l'orientation sexuelle (...) L'avocat ou le représentant de l'association ne peut intervenir qu'à l'issue de l'entretien pour formuler des observations. / L'absence d'un avocat ou d'un représentant d'une association n'empêche pas l'office de mener un entretien avec le demandeur (...) ". Aux termes de l'article L. 213-8-1 du même code : " (...) Sauf dans le cas où l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat, la décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui rend son avis dans un délai fixé par voie réglementaire et dans le respect des garanties procédurales prévues au chapitre III du titre II du livre VII. L'office tient compte de la vulnérabilité du demandeur d'asile ".

9. En premier lieu, si la confidentialité des éléments d'information détenus par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) relatifs à la personne sollicitant en France la qualité de réfugié est une garantie essentielle du droit d'asile, ce principe ne fait pas obstacle à ce que les agents habilités à mettre en oeuvre le droit d'asile aient accès à ces informations. Par suite, M. D... A... n'est pas fondé à soutenir que la procédure suivie a porté atteinte au principe de confidentialité des éléments d'information ressortant de la demande d'asile, dès lors que ces éléments n'ont été connus, transmis et étudiés que par les agents des autorités habilitées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à traiter les demandes d'asile, à savoir les agents de police, de l'OFPRA et du ministère de l'intérieur, tous astreints au secret professionnel. Enfin la circonstance que la décision litigieuse serait transmise par télécopie ou courrier électronique n'est pas davantage de nature à méconnaître ce principe, ni à porter atteinte au droit d'asile. En conséquence, le moyen doit être écarté.

10. En deuxième lieu, M. D... A... soutient que les conditions matérielles de l'entretien avec l'agent de l'OFPRA ne lui ont pas permis d'être bien compris dès lors qu'il n'a pu bénéficier que de l'assistance d'un interprète en langue espagnole par téléphone. Cependant, il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu de l'entretien mené par un agent de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, que l'intéressé a pu apporter des réponses intelligibles et substantielles au cours de cet entretien qui n'a été perturbé par aucun incident de nature à avoir privé l'intéressé de la possibilité de fournir les précisions utiles à l'examen de sa situation. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de la procédure doit être écarté.

11. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier du compte rendu de l'entretien mené par un agent de l'OFPRA, que l'état de vulnérabilité de M. D... A... n'aurait pas été pris en compte pour statuer sur le caractère manifestement infondé de sa demande d'asile.

12. En quatrième lieu, dès lors que M. D... A... a été entendu par un agent de l'OFPRA, la circonstance que l'office a examiné sa demande au regard de son caractère manifestement infondé n'a pour effet de priver l'intéressé de la garantie tenant à l'examen au fond de sa demande d'asile. Par suite, M. D... A... n'est pas fondé à soutenir que le ministre de l'intérieur, en lui refusant l'entrée sur le territoire français au titre de l'asile, aurait méconnu le principe de non-refoulement.

Sur la décision fixant le pays de réacheminement :

13. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " et aux termes de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 : " 1. Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. 2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays. ".

14. Les déclarations de M. D... A... ne sont manifestement pas crédibles et les menaces alléguées par ce dernier ne peuvent pas être regardées comme étant au nombre des menaces de persécutions mentionnées à l'article 1er A. (2) de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, comme il a été exposé au point 6 du présent arrêt. Et la décision en litige n'a pas pour effet de prescrire le réacheminement de M. D... A... vers l'Algérie mais vers Cuba, pays dont il ne ressort d'aucune pièce du dossier ni même n'est soutenu que l'intéressé y encourait des risques pour sa vie. Dans ces conditions, M. D... A... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision portant refus d'entrée sur le territoire français et à demander l'annulation de ce jugement.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1926106/8 du 9 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... A... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- Mme Collet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 janvier 2021.

La présidente de la 8ème Chambre,

H. VINOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 20PA00348


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : SCP SAIDJI et MOREAU

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Date de la décision : 14/01/2021
Date de l'import : 27/01/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20PA00348
Numéro NOR : CETATEXT000042991724 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-01-14;20pa00348 ?
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