La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/12/2020 | FRANCE | N°20PA00952

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 24 décembre 2020, 20PA00952


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 août 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1919977 du 11 février 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 13 août 2019, enjoint au préfet de police de délivre

r à M. A... E... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 août 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1919977 du 11 février 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 13 août 2019, enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... E... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois et mis la somme de 1 500 euros à la charge de l'État.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés le 12 mars 2020 et le 21 août 2020, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1919977 du 11 février 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... E... devant le tribunal administratif de Paris.

Le préfet de police soutient que :

- le refus de délivrer un titre de séjour à M. A... E... n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les autres moyens doivent être écartés pour les motifs exposés dans ses écritures en défense de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2020, M. A... E..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'État sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... E... soutient que :

- l'erreur manifeste d'appréciation doit être confirmée ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé et n'a pas été précédé d'un examen complet ;

- la précédente obligation de quitter le territoire français a été abrogée ;

- les principes de sécurité juridique et de confiance légitime sont méconnus ;

- l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 est méconnu ;

- le préfet de police a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le gouvernement de la République français et le gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... ;

- et les observations de Me D..., pour M. A... E....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... E..., ressortissant marocain, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987. Par un arrêté du 13 août 2019, le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. Le préfet de police fait appel du jugement du 11 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou des stipulations d'une convention bilatérale, il est loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation sur le fondement d'une autre disposition ou stipulation. Il peut, en outre, exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant le titre qu'il demande ou un autre titre, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, dont il justifierait. Ainsi, dans l'hypothèse où un étranger sollicite la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", il est loisible au préfet, après avoir constaté que l'intéressé ne remplit pas les conditions pour l'obtenir, telles que celles prévues à l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, soit de lui délivrer un titre sur le fondement d'une autre disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de cet accord, s'il remplit les conditions qu'elle prévoit, soit, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, de lui délivrer, compte tenu de l'ensemble de sa situation personnelle, le titre qu'il demande ou un autre titre.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... E... est entré en France le 24 août 2013, soit plus de six ans à la date de l'arrêté contesté, muni d'un passeport pourvu d'un visa " étudiant-concours " afin de poursuivre des études supérieures par la voie de l'alternance en vue d'obtenir le diplôme de " master grande école ", délivré au nom de l'État, par l'Ecole de management de Normandie (EMN) de Caen, qu'il a obtenu en décembre 2017. Après avoir travaillé dans le cadre de ses études, il a été salarié, à compter du mois de juillet 2018, de la banque BNP Paribas dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, en qualité de chargé d'affaires " professionnels " avec une rémunération de 35 000 euros bruts par an, emploi qu'il occupait à la date de l'arrêté contesté. La circonstance que M. A... E... a produit en avril 2018 un document falsifié en vue d'obtenir un précédent titre de séjour en qualité d'étudiant ne fait pas obstacle à ce qu'un titre de séjour lui soit ultérieurement délivré, comme en l'espèce sur un autre fondement. Dans ces conditions, le préfet de police, qui a examiné la situation de l'intimé au regard de sa vie privée dans l'arrêté contesté, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cet arrêté sur la situation personnelle de M. A... E.... Par suite, le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a accueilli ce moyen.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 13 août 2019 et lui a enjoint de délivrer à M. A... E... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", conséquence nécessaire du motif d'annulation retenu. Sa requête doit dès lors être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, qui est la partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... E..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'État versera la somme de 1 500 euros à M. A... E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. F... A... E....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Platillero, président de la formation de jugement,

- Mme C..., premier conseiller,

- M. Sibilli, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 décembre 2020.

Le rapporteur,

I. C...Le président,

F. PLATILLERO

Le greffier,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA00952 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00952
Date de la décision : 24/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PLATILLERO
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : MAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-24;20pa00952 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award