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24/12/2020 | FRANCE | N°19PA02193

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 24 décembre 2020, 19PA02193


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération Santé Sociaux CFDT a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite née du silence gardé par la ministre du travail sur sa demande tendant à ce que soit pris un arrêté portant désignation des organisations patronales reconnues représentatives au sein du secteur associatif, sanitaire, social et médico-social à but non-lucratif.

Par un jugement n° 1808191 du 6 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la

cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés les 8 juillet 2019, 14 octobre 2019 et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération Santé Sociaux CFDT a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite née du silence gardé par la ministre du travail sur sa demande tendant à ce que soit pris un arrêté portant désignation des organisations patronales reconnues représentatives au sein du secteur associatif, sanitaire, social et médico-social à but non-lucratif.

Par un jugement n° 1808191 du 6 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés les 8 juillet 2019, 14 octobre 2019 et 23 septembre 2020, la Fédération Santé Sociaux CFDT, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 mai 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'enjoindre à la ministre du travail d'adopter un arrêté fixant la représentativité des organisations patronales au sein du secteur associatif, sanitaire, social et médico-social dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement a été rendu en méconnaissance des dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, dès lors que la communication du sens des conclusions du rapporteur public dans un délai raisonnable n'est pas démontrée ;

- le jugement n'est pas suffisamment motivé et est incohérent ;

- la ministre du travail était tenue de prendre un arrêté fixant la représentativité des organisations patronales au sein du secteur associatif, sanitaire, social et médico-social, en application de l'article L. 2152-6 du code du travail, les conditions étant réunies ; en effet, d'une part, il existe bien une branche professionnelle identifiée ; d'autre part, des candidatures ont été déposées en application de l'article L. 2152-5 du code du travail ;

- la ministre a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 2152-4 du code du travail, dans la mesure où deux organisations professionnelles d'employeurs ayant déposé leur candidature répondaient aux critères de représentativité prévues par ces dispositions ; la circonstance que ces candidatures résultaient d'oppositions entre plusieurs organisations professionnelles, et qu'elles ne couvraient pas l'ensemble du champ du secteur en cause, ne pouvaient constituer un motif de refus de prendre l'arrêté sollicité.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 février 2020, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la fédération requérante ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction est intervenue le 9 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la Fédération Santé Sociaux CFDT.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 23 janvier 2018, la Fédération Santé Sociaux CFDT, organisation syndicale de salariés reconnue représentative dans le secteur associatif, sanitaire, social et médico-social par arrêté du 22 décembre 2017, a demandé au ministre du travail de prendre un arrêté relatif à la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs dans ce même secteur. Une décision implicite de rejet est née le 25 mars 2018 du silence gardé sur cette demande. Par un jugement du 6 mai 2019 dont la Fédération Santé Sociaux CFDT relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la requérante tendant à l'annulation de cette décision implicite.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 311-2 du code de justice administrative : " La cour administrative d'appel de Paris est compétente pour connaître en premier et dernier ressort : / 1° Des recours dirigés contre les arrêtés du ministre chargé du travail relatifs à la représentativité des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs, pris en application des articles L. 2122-11 et L. 2152-6 du code du travail ; (...) ".

3. La décision implicite dont l'annulation est demandée ne revêt pas la forme d'un arrêté et ne fixe pas la liste des organisations professionnelles d'employeurs dans le secteur associatif, sanitaire, social et médico-social. Toutefois, dans la mesure où cette décision a précisément pour objet de refuser de fixer ladite liste sur le fondement des dispositions des articles L. 2122-11 et L. 2152-6 du code du travail, elle doit être regardée comme " relative à la représentativité " au sens des dispositions précitées de l'article R. 311-2 du code de justice administrative. Par suite, et au regard de l'intérêt qui s'attache à une bonne administration de la justice, la cour administrative d'appel de Paris est compétente pour connaître en premier et dernier ressort de la demande d'annulation présentée par la Fédération Santé Sociaux CFDT, comme le soutenait la ministre du travail devant le tribunal administratif de Paris. Il en résulte que ce dernier a méconnu sa compétence en examinant au fond la demande, et que le jugement attaqué doit pour ce motif être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens d'irrégularité soulevés par la requérante.

4. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la Fédération Santé Sociaux CFDT.

Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 2151-1 du code du travail : " I.- La représentativité des organisations professionnelles d'employeurs est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : / 1° Le respect des valeurs républicaines ; / 2° L'indépendance ; / 3° La transparence financière ; / 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; / 5° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; / 6° L'audience, qui se mesure en fonction du nombre d'entreprises volontairement adhérentes ou de leurs salariés soumis au régime français de sécurité sociale et, selon les niveaux de négociation, en application du 3° des articles L. 2152-1 ou L. 2152-4. (...) ". Aux termes de l'article L. 2152-4 de ce code : " Sont représentatives au niveau national et interprofessionnel les organisations professionnelles d'employeurs : / 1° Qui satisfont aux critères mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 2151-1 ; / 2° Dont les organisations adhérentes sont représentatives à la fois dans des branches de l'industrie, de la construction, du commerce et des services ; / 3° Dont les entreprises et les organisations adhérentes à jour de leur cotisation représentent soit au moins 8 % de l'ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d4employeurs satisfaisant aux critères mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 2151-1 et ayant fait la déclaration de candidature prévue à l'article L. 2152-5, soit au moins 8 % des salariés de ces mêmes entreprises. Le nombre d'entreprises adhérant à ces organisations, ainsi que le nombre de leurs salariés, sont attestés, pour chacune d'elles, par un commissaire aux comptes, qui peut être celui de l'organisation, dans des conditions déterminées par voie réglementaire. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans. (...) ". Aux termes de l'article L. 2152-5 du même code : " Pour l'établissement de leur représentativité en application du présent chapitre, les organisations professionnelles d'employeurs se déclarent candidates, dans des conditions déterminées par voie réglementaire. (...) ". Aux termes de l'article L. 2152-6 dudit code : " Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel ou multi-professionnel. A cette fin, il vérifie que les critères définis au présent chapitre sont respectés et s'assure notamment que le montant des cotisations versées par les entreprises et, le cas échéant, les organisations professionnelles adhérentes est de nature à établir la réalité de leur adhésion. " Enfin, aux termes de l'article R. 2152-13 du même code : " L'organisation professionnelle d'employeurs qui souhaite voir établie sa représentativité en application de l'article L. 2152-1 dans plusieurs branches professionnelles dépose une déclaration de candidature au titre de chacune des branches dans laquelle elle est candidate. (...) ".

6. Il résulte des articles L. 2151-1, L. 2152-1, L. 2152-4, L. 2152-1, L. 2152-5,

L. 2121-2 et L. 2152-6 du code du travail que, sans préjudice de l'application des règles d'appréciation de la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs propres aux accords interbranches ou aux accords de fusion de branches, le ministre chargé du travail est compétent pour, s'il y a lieu, arrêter, sous le contrôle du juge administratif, la liste des organisations professionnelles d'employeurs représentatives et leurs audiences respectives dans un périmètre utile pour une négociation en cours ou à venir, y compris lorsque celui-ci ne correspond pas à une "branche professionnelle" au sens de l'article L. 2152-6 du code du travail.

7. En premier lieu, dès lors que la décision implicite de refus attaquée ne fixe pas la liste des organisations professionnelles d'employeurs représentatives dans le secteur associatif, sanitaire, social et médico-social à but non lucratif, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2152-6 du code du travail, en raison de l'absence de consultation du Haut Conseil du dialogue social, doit être écarté comme inopérant.

8. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, il ne résulte pas des dispositions du code du travail citées au point 5 du présent arrêt que le ministre chargé du travail serait tenu, lorsqu'une branche professionnelle est identifiée et que des candidatures ont été présentées, de prendre sans délai un arrêté portant désignation des organisations patronales représentatives. Par suite, à supposer même qu'existât en l'espèce une " branche professionnelle " au sens de l'article L. 2152-6 du code du travail et que plusieurs candidatures d'organisations patronales eussent été présentées, le ministre du travail n'a pas commis d'erreur de droit en refusant de prendre et de publier, comme le demandait la requérante par courrier du 23 janvier 2018, un arrêté relatif à la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs dans le secteur associatif, sanitaire, social et médico-social à but non lucratif.

9. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision implicite de refus attaquée, une recomposition du paysage patronal était en cours au sein du secteur professionnel concerné. Ainsi, si l'UNIFED regroupait auparavant plusieurs organisations professionnelles de ce secteur, une scission est intervenue en 2016, et seules la NEXEM, la fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne à but non lucratif (FEHAP) et la fédération nationale des centres de lutte contre le cancer ont présenté leur candidature en vue de voir leur représentativité reconnue dans le secteur associatif, sanitaire, social et médico-social à but non lucratif. Dans ces conditions, et alors qu'il a été constaté lors de la séance du Haut Conseil du dialogue social du 22 novembre 2017 qu'aucune des organisations professionnelles d'employeurs ayant déposé un dossier de candidature ne couvrait l'ensemble du périmètre dudit secteur, et que plusieurs organisations étaient engagées dans un projet de regroupement au sein d'une nouvelle structure commune, le ministre du travail a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer qu'il n'y avait pas lieu de fixer immédiatement la liste des organisations professionnelles d'employeurs dans le secteur associatif, sanitaire, social et médico-social à but non lucratif, et par suite refuser de faire droit, par la décision implicite attaquée, à la demande de la Fédération Santé Sociaux CFDT.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la fédération requérante doivent être rejetées ainsi, par voie de conséquence, que ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la Fédération Santé Sociaux CFDT au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1808191 du 6 mai 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de la Fédération Santé Sociaux CFDT présentée devant le tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions présentées en appel et tendant aux mêmes fins, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération Santé Sociaux CFDT et au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. C..., premier vice-président,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 décembre 2020.

Le rapporteur,

G. B...Le président,

M. C...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA02193


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-05-01 Travail et emploi. Syndicats. Représentativité.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SCP ARVIS et KOMLY-NALLIER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 24/12/2020
Date de l'import : 20/01/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19PA02193
Numéro NOR : CETATEXT000042737277 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-24;19pa02193 ?
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