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22/12/2020 | FRANCE | N°18PA03045

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 22 décembre 2020, 18PA03045


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... et Mme D... E... ont demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2010 à 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1600354 du 13 juillet 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 septembre 2018, M. et Mme E..., représ

entés par Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 juillet 2018 du Tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... et Mme D... E... ont demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2010 à 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1600354 du 13 juillet 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 septembre 2018, M. et Mme E..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 juillet 2018 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée s'agissant des impositions notifiées en 2012 sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;

- l'administration fiscale a procédé, au titre de l'année 2012, à une double imposition ;

- les retraits en espèce relevés par l'administration fiscale ont été utilisés aux fins d'acquérir des biens nécessaires à l'exploitation ;

- Mme E... a reversé en 2012 et 2013, soit avant le début du contrôle, les sommes en cause dans les caisses de la société ;

- M. E... n'étant pas associé de la société Maison FG Concept, les sommes qui lui ont été versées ne pouvaient être imposées en application du a de l'article 111 du code général des impôts ;

- les majorations pour manquement délibéré ne sont pas suffisamment motivées ;

- elles ne sont pas justifiées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. et Mme E... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée à associé unique (SASU) Maison FG Concept, dont Mme E... était la gérante, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration fiscale l'a assujettie, notamment, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2010 à 2012. A la suite de cette vérification, le service a notifié à M. et Mme E..., au titre des années 2010, 2011 et 2012, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2010, 2011 et 2012, par une proposition de rectification en date du 13 décembre 2013. M. et Mme E... relèvent appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur les rehaussements notifiés au titre de l'année 2012 sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. [...] ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.

3. L'administration fiscale, dans la proposition de rectification en date du 13 décembre 2013 adressée à M. et Mme E..., a relevé, dans la partie intitulée " distribution du bénéfice de la SASU Maison FG concept reconstitué en 2012 ", que la société n'[avait] pas été en mesure de présenter une comptabilité complète et arrêtée " et que " de ce fait, le service [avait] été conduit à reconstituer le bénéfice " au titre de l'année 2012. A cet égard, elle indique que " les produits d'exploitation ont été déterminés à partir de l'ensemble des sommes encaissées sur les comptes bancaires, à l'exception des virements de compte à compte, des remboursements et des chèques impayés, et que les charges d'exploitation ont été déterminées par comparaison avec les charges des entreprises similaires ". Elle en conclut que " le bénéfice reconstitué s'élève [...] à 47 217 euros ". Ce faisant, l'administration fiscale, qui n'apporte de précision suffisante ni sur le montant exact des produits d'exploitation et des charges pris en compte, ni sur les modalités précises de leur calcul, ni enfin, sur les termes de comparaison ayant servi de base à la fixation des charges d'exploitation, n'a pas permis aux contribuables de formuler utilement leurs observations. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est pas allégué par l'administration fiscale, que M. et Mme E... auraient eu connaissance des informations contenues dans la proposition de rectification en date du 13 décembre 2013 portant sur les rehaussements notifiés à la société Maison FG Concept, laquelle a été notifiée au liquidateur judiciaire de la société. Ainsi, la proposition de rectification en date du 13 décembre 2013 adressée à M. et Mme E... doit être regardée comme insuffisamment motivée quant à ce chef de redressement. Il y a lieu en conséquence, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé par M. et Mme E... quant à ce chef de redressement, de réduire la base d'imposition de M. et Mme E... à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l'année 2012 d'une somme de 59 021 euros, correspondant au montant des distributions, multiplié par le coefficient multiplicateur de 1,25 appliqué en l'espèce par le service.

Sur les rehaussements notifiés au titre des années 2010 à 2012 sur le fondement du a de l'article 111 du code général des impôts :

4. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / a) sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personne interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes [...] ". Il résulte de ces dispositions que l'administration est fondée à intégrer dans le revenu imposable d'un associé au titre d'une année donnée les sommes pour lesquelles elle apporte la preuve qu'elles ont été mises à sa disposition au cours de cette année et, si elles n'ont pas été prélevées par l'intéressé avant la clôture de l'exercice concerné, qu'elles étaient encore à sa disposition à cette date. Pour que ces sommes ne soient pas prises en compte dans le revenu imposable de l'associé, il appartient à celui-ci d'établir qu'il aurait été dans l'impossibilité, s'il l'avait souhaité, de les prélever effectivement.

5. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a considéré que des sommes s'élevant respectivement à 8 020 euros, 66 560 euros et 51 370 euros au titre des années 2010, 2011 et 2012, correspondant, d'une part, à des chèques émis par la SASU Maison FG Concept et encaissées au profit de M. ou Mme E..., d'autre part, à des retraits d'espèces réalisés au moyen de la carte bancaire de la société, devaient être regardées comme des revenus distribués entre leurs mains, sur le fondement du a) de l'article 111 du code général des impôts.

6. En premier lieu, si certaines de ces sommes ont été perçues par M. E..., lequel n'est pas associé de la société, il est constant que l'intéressé est l'époux de Mme E..., de sorte que cette dernière doit être regardée comme ayant eu la disposition des sommes en cause, M. E... agissant comme une " personne interposée ", au sens du a) de l'article 111 du code général des impôts. M. et Mme E... n'apportant aucun élément permettant de remettre en cause la mise à disposition de ces sommes au profit de Mme E..., le moyen tiré de ce que le montant des chèques encaissés par M. E... ne pouvait être imposé sur le fondement des dispositions précitées de l'article 111 du code général des impôts doit être écarté.

7. En deuxième lieu, si M. et Mme E... font valoir que les retraits en espèce ont été utilisés aux fins d'acquérir des biens nécessaires à l'exploitation de la société et non pour les besoins personnels de Mme E..., les pièces qu'ils produisent, uniquement d'ailleurs au titre de l'année 2012, qui consistent en diverses factures ainsi que des récapitulatifs de dépenses rédigés par leurs soins, ne permettent pas d'établir que les achats dont ils se prévalent auraient été réglés grâce aux retraits d'espèces en cause. Par suite, le moyen doit être écarté.

8. Enfin, pour soutenir que les sommes en litige ont été reversées dans les caisses de la société Maison FG Concept avant le début de la vérification de comptabilité de celle-ci, M. et Mme E... produisent la copie d'un chèque de 50 000 euros émis à partir de leur compte commun personnel et encaissé par la société le 8 novembre 2012, et de deux chèques, comportant des montants s'élevant respectivement à 15 000 euros et à 10 000 euros, tous deux encaissés par la société le 24 mai 2013. Toutefois, l'administration fiscale, qui ne s'est pas fondée sur la variation du solde du compte courant d'associé de Mme E... dans les écritures de la société Maison FG Concept mais sur la circonstance qu'une somme totale de 51 370 euros avait été prélevée par M. et Mme E..., au titre de l'année 2012, par le biais de retraits bancaires et d'encaissements de chèques, a constaté que, en dépit de la prise en compte, au titre de l'année 2012, du chèque d'un montant de 50 000 euros, encaissé le 8 novembre 2012, le solde du compte courant d'associé de Mme E... dans les écritures de la société Maison FG Concept, qui s'élevait à 25 598 euros à la clôture de l'exercice 2011, demeurait débiteur à hauteur de 95 621 euros à la clôture de l'exercice 2012, ce que les requérants ne contestent pas. Ainsi, la variation du solde débiteur de ce compte courant entre la clôture de l'exercice 2011 et la clôture de l'exercice 2012 s'élevait à 70 023 euros, soit un montant supérieur à la base d'imposition retenue par le service sur le fondement des retraits et encaissements bancaires. Enfin, les apports effectués en 2013 par M. et Mme E..., soit après la fin du dernier exercice en litige, sont en tout état de cause sans incidence sur les impositions contestées, alors que les intéressés n'établissent pas que les sommes de 15 000 euros et 10 000 versées par deux chèques encaissés le 24 mai 2013 auraient servi à rembourser les prélèvements en litige, le bordereau de remise de chèque produit portant au surplus la mention " prêt à la société MFG Concept ". Par suite, et sans qu'il soit besoin de demander à l'administration fiscale de produire les comptes de la société Maison FG Concept, le moyen doit être écarté.

Sur les majorations :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré [...] ". Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable [...] ".

10. La proposition de rectification du 13 décembre 2013, qui cite les dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts, comporte le fondement légal des majorations appliquées aux rehaussements prononcés ainsi que les circonstances permettant d'établir le manquement délibéré ainsi reproché aux contribuables. M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que la proposition de rectification aurait dû comporter une motivation spécifique s'agissant des majorations appliquées à chacun des chefs de redressement, dès lors qu'il est constant que les majorations pour manquement délibéré n'ont été appliquées qu'aux droits supplémentaires fondés sur le a) de l'article 111 du code général des impôts. Dans ces conditions, la proposition de rectification en date du 13 décembre 2013 répond suffisamment aux exigences de motivation prescrites par l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales.

11. D'autre part, en relevant que M. et Mme E..., qui détenaient 100 % des parts de la société, avaient minoré le montant de leurs revenus dans des proportions telles qu'ils ne pouvaient ignorer les inexactitudes ainsi relevées, l'administration fiscale établit le caractère délibéré des manquements commis par les intéressés. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a fait application des majorations prévues par les dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts lorsque la mauvaise foi du contribuable est établie, et assorti les rehaussements prononcés sur le fondement du a) de l'article 111 du code général des impôts de la majoration de 40 % prévue par ces dispositions.

Sur les frais de justice :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme demandée par M. et Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La base d'imposition de M. et Mme E... à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l'année 2012 est réduite d'une somme de 59 021 euros.

Article 2 : M. et Mme E... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 et des pénalités correspondantes, à hauteur du montant résultant de l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement n° 1600354 du 13 juillet 2018 du Tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme E... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Île-de-France (division juridique).

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, président,

- M. Segretain, premier conseiller,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2020.

Le rapporteur,

K. C...Le président,

P. HAMON

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA03045 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : BOUQUET

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 22/12/2020
Date de l'import : 12/02/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18PA03045
Numéro NOR : CETATEXT000042736456 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-22;18pa03045 ?
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