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10/12/2020 | FRANCE | N°20PA00005

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 10 décembre 2020, 20PA00005


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 juin 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1915283/1-1 du 4 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enre

gistrée le 3 janvier 2020, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 juin 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1915283/1-1 du 4 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 janvier 2020, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1915283/1-1 du 4 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 juin 2019 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jours de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et dans tous les cas de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B... soutient que :

- les premiers juges ont méconnu les articles L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et R. 5221-20 du code du travail ;

- ils n'ont pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 5221-20 du code du travail, dès lors qu'ils n'ont pas apprécié la situation de l'emploi considéré ni pris en compte son expérience professionnelle ;

S'agissant des moyens relatifs à la décision portant refus de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant des moyens relatifs à la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant du moyen relatif à la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

Par un mémoire en défense enregistré le 22 juillet 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Le préfet de police soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 et le décret n° 2020-1406 du même jour portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante serbe née en août 1982, a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, valable du 11 septembre 2011 au 10 septembre 2012, régulièrement renouvelé jusqu'au 30 septembre 2017, puis d'autorisations provisoires de séjour dont la dernière lui a été remise le 11 juin 2019. L'autorisation de travail demandée par la société Monna Lisa Saint-Germain en faveur de Mme B... a été refusée par une décision du 27 décembre 2018 sur le fondement de l'article R. 5221-20 du code du travail. Par un arrêté du 14 juin 2019, le préfet de police a refusé de délivrer un titre de séjour en qualité de salarié à Mme B..., l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel l'intéressée pourrait être reconduite d'office. Mme B... fait appel du jugement du 4 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, à supposer même que le tribunal ait méconnu, comme soutenu, les articles L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et R. 5221-20 du code du travail, une telle erreur de droit affecterait le bien-fondé du jugement, dont il appartient au juge d'appel de connaitre dans le cadre de l'effet dévolutif, et non sa régularité.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". La requérante soutient que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 5221-20 du code du travail. Toutefois, il ressort du point 6 du jugement attaqué que le tribunal a répondu à ce moyen en indiquant notamment que Mme B... a obtenu le diplôme de Master arts mention " arts de la scène et du spectacle vivant " à l'université Paris 8, qu'elle a été employée à partir du mois de décembre 2016 par l'établissement Monna Lisa Saint-Germain en qualité de réceptionniste et concierge d'abord à temps partiel puis à temps complet et que, toutefois, la rémunération mensuelle brute de 1 800 euros pour une durée de travail de trente-neuf heures hebdomadaires, soit 1 577,33 euros pour une durée de travail de trente-cinq heures, ne répond pas aux critères prévus par les dispositions citées. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité pour ce motif.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les moyens relatifs à la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. La décision contestée vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle cite en particulier le 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont l'autorité administrative a entendu faire application. L'arrêté expose les motifs, en reprenant la décision de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECTTE) de la région Ile-de-France du 27 décembre 2018, pour lesquels le projet professionnel de Mme B... ne répond pas aux critères fixés par l'article R. 5221-20 du code du travail et notamment, que le poste de réceptionniste et concierge proposé est en inadéquation avec les études suivies et le diplôme de Master " Arts mention arts de la scène et du spectacle vivant " obtenu par l'intéressée, que la situation de l'emploi lui est opposable et qu'il existe une forte demande et peu d'offres pour ce type d'emploi sur le marché du travail. Il expose également des éléments suffisants sur la situation personnelle et familiale de l'intéressée en relevant qu'elle est célibataire et sans charge de famille en France. Le refus de titre de séjour comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, et alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressée, une telle motivation satisfait aux exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté

6. En deuxième lieu, si Mme B... soutient qu'elle a informé la préfecture le 11 juin 2019, ce que conteste le préfet de police devant la Cour, de son mariage avec un compatriote résidant en France, cette circonstance ne saurait, en tout état de cause, révéler, par elle-même, un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de Mme B....

7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; 3° Le respect par l'employeur ou l'entreprise d'accueil de la législation relative au travail et à la protection sociale ; 4° Le cas échéant, le respect par le salarié des conditions réglementaires d'exercice de l'activité considérée ; 5° Les conditions d'emploi et de rémunération offertes à l'étranger, qui sont comparables à celles des salariés occupant un emploi de même nature dans l'entreprise ou, à défaut, dans la même branche professionnelle (...) ".

8. Pour refuser le titre de séjour mention " salarié " sollicité par Mme B..., le préfet de police s'est référé à la décision défavorable émise le 27 décembre 2018 par la DIRECCTE. Il a notamment relevé que la situation de l'emploi lui est opposable et qu'il existe une forte demande et peu d'offres pour ce type d'emploi sur le marché du travail, que le salaire mensuel brut proposé à Mme B... ne permet pas d'établir une spécificité particulière et que le poste proposé, accessible avec un diplôme de niveau CAP/BEP à Bac+2 en hôtellerie, commerce, tourisme ou langues étrangères, est en inadéquation avec les études et le diplôme de Master " Arts mentions arts de la scène et du spectacle vivant " obtenu par l'intéressée.

9. Mme B... fait valoir que le préfet n'a pas apprécié la spécificité de l'emploi proposé, exigeant la maîtrise de langues étrangères, et n'a pas pris en compte son expérience professionnelle alors qu'elle travaille depuis fin 2016 au sein de l'établissement hôtelier et qu'elle a suivi une formation " luxe et professionnalisme ". Elle fait également valoir que, contrairement à ce qu'a estimé le préfet, les derniers chiffres en besoin de main d'oeuvre publiés par Pôle Emploi font état de difficultés de recrutement pour près de la moitié des projets de recrutement en Ile-de-France dans le domaine de l'hôtellerie. Toutefois, il est constant que le poste de réceptionniste et concierge proposé est en inadéquation avec le diplôme de Master " Arts mention arts de la scène et du spectacle vivant " obtenu en France par l'intéressée, cette dernière ayant suivi une formation " luxe et professionnalisme " de 14 heures seulement. Si elle soutient que le secteur est marqué par des difficultés de recrutement en Ile-de-France, elle ne l'établit pas par la production d'un tableau de Pôle Emploi relatif au secteur des " employés de l'hôtellerie " sans autre précision. Dans ces conditions, et quand bien même les premiers juges ont relevé que le salaire proposé était inférieur à une fois et demi le salaire minimum interprofessionnel de croissance, le préfet, qui n'était pas tenu de prendre en considération l'ensemble des critères d'appréciation mentionnés à l'article R. 5221-20 du code du travail, n'a pas méconnu ces dispositions en refusant de délivrer le titre de séjour demandé.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. Mme B... se prévaut d'une entrée en France en 2010, de son expérience professionnelle et de la présence de son époux sur le territoire français. Toutefois, elle n'établit pas l'existence d'une communauté de vie avec son époux et ne soutient pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans. Dans ces conditions, malgré la durée de son séjour, le préfet de police n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but poursuivi et le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

12. Pour les mêmes motifs que ceux développés au point 11 ci-dessus, le préfet de police n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....

En ce qui concerne les moyens relatifs à la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, la décision portant refus de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué au soutien des conclusions en annulation dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

14. En second lieu, dans les circonstances précédemment décrites, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante.

En ce qui concerne le moyen relatif à la décision fixant le pays de renvoi :

15. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de retour est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit ainsi être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. C..., premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 décembre 2020.

Le président,

J. LAPOUZADE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA00005 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00005
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : WALTHER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-10;20pa00005 ?
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