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08/12/2020 | FRANCE | N°19PA02744

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 08 décembre 2020, 19PA02744


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 mars 2018 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1807936/4-1 du 14 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 août 2019, le 1er juillet

et le 18 octobre 2020, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 mars 2018 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1807936/4-1 du 14 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 août 2019, le 1er juillet et le 18 octobre 2020, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1807936/4-1 du 14 mars 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 mars 2018 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour sur le fondement du 7° ou du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme A... soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;

- il méconnaît les dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui ne lui a pas été communiqué, ne mentionne pas le nom du médecin qui a établi le rapport médical et ne permet pas de s'assurer que ce médecin n'a pas siégé au sein de ce collège ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 dès lors qu'il n'est pas établi que l'avis du 23 novembre 2017 a été rendu à l'issue d'une délibération, ni que le préfet de police ait statué sur le fondement de cet avis ;

- le préfet de police a méconnu le principe du contradictoire dès lors qu'il n'a pas recueilli ses observations avant de lui refuser le titre de séjour ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de police s'est cru à tort lié par l'avis du collège de médecins et a méconnu l'étendue de sa compétence ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Le préfet de police soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, à hauteur de de 25 %, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris en date du 18 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante guinéenne née le 23 septembre 1963, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 6 mars 2018, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, Mme A... reprend en appel les moyens, qu'elle avait invoqués en première instance, tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté, de la méconnaissance du principe du contradictoire, et de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges, aux points 3 à 8 de leur jugement.

3. En deuxième lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé [...] ".

4. Pour refuser à Mme A..., qui souffre, d'une part, d'hypertension artérielle associée à une cardiopathie ischémique et à un diabète de type 2, d'autre part, d'une pathologie à l'épaule, le renouvellement de sa carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade, le préfet de police s'est fondé sur l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lequel relève que si l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Guinée. Si Mme A..., qui fait valoir qu'elle souffre de douleurs à l'épaule droite qui ont justifié la pose d'une prothèse totale en septembre 2009, soutient qu'elle devait subir une nouvelle intervention chirurgicale en 2019 qui ne pouvait pas être effectuée en Guinée, elle se borne à produire, outre un certificat médical en date du 19 mars 2018 indiquant que " cette intervention ne peut être réalisée dans son pays d'origine ", deux versions différentes, l'une et l'autre sommairement rédigées, d'un certificat médical daté du 30 août 2018, qui émanerait d'un praticien exerçant au sein d'un hôpital de Conakry, l'une des versions, produite en annexe de la requête de première instance, évoquant une " date d'admission " le 27 août 2018, faisant suite à une première visite le 10 mars 2018, la seconde version, produite en appel, en annexe du dernier mémoire de l'intéressée, ne faisant plus apparaître la visite qui aurait été effectuée en mars 2018 - mois au cours duquel Mme A... a travaillé en France, comme en atteste le bulletin de paye produit en première instance - alors que la mention d'une admission le 27 août 2018 subsiste, aux côtés de la mention d'une hospitalisation, non évoquée dans la première version du certificat, à compter du 15 juin 2016, ces deux dernières dates se trouvant être cohérentes avec les tampons apposés sur le passeport de Mme A..., dont la copie a par ailleurs été produite en annexe du même mémoire. Dans ces conditions, Mme A... ne peut être regardée comme établissant l'indisponibilité des soins adaptés à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police, qui n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence, se serait estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté méconnaîtrait les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / [...] 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée [...] ".

6. Mme A... soutient qu'elle est intégrée en France où elle vit depuis juin 2008 et travaille en qualité de garde d'enfants. Toutefois, l'intéressée, divorcée, entrée en France à tout le moins, à l'âge de 44 ans, n'est pas dépourvue d'attache dans son pays d'origine où résident ses deux enfants. Dans ces conditions, et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni en tout état de cause, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, la requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

8. Pour les motifs précédemment énoncés au point 4 du présent arrêt, le retour de Mme A... dans son pays d'origine ne saurait être regardé comme susceptible d'exposer l'intéressée à un traitement inhumain et dégradant en raison de son état de santé. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

9. Enfin, Mme A... n'établit pas qu'elle serait en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait dû soumettre son cas à la commission du titre de séjour en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avant de rejeter sa demande de titre de séjour.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 décembre 2020.

Le rapporteur,

K. B... Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA02744 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02744
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : REGHIOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-08;19pa02744 ?
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