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08/12/2020 | FRANCE | N°18PA02954

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 08 décembre 2020, 18PA02954


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1620083/2-1 du 9 mai 2018, le Tribunal administratif de Paris a déchargé l'imposition contestée et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :>
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 septembre 2018 et le 25 avril 2019, le mi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1620083/2-1 du 9 mai 2018, le Tribunal administratif de Paris a déchargé l'imposition contestée et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 septembre 2018 et le 25 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1620083/2-1 du 9 mai 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de M. B... présentée devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) d'ordonner la restitution de la somme versée en exécution du jugement du Tribunal administratif de Paris au titre des frais liés à l'instance.

Il soutient que :

- M. B..., qui a régulièrement souscrit des déclarations de revenus au titre des années antérieures à 2013 et qui était locataire d'un appartement situé à Paris, n'établit pas qu'il disposait d'un foyer permanent d'habitation à Moscou, ni qu'il ne disposait pas d'un foyer similaire en France ;

- M. B... n'établit pas que son lieu de séjour principal ne se situerait pas en France, au sens du a du 1 de l'article 4B du code général des impôts ;

- il ne démontre pas que son activité salariée n'aurait pas été exercée en France en 2013 ;

- M. B... n'a jamais produit d'avis d'imposition ou d'attestation de l'administration fiscale russe permettant d'établir son assujettissement à l'impôt sur le revenu en Russie ;

- les revenus salariaux perçus par M. B... doivent être regardés comme des revenus de source française, au sens de l'article 164 B du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2019, M. B..., représenté par Me D... et Me A..., conclut au rejet de la requête du ministre et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le ministre de l'action et des comptes publics n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention fiscale du 26 novembre 1996 conclue entre la France et la Russie,

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- et le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... n'a souscrit aucune déclaration de revenus en France au titre de l'année 2013 et n'a pas régularisé sa situation, en dépit de l'envoi par l'administration fiscale d'une mise en demeure datée du 20 mars 2015. Par une proposition de rectification en date du 15 septembre 2015, les rémunérations versées à M. B... par la société BNP Paribas au cours de l'année 2013 ont été taxées d'office à l'impôt sur le revenu. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de cette imposition ainsi que des pénalités correspondantes et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le principe de l'imposition en litige :

2. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques [...] ". Pour l'application des dispositions du a du 1 de l'article 4 B du code général des impôts, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, ou, s'il est célibataire, le centre de sa vie personnelle sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles. Le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer.

3. Aux termes de l'article 164 B du code général des impôts : " I. Sont considérés comme revenus de source française : / [...] d. Les revenus tirés d'activités professionnelles, salariées ou non, exercées en France ou d'opérations de caractère lucratif au sens de l'article 92 et réalisées en France [...] ".

En ce qui concerne la charge de la preuve :

4. Il appartient à l'administration de justifier du principe même de l'imposition de M. B... en France, alors même que l'intéressé a été taxé d'office.

En ce qui concerne l'application des dispositions de l'article 4 B du code général des impôts :

5. En premier lieu, le ministre de l'action et des comptes publics soutient que le foyer ou le lieu de séjour principal de M. B..., au sens du a du 1 de l'article 4 B du code général des impôts, se situerait en France. M. B... produit, outre une attestation datée du 1er novembre 2015, émanant de la propriétaire d'un appartement sis rue Tverskaya-Yamaskaya à Moscou, indiquant qu'il a été hébergé à titre gratuit dans cet appartement, au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 30 avril 2013, dans le cadre d'un accord souscrit par elle avec l'employeur de M. B..., la société BNP Paribas ZAO, un contrat de bail en date du 18 avril 2013 aux fins de louer un appartement situé à Moscou, dans la même rue, au titre de la période comprise entre le 22 avril 2013 et le 21 avril 2014, et qui stipule, en son article 9, qu'" habiteront dans l'appartement, à titre permanent, ensemble avec le locataire, [...] Elena E... [...] et Adèle Kafiatullina ", fille de cette dernière. La circonstance qu'un enfant est né de la relation entre M. B... et Mme E... en 2015, si elle ne concerne pas l'année d'imposition en litige, corrobore le concubinage entre les deux intéressés, de même que la circonstance que la fille de Mme E... résidait avec le couple, dès 2013. Par ailleurs, une attestation du 25 août 2017, émanant d'une relation amicale de M. B..., fait état de sa relation avec Mme E..., ainsi que de leur résidence commune à Moscou depuis décembre 2012, avec la fille de cette dernière, Adèle Kafiatullina. Enfin, M. B... produit une attestation de la gardienne de l'immeuble sis 6 rue de l'amiral de Coligny à Paris, qui indique qu'il " passe pour de brefs séjours quelques fois par an " et que " la plupart du temps le logement reste inoccupé ". Ainsi, M. B... doit être regardé comme ayant eu, au titre de l'année 2013, le centre de ses intérêts familiaux en Russie et, par suite, son foyer, au sens des dispositions du a du 1 de l'article 4 B du code général des impôts, dans ce pays.

6. En deuxième lieu, le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir que M. B... doit être regardé comme ayant exercé une activité professionnelle en France, au sens du b du I de l'article 4 B du code général des impôts. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment du contrat de travail conclu le 25 janvier 2011 entre M. B... et BNP Paribas ZAO, société russe appartenant au groupe BNP Paribas, qu'il exerçait les fonctions de chef de département (" Head of Department ") au bureau de Moscou pour la période allant du 1er mars 2011 au 25 février 2014. Cette affectation est corroborée, d'une part, par trois témoignages, datés, pour l'un, du 12 janvier 2018, et pour les deux autres, du 25 janvier 2018, provenant de responsables de BNP Paribas ZAO ayant exercé à Moscou au cours de l'année 2013, indiquant que M. B... continuait d'exercer son activité professionnelle à Moscou au cours de l'année 2013, en qualité de responsable du département " corporate finance ", d'autre part, par divers courriels transmis au cours de l'année 2013, mentionnant l'activité professionnelle de M. B... à Moscou. Deux de ces courriels, en date du 22 février 2013 et du 9 décembre 2013, sont assortis de supports de présentation mentionnant expressément les fonctions de M. B... en qualité de chef du département " corporate finance " pour la Russie, le premier d'entre eux comportant en outre, au-dessous du nom et de la fonction de l'intéressé, un numéro de téléphone précédé de l'indicatif téléphonique international de la Russie. Si l'administration fiscale produit, outre une interview de M. B... avec l'hebdomadaire moldave Ziarul de Garda, réalisée le 27 décembre 2016, une attestation de la société BNP Paribas faisant état de ce que, en 2013 et jusqu'en 2015, M. B... était responsable " corporate finances " à Paris, cette attestation, qui n'émane pas d'une direction opérationnelle ou stratégique de l'entreprise, ne saurait, à elle seule, remettre en cause les nombreux éléments concordants produits par M. B..., lesquels établissent qu'il exerçait effectivement ses fonctions en Russie au titre de l'année 2013. Dès lors, le requérant ne peut pas être regardé comme ayant exercé, au titre de l'année 2013, son activité professionnelle en France au sens du b) du 1 de l'article 4 B du code général des impôts.

En ce qui concerne l'application des dispositions combinées du second alinéa de l'article 4 A et du d du I de l'article 164 B du code général des impôts :

7. Dès lors, eu égard à ce qui été dit précédemment au point 6, que les revenus en cause ne sauraient être considérés comme rémunérant une activité exercée en France, ils ne pouvaient être regardés comme des " revenus de source française ", au sens du d du I de l'article 164 B du code général des impôts. Par suite, l'administration fiscale ne pouvait se fonder sur les dispositions combinées du second alinéa de l'article 4 A et du d du I de l'article 164 B du code général des impôts pour imposer ces revenus en France.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a accordé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquels M. B... a été assujetti au titre de l'année 2013.

Sur les frais liés à l'instance :

9. D'une part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

10. D'autre part, le présent arrêt n'implique pas, en tout état de cause, qu'il soit ordonné la restitution de la somme de 1 500 euros mise à la charge de l'Etat, par le jugement contesté, au titre des frais liés à l'instance. Les conclusions tendant à cette fin présentées par le ministre de l'action et des comptes publics doivent donc être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, de la finance et de la relance et à M. F... B....

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré).

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- M. C..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 décembre 2020.

Le rapporteur,

K. C...

Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA02954 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02954
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Lieu d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : BRUNSWICK SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-08;18pa02954 ?
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