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24/11/2020 | FRANCE | N°19PA03515

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 24 novembre 2020, 19PA03515


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 3 avril 2019 et du 24 mai 2019 par lesquels le préfet de police a, d'une part, rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours en fixant le pays de destination, et, d'autre part, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois.

Par un jugement

nos 1908801/8, 1911183/8 du 4 juin 2019, le magistrat désigné par le président du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 3 avril 2019 et du 24 mai 2019 par lesquels le préfet de police a, d'une part, rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours en fixant le pays de destination, et, d'autre part, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois.

Par un jugement nos 1908801/8, 1911183/8 du 4 juin 2019, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris, statuant en application des dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article R. 776-17 du code de justice administrative après le placement en rétention de M. D..., a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant trente-six mois.

Par une ordonnance n° 1908801/1-2 du 13 décembre 2019, le vice-président de la 1ère section du Tribunal administratif de Paris a donné acte du désistement de M. D... de ses conclusions aux fins d'annulation de la décision de refus de titre de séjour et d'injonction en application des dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2019, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1908801/8, 1911183/8 du 4 juin 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal administratif a jugé que ses décisions étaient entachées d'erreur manifeste d'appréciation au regard de leurs conséquences sur la situation personnelle de M. D... ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. D... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. D..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant tunisien né le 12 juin 1973, entré pour la première fois en France en 2000 selon ses déclarations, a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 3 avril 2019 le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre sollicité, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination. A la suite de son interpellation le 22 mai 2019 M. D... a été placé en rétention administrative et par arrêté du 24 mai 2019, le préfet de police a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois. Le préfet de police relève appel du jugement du 4 juin 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris, statuant compte tenu de ce placement en rétention sur l'obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le pays de destination et l'interdiction de retour sur le territoire français, a annulé ces décisions.

Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :

[HP1]2. Pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, celles fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour, le Tribunal a relevé que l'obligation de quitter le territoire était entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé dès lors que M. D... est marié à une ressortissante française depuis le 25 août 2017 et qu'il produit des certificats médicaux établissant l'existence d'un projet mené avec son épouse de fécondation in vitro. Le Tribunal a également relevé que les pièces du dossier établissaient que M. D... et son épouse partagent une résidence commune. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la date d'édiction des décisions contestées, la vie commune et le mariage de M. D... avec son épouse présentaient un caractère récent, que les certificats médicaux produits n'établissent pas une poursuite de la procédure médicale, et que les attestations produites, se bornant à faire état d'une domiciliation commune en 2018 ne sont pas de nature à établir l'ancienneté ou l'intensité d'une vie privée et familiale en France. M. D..., qui a déclaré lors de son interpellation, pour des faits de violences conjugales, que son épouse souhaitait une séparation, ne fait par ailleurs état d'aucun élément d'intégration, notamment professionnelle, en France. Dans ces conditions le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a jugé que l'obligation de quitter le territoire était entachée d'erreur manifeste d'appréciation, et a pour ce motif annulé les trois décisions attaquées.

3. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens des demandes de M. D... :

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

4. En premier lieu, par un arrêté n° 2019-00250 du 21 mars 2019, régulièrement publié au bulletin officiel de la ville de Paris du 29 mars 2019, le préfet de police a donné à Mme C... E..., attachée principale d'administration de l'Etat, signataire des décisions attaquées, délégation à l'effet de signer les décisions en matière de police des étrangers en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté doit être écarté comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, les décisions portant obligation pour M. D... de quitter le territoire français et fixant le pays de destination citent les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application et mentionnent que l'intéressé est entré irrégulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être muni des documents et visas exigés par les textes en vigueur et ne satisfait pas aux conditions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les décisions précisent également que l'intéressé ne justifie d'aucune circonstance humanitaire ni d'aucun motif exceptionnel au séjour, qu'il n'établit pas être exposé à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, et que rien ne s'oppose à ce qu'il soit obligé de quitter le territoire français. Par suite, ces décisions sont suffisamment motivées.

6. En troisième lieu, la circonstance que les décisions seraient entachées d'une erreur de fait quant à la date de sa première entrée en France, qui est 1994 et non 2000, est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de ces décisions dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de police aurait pris les mêmes décisions s'il avait retenu 1994 comme date d'entrée sur le territoire français de M. D....

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état-civil français (...) ". Ces stipulations régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants tunisiens peuvent être admis à séjourner en France. Par suite M. D... ne peut utilement invoquer les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il ressort par ailleurs de ce qui a été dit au point 2 que l'existence d'une communauté de vie effective de M. D... avec son épouse n'est pas établie à la date des décisions attaquées et que, par suite, l'intéressé ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité de conjoint de français. Par suite, le moyen tiré de la violation de ces dispositions du 4° précité de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit en tout état de cause être écarté.

9. En cinquième lieu, il ressort également de ce qui a été dit au point 2 que les décisions attaquées n'ont pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. D... et n'ont pas, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Enfin, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et de l'asile, qui ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour, est inopérant à l'encontre de la mesure d'éloignement en litige.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour trente-six mois :

11. En premier lieu il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.

12. En deuxième lieu, la décision attaquée cite les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application, et indique que M. D... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en date du 3 avril 2019, qu'il représente une menace pour l'ordre public en ce qu'il a été signalé aux autorités pour violences conjugales le 22 mai 2019, que l'intéressé est marié sans enfant à charge et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, la décision attaquée n'est entachée ni d'insuffisance de motivation ni de défaut d'examen de la situation personnelle du requérant.

13. En troisième et dernier lieu, si M. D... soutient que l'arrêté méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il est disproportionné au regard de sa situation, il n'assortit ces moyens d'aucune précision nécessaire permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ils ne peuvent en tout état de cause qu'être écartés.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé ses décisions des 3 avril et 24 mai 2019 portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1908801/8, 1911183/8 du 4 juin 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les conclusions des demandes présentées par M. D... auxquelles le Tribunal administratif de Paris a fait droit par le jugement mentionné à l'article 1er sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- M. Segretain, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2020.

Le rapporteur,

P. HamonLe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

[HP1]Le TA n'a pas prononcé son annulation sur le fondement de l'article 8

2

N° 19PA03515


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03515
Date de la décision : 24/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité externe. Motivation.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-24;19pa03515 ?
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