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12/11/2020 | FRANCE | N°19PA04197

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 12 novembre 2020, 19PA04197


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 8 octobre 2019 par lesquels le préfet de police, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, et, d'autre part, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.

Par un jugement n° 1922004 du 23 octobre 2019, le magistrat dési

gné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé le premier arrêté en ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 8 octobre 2019 par lesquels le préfet de police, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, et, d'autre part, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.

Par un jugement n° 1922004 du 23 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé le premier arrêté en tant qu'il refuse à M. B... un délai de départ volontaire et l'arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2019, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 1922004 du 23 octobre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision de refus de délai de départ volontaire et de l'interdiction de retour sur le territoire français contenues dans les arrêtés du 8 octobre 2019.

Le préfet de police soutient que :

- le jugement est fondé sur un moyen qui n'a pas été invoqué et n'est pas d'ordre public ;

- les motifs retenus justifiaient le refus de délai de départ volontaire et l'interdiction de retour sur le territoire français, sans que soit commise d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les moyens tirés du défaut de motivation et d'examen sérieux manquent en fait ;

- la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation, la décision étant motivée et ayant été prise après un examen sérieux ;

- l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français n'est pas fondée.

La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant nigérian, a fait l'objet d'un arrêté du 8 octobre 2019 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. Par un arrêté du même jour, le préfet de police a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. Par un jugement du 23 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé le premier arrêté, en tant qu'il refuse à M. B... un délai de départ volontaire, ainsi que l'arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Le préfet de police fait appel de ce jugement, dont il demande l'annulation de l'article 1er.

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 (...) h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français (...) ".

3. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 8 octobre 2019 que, pour refuser à M. B... un délai de départ volontaire, le préfet de police s'est fondé sur trois motifs, tirés de ce que l'intéressé s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, en l'espèce une obligation de quitter le territoire français décidée par le préfet de la Seine-Saint-Denis le 23 mai 2017, de ce qu'il a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français, ce qui ressort du procès-verbal d'audition sur sa situation administrative, et de ce qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes. A supposer même que ce dernier motif ait été erroné, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait pris une décision différente en se fondant sur les deux seuls premiers motifs précités, qui n'ont d'ailleurs pas été contestés par M. B... et suffisaient légalement à justifier la décision contestée. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler sa décision de refus de délai de départ volontaire et, par voie de conséquence, son arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français, le premier juge s'est fondé sur le motif tiré de ce que M. B... présentait des garanties de représentation suffisantes.

4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

En ce qui concerne la décision de refus de délai de départ volontaire :

5. En premier lieu, l'arrêté du 8 octobre 2019 contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement de la décision portant refus de délai de départ volontaire. Le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit ainsi être écarté. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police, qui n'était pas tenu de rappeler l'ensemble des éléments de fait de la situation personnelle de M. B..., n'aurait pas procédé à un examen sérieux de cette situation avant de prendre cette décision.

6. En second lieu, l'arrêté contesté comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de l'obligation de quitter le territoire français, qui est ainsi suffisamment motivée. Par ailleurs, si M. B..., qui ne justifie pas avoir déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour en 2018, soutient qu'il est entré en France en 2012, il s'est maintenu de façon irrégulière sur le territoire malgré une obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 23 mai 2017. S'il indique craindre pour sa sécurité au Nigeria, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations alors que sa demande d'asile a été rejetée. Enfin, s'il soutient résider avec un ami en situation régulière et avoir une formation de coiffeur, il n'est pas contesté qu'il est célibataire et sans enfant à charge, aucun élément relatif à une vie privée et familiale en France n'ayant été produit. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle en l'obligeant à quitter le territoire français. Le moyen tiré de l'illégalité de cette décision invoquée par voie d'exception à l'encontre de la décision en litige doit ainsi être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

7. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...). La durée de l'interdiction de retour (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

8. En premier lieu, l'arrêté du 8 octobre 2019 vise les dispositions du III de l'article

L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet de police a fait application. Il mentionne également que M. B... allègue être entré sur le territoire en novembre 2012, qu'il ne peut être regardé comme se prévalant de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale et qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement du 23 mai 2017 prise par le préfet de la Seine-Saint-Denis. Le préfet de police n'étant par ailleurs pas tenu de se prononcer sur chacun des critères mentionnés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais seulement sur ceux qu'il entendait retenir, l'arrêté prononçant une interdiction de retour pour une durée de douze mois est ainsi suffisamment motivé. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police, qui n'était pas tenu de rappeler l'ensemble des éléments de fait de la situation personnelle de M. B..., n'aurait pas procédé à un examen sérieux de cette situation avant de prendre cet arrêté.

9. En deuxième lieu, il est constant que M. B... n'a pas de famille en France et n'y fait état d'aucune insertion sociale et professionnelle particulière. En se bornant à soutenir qu'il est entré en France en 2012, qu'il craindrait pour sa sécurité dans son pays d'origine, qu'il réside avec un ami en situation régulière et qu'il a une formation de coiffeur, M. B... ne justifie pas de circonstances humanitaires de nature à faire obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en prononçant une telle interdiction, qui n'est pas disproportionnée par rapport au but poursuivi.

10. En troisième lieu, compte tenu des motifs mentionnés au point 8, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en fixant à douze mois la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de police aurait commis une erreur d'appréciation.

11. Enfin, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'obligation de quitter le territoire français et la décision portant refus de délai de départ volontaire ne sont pas illégales. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions doit ainsi être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen de régularité du jugement, que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 8 octobre 2019 refusant d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire et son arrêté du même jour prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. Ce jugement doit ainsi être annulé dans cette mesure et les conclusions de première instance correspondantes rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1922004 du 23 octobre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 8 octobre 2019 lui refusant un délai de départ volontaire et de l'arrêté du même jour prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. C..., président de la formation de jugement,

- Mme Marion, premier conseiller,

- M. Sibilli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.

Le président-rapporteur,

F. C...L'assesseur le plus ancien,

I. MARION

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA04197


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 12/11/2020
Date de l'import : 24/11/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19PA04197
Numéro NOR : CETATEXT000042520134 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-12;19pa04197 ?
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