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15/10/2020 | FRANCE | N°19PA01554

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 15 octobre 2020, 19PA01554


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Santal des Prés a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droit et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011, ainsi que l'amende mise à sa charge au titre de la même période sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1719454/2-2 du 11 mars 2019, le Tribunal administratif de Pari

s a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 mai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Santal des Prés a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droit et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011, ainsi que l'amende mise à sa charge au titre de la même période sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1719454/2-2 du 11 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 mai 2019, la Société Santal des Prés, représentée par Me B... C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 11 mars 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions, pénalités et amendes contestées devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les irrégularités de sa comptabilité ne présentaient pas un degré de gravité justifiant son rejet ;

- la méthode employée dite " des liquides " pour la reconstitution de ses recettes n'est pas corroborée par les autres méthodes de reconstitution usuellement pratiquées par l'administration et le pourcentage de boissons fixé à 18 % par rapport au chiffre d'affaires global est inexact au regard de la saisonnalité et du chiffre d'affaires réalisé au bar et en terrasse ;

- cette méthode s'accompagne d'un taux de marge très supérieur à celui observé dans les entreprises comparables et d'un taux forfaitaire de 10 % pour pertes, coulages et offerts de boisson, inférieur à celui observé chez ses mêmes entreprises ;

- la méthode retenue par l'administration est incompatible avec la faiblesse des paiements en espèces ;

- la méthode " des serviettes " qu'elle propose alternativement est plus proche des données de l'entreprise ;

- l'administration ne démontre pas le caractère délibéré des manquements litigieux à l'appui de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics oppose une fin de non-recevoir à cette requête et conclut, à titre subsidiaire, à son rejet au fond.

Il fait valoir que :

- la requête d'appel n'est pas motivée ;

- les moyens soulevés par la Sarl Santal des Près ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La Sarl Santal des Prés, qui exploite un restaurant gastronomique de spécialités vietnamiennes à Paris 9ème, relève appel du jugement du 11 mars 2019, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge, en droits, pénalités et amendes, des rappels d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période correspondant aux années 2010 et 2011, à la suite d''une vérification de sa comptabilité.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

2. La vérification de comptabilité de la Sarl Santal des Près a révélé, outre l'absence de livres comptables visés et paraphés, l'absence d'inventaire des stocks à l'ouverture de la période vérifiée, l'absence de brouillard de caisse et de toute comptabilisation des espèces. Les recettes de la société étaient enregistrées globalement à partir des crédits bancaires, sans être appuyées du détail des notes clients, un faible nombre de notes ayant été produit, alors au surplus que la société n'utilisait pas de caisse enregistreuse. Ont également été relevées, l'absence de remise de chèques pendant des mois entiers, l'existence d'une répartition des recettes entre les taux de taxe sur la valeur ajoutée de 19.6 % et de 5.5 % à partir des éléments comptabilisés au titre des achats, ainsi que des anomalies dans l'inventaire des stocks des exercices vérifiés. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, portés sur un procès-verbal de rejet de la comptabilité en date du

4 avril 2013, et non sérieusement contestés par la société requérante, c'est à bon droit que l'administration a estimé que cette comptabilité était entachée de graves irrégularités. La société requérante ne soutient pas utilement que la seule circonstance qu'elle procédait à l'enregistrement journalier global de ses recettes ne saurait dénuer à sa comptabilité toute valeur probante, d'une part, dès lors qu'elle n'a pas été en mesure de produire, à l'appui de cet enregistrement global, le détail des notes clients, d'autre part, eu égard aux multiples irrégularités relevées dans sa comptabilité. De même, elle n'invoque pas utilement les dispositions des paragraphes nos 6 et 7 de l'instruction 4G-3442 du 15 mai 1993, de la note du 21 octobre 1954 n° 113, des paragraphes 6 et 7 de l'instruction 4G-3442 du 15 mai 1993, et des réponses ministérielles Berger AN du 22 juin 1972 et Sabathié du 8 mars 2004 n° 245458, qui ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède.

En ce qui concerne la reconstitution de recettes :

3. En vertu des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Lors de sa séance du 25 juin 2014, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a rendu un avis favorable au maintien des rectifications ayant conduit aux impositions en litige. Il suit de là que la société requérante supporte la charge de démontrer l'exagération de ces impositions.

4. Pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société requérante, l'administration s'est fondée sur la méthode des liquides, à partir des différentes catégories de boissons vendues. A défaut d'inventaire de stock, les achats de l'exercice ont été considérés comme intégralement consommés au titre de la même période, donnant lieu à un dépouillement systématique de toutes les factures d'achats de bières, eaux, sodas et boissons fraîches, café, thé, vins en bouteilles et au verre, apéritifs et digestifs. L'administration a ensuite déterminé le chiffre d'affaires brut pour chaque catégorie de liquides, à partir de la consistance d'une dose telle qu'indiquée sur la carte des consommations ou par le gérant et des tarifs affichés sur la carte des prix. S'agissant du thé, le vérificateur a procédé au dépouillement d'un échantillon de notes clients, présenté par la société, pour déterminer la part des recettes " thés " par rapport aux recettes afférentes aux boissons " hors thés ", qui a fait ressortir un pourcentage de 13,61%. A partir de ce même échantillon, le vérificateur a calculé la part des liquides dans le chiffre d'affaires total de l'établissement, porté à 18% à l'issue du recours hiérarchique. Une part significative de vin et de café a été neutralisée au titre de la consommation du personnel, et un taux de pertes et offerts de 10% a été appliqué à l'ensemble des achats consommés à l'exception du vin vendu en bouteilles. Contrairement à ce que soutient la société Santal des Prés, cette méthode, qui se fondait sur un dépouillement de l'ensemble de factures d'achats et des notes clients présentées lors du contrôle, reposait sur des éléments propres à l'exploitation et ne peut, en conséquence, être regardée comme excessivement sommaire ou radicalement viciée.

5. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 5. et 8. du jugement attaqué, d'écarter les moyens tirés, d'une part, de l'exagération du taux de marge, d'autre part, de l'insuffisance du taux de pertes, d'offerts et de prélèvements retenus par l'administration, la société Santal des Prés ne faisant valoir en appel aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation qu'elle avait développée devant le tribunal.

6. Pareillement, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 9. du jugement attaqué, d'écarter le moyen tiré de ce que le pourcentage de boissons par rapport au chiffre d'affaires global devrait être porté de 18 à 25%, moyen à l'appui duquel la requérante ne fait état d'aucun argument nouveau en appel.

7. Par ailleurs, la Sarl Santal des Prés dénonce le caractère exagéré des recettes en espèces dans le chiffre d'affaires reconstitué, mais sans étayer ce moyen du moindre élément de preuve, alors qu'il est constant qu'aucune recette espèces n'était comptabilisée.

8. Si elle invoque l'absence de recoupement de la méthode utilisée avec d'autres méthodes de reconstitution, et se prévaut à cet égard du paragraphe n° 4 de la documentation de base 4 G-3343, dans sa rédaction mise à jour au 15 mai 1993, cette disposition ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale dont la requérante puisse se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

9. Enfin, pour les motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 7. du jugement attaqué, et qu'il y a lieu pour la Cour d'adopter, la méthode de reconstitution qu'elle propose, dite " des serviettes " ne peut être regardée comme permettant une meilleure approximation de ses résultats des exercices litigieux.

Sur les pénalités :

10. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 12. du jugement attaqué, d'écarter la contestation, par la société Santal des Prés, du bien-fondé des pénalités pour manquement délibéré qui lui ont été appliquées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, la requérante se bornant à reprendre en appel, les arguments qu'elle avait développée devant le tribunal.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de

non-recevoir opposée à la requête par le ministre, que la Sarl Santal des Prés n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions en litige, en droits, pénalités et amendes. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'étant pas partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Sarl Santal des Prés est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl Santal des Prés et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Brotons, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 octobre 2020.

Le rapporteur,

J.-E. A...

Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19PA01554


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SEBBAN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 15/10/2020
Date de l'import : 05/11/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19PA01554
Numéro NOR : CETATEXT000042429305 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-10-15;19pa01554 ?
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