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06/10/2020 | FRANCE | N°19PA02386

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 06 octobre 2020, 19PA02386


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 juillet 2017 par laquelle la directrice services-courrier-colis de

Seine-et-Marne par intérim de La Poste a maintenu la sanction du déplacement d'office qu'elle avait prononcée à son encontre le 19 octobre 2016 et de mettre à la charge de La Poste les dépens, ainsi que la somme de 100 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un j

ugement n° 1707067 du 28 mai 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 juillet 2017 par laquelle la directrice services-courrier-colis de

Seine-et-Marne par intérim de La Poste a maintenu la sanction du déplacement d'office qu'elle avait prononcée à son encontre le 19 octobre 2016 et de mettre à la charge de La Poste les dépens, ainsi que la somme de 100 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1707067 du 28 mai 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 juillet 2019 et 31 août 2020,

M. G..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 28 mai 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 3 juillet 2017 par laquelle la directrice services-courrier-colis de Seine-et-Marne par intérim de La Poste a maintenu la sanction du déplacement d'office, ensemble la décision initiale du 19 octobre 2016 prononçant ce déplacement d'office ;

3°) de condamner La Poste à lui verser une somme de 43 200 euros en réparation de son préjudice économique et une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral résultant de l'intervention de ces décisions ;

4°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé, en ce qu'il ne reprend pas l'ensemble des éléments qu'il avait présentés et ne se prononce pas sur la proportionnalité de la sanction au regard des faits reprochés ;

- le tribunal a, à tort, jugé que la matérialité des faits reprochés était établie en se fondant quasi-exclusivement sur le rapport de son supérieur hiérarchique, sans tenir compte de ses courriers dénonçant la violence morale dont il était victime et alors que les bandes de vidéosurveillance n'étaient pas produites ;

- le tribunal a, à tort, omis d'examiner la proportionnalité de la faute avec la sanction, alors que la sanction est en l'espèce disproportionnée ;

- il avait bien formé une demande préalable, et est par suite fondé à demander réparation du préjudice moral subi ;

- il est également fondé à demander réparation de son préjudice économique résultant du différentiel de rémunération entre le poste qu'il aurait pu avoir et celui qu'il a eu, jusqu'à sa retraite.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 juillet 2020, la Poste, représentée par

Me E..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de M. G... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande était irrecevable car dirigée contre une décision purement confirmative de la sanction prononcée le 19 octobre 2016 ;

- les conclusions indemnitaires sont également irrecevables d'une part parce que nouvelles en appel et d'autre part parce que non précédées d'une demande préalable ayant lié le contentieux ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 juillet 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- les observations de Me B... pour M. G...,

- et les observations de Me E... pour La Poste.

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., agent technique et de gestion de premier niveau de La Poste, s'est vu infliger la sanction du déplacement d'office par une décision de la directrice services-courrier-colis de Seine-et-Marne par intérim en date du 19 octobre 2016 à la suite d'une violente altercation survenue le 8 juillet 2016 avec le directeur du centre de distribution du courrier de Nemours, M. F.... Saisie d'un recours formé le 20 novembre 2016 la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'État (CSFPE), à l'issue de sa séance du 11 avril 2017, a recommandé de substituer la sanction du blâme à celle du déplacement d'office. Toutefois, la directrice services-courrier-colis de Seine-et-Marne a décidé, le 3 juillet 2017, de maintenir la sanction du déplacement d'office initialement prononcée à l'encontre de

M. G.... Celui-ci a alors saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de cette décision, mais le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du

28 mai 2019 dont il interjette appel, en demandant également la condamnation de la poste à réparer les préjudices, matériel et moral, qu'il estime avoir subis.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées aux différentes conclusions d'appel et à la demande de première instance :

Sur la régularité du jugement :

2. Si en application de l'article 9 du code de justice administrative le juge administratif doit motiver ses jugements, et s'il doit par ailleurs répondre à l'ensemble des moyens soulevés devant lui, il n'est en revanche pas tenu de se prononcer sur l'ensemble des arguments présentés à l'appui de ces moyens. Or, il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont très précisément répondu au moyen relatif à la matérialité des faits reprochés à M. G..., et ont d'ailleurs fait droit à l'argumentation présentée concernant deux des quatre griefs à l'origine de la décision de sanction. En revanche, ils n'avaient pas à se prononcer explicitement sur chacun des éléments avancés par l'intéressé à l'appui du moyen. Par ailleurs il est constant que

M. G... n'avait pas invoqué l'absence de proportionnalité entre les fautes retenues à son encontre et la sanction prononcée, et ne peut dès lors faire grief au tribunal de n'avoir pas explicitement motivé son jugement sur ce point. Par suite le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Si M. G... soutient que la matérialité des faits reprochés ne serait pas établie, il ressort de l'attestation de son collègue M. C..., établie le jour même de l'incident, et qui contrairement à ce que soutient M. G..., est très circonstanciée, que ce témoin a entendu " une altercation de M. G... A... envers M. F... J... avec un ton agressif ", qu'il s'est rendu " sur place afin de calmer la situation alors que M. G... est dirigé vers la sortie par M. F... " et que " lorsque (M. F...) explique à M. G... qu'une telle attitude ne pouvait pas rester sans suite, celui-ci de manière menaçante se dirige vers M. F... " ce qui a contraint M. C... à "(se) mettre en travers pour éviter toute confrontation. M. G... toujours en colère jette ses affaires au sol dont le casque de son scooter Postal ainsi que son gilet et un sac de vêtements. (Il) invite M. G... à marcher un peu afin qu'il se calme et retrouve ses esprits (...) ". Par ailleurs si M. G... fait état de ce que La Poste n'a pas produit de bandes de vidéosurveillance qui auraient permis de connaitre avec certitude le déroulement de l'incident, il n'est pas établi que de tels enregistrements, qui au demeurant ne sont pas nécessaires pour établir la réalité des faits compte tenu des témoignages produits, existeraient véritablement. Enfin, ni un témoignage d'une ancienne collègue de M. G... indiquant que celui-ci aurait été un collègue très agréable, ni l'attestation de sa compagne, non présente lors des faits et affirmant qu'il était bouleversé après l'incident du 8 juillet 2016, ni ses propres courriers dans lesquels il fait état de ses relations tendues avec M. F... et invoque sa souffrance au travail, ne permettent de mettre en cause la matérialité des faits telle qu'elle résulte notamment des témoignages de M. C... et de Mme I.... Ainsi c'est à juste titre et sans se fonder exclusivement sur le rapport de M. F... que, prenant en compte notamment ces attestations, le tribunal a jugé que la matérialité des griefs relatifs au comportement agressif et menaçant de M. G... à l'égard du directeur de la plateforme de préparation et de distribution du courrier de Nemours et au non-respect de la hiérarchie, étaient matériellement exacts.

4. En deuxième lieu, les griefs tirés d'un comportement agressif et menaçant de

M. G... ainsi que du non-respect de sa hiérarchie, qui sont ainsi établis, présentent un caractère de gravité justifiant une sanction disciplinaire . Par ailleurs celle-ci ne peut être minorée par la circonstance que l'intéressé serait insatisfait de sa situation professionnelle depuis qu'il s'est vu retirer en septembre 2011 le poste de facteur qualité qu'il exerçait depuis le mois de juillet précédent, sans d'ailleurs que ce retrait soit imputé à une malveillance à son égard mais seulement à sa situation de travail à temps partiel pour motif familial. Par ailleurs, il ne ressort d'aucun élément du dossier que M. F..., s'il est à l'origine de cette décision de septembre 2011, aurait fait preuve d'hostilité à son égard, une telle hostilité ne pouvant se déduire du seul fait qu'il n'aurait pas délivré à M. G... l'attestation réclamée par celui-ci, non prévue par les textes et dépourvue de toute portée, témoignant que ce n'est qu'en raison de son service à temps partiel qu'il n'exerce pas les fonctions de facteur qualité. En outre, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le 8 juillet 2016, jour de l'incident, M. F... aurait en quoi que ce soit provoqué M. G.... Dès lors, et alors même que la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'État, à l'issue de sa séance du 11 avril 2017, a recommandé de substituer la sanction du blâme à celle du déplacement d'office, la décision de l'autorité disciplinaire de maintenir cette sanction du second groupe n'est pas disproportionnée par rapport aux faits reprochés relatifs au comportement agressif et menaçant de M. G... envers sa hiérarchie et au non-respect de celle-ci.

Sur les conclusions indemnitaires :

5. Si dans ses écritures d'appel M. G... présente des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice moral et du préjudice matériel qui résulteraient selon lui de la décision attaquée, il résulte de ce qui vient d'être dit que cette décision n'est entachée d'aucune illégalité. Il s'ensuit que les conclusions indemnitaires ne peuvent, en tout état de cause, qu'être également rejetées.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. G... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. G... la somme demandée par La Poste sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de La Poste présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... G... et à La Poste.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme H... premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 octobre 2020.

Le rapporteur,

M-I. H...Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

T. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19PA02386


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02386
Date de la décision : 06/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

33-02-06-02-01 Établissements publics et groupements d'intérêt public. Régime juridique des établissements publics. Personnel. Statut. Discipline.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : DUSSEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-10-06;19pa02386 ?
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