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24/09/2020 | FRANCE | N°19PA00368

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 24 septembre 2020, 19PA00368


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé à la commission départementale d'aide sociale de la Charente de réformer la décision du 23 novembre 2017 par laquelle le président du conseil départemental de la Charente ne lui a accordé le bénéfice de l'aide sociale qu'à compter du 10 mai 2017, et non du 10 février 2017, comme cela avait été demandé.

Par une décision du 13 mars 2018, la commission départementale d'aide sociale de la Charente a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requ

ête, enregistrée le 28 mai 2018, l'association tutélaire des inadaptés de la Charente, agissant en ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé à la commission départementale d'aide sociale de la Charente de réformer la décision du 23 novembre 2017 par laquelle le président du conseil départemental de la Charente ne lui a accordé le bénéfice de l'aide sociale qu'à compter du 10 mai 2017, et non du 10 février 2017, comme cela avait été demandé.

Par une décision du 13 mars 2018, la commission départementale d'aide sociale de la Charente a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 mai 2018, l'association tutélaire des inadaptés de la Charente, agissant en qualité de tuteur de M. B... C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision du 13 mars 2018 par laquelle la commission départementale d'aide sociale de la Charente a confirmé la décision du 23 novembre 2017 du président du conseil départemental de la Charente n'ayant accordé à M. C... le bénéfice de l'aide sociale qu'à compter du 10 mai 2017 et a rejeté son recours ;

2°) de lui accorder le bénéfice de l'aide sociale à compter du 10 février 2017.

Elle soutient que ce n'est qu'en mai 2017 que l'institut médico-éducatif où était hébergé M. C... l'a prévenue qu'un changement de financement devait être effectué, nonobstant le maintien de l'intéressé dans le même institut médico-éducatif, et qu'il convenait de déposer un dossier de demande d'aide sociale. Le bénéfice de l'aide sociale a ainsi été demandé le 10 juillet 2017, pour une prise en charge à compter du 10 février 2017, date du maintien de M. C... à l'institut médico-éducatif décidé par une décision du 5 janvier 2017 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Charente.

La requête a été communiquée au président du conseil départemental de la Charente, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

En application de l'article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le dossier de la requête susvisée a été transféré à la Cour administrative d'appel de Paris, où elle a été enregistrée le 2 janvier 2019 sous le n° 19PA00368.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;

- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., né le 9 février 1996, handicapé mental placé sous la tutelle de l'association tutélaire des inadaptés de la Charente par une ordonnance du juge des tutelles d'Angoulême du 24 novembre 2014, a séjourné depuis le 3 septembre 2007 à l'institut médico-éducatif (IME) de Sireuil. Le 4 décembre 2014, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Charente a orienté M. C... vers un foyer occupationnel (service d'accompagnement de jour) avec hébergement du 17 octobre 2014 au 30 septembre 2019. Aucune place n'ayant été trouvée pour M. C... dans un foyer occupationnel, il est resté à l'institut médico-éducatif jusqu'au 13 novembre 2017. Ainsi, le 4 février 2016, puis le 7 décembre 2017, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Charente a décidé de renouveler le maintien de M. C... à l'institut médico-éducatif en internat du 10 février 2016 au 9 février 2017, puis du 10 février 2017 au 13 novembre 2017, en l'absence de place disponible en service d'accueil de jour avec hébergement. M. C... est ainsi resté à l'institut médico-éducatif de Sireuil en internat jusqu'au 13 novembre 2017, veille de son entrée en foyer occupationnel.

2. L'ATI de la Charente, tuteur de M. C..., a sollicité le 10 juillet 2017 auprès du département de la Charente le bénéfice de l'aide sociale à compter du 10 février 2017 et le maintien de M. C... à l'institut médico-éducatif de Sireuil en internat. Par sa décision litigieuse du 23 novembre 2017, le président du conseil départemental de la Charente a accordé le maintien en l'institut médico-éducatif et la prise en charge, sous réserve du reversement de la participation légale, " du 10 mai 2017, soit deux mois avant la constitution du dossier, au 13 novembre 2017, veille d'entrée au foyer occupationnel ", au motif que la demande de maintien en l'institut médico-éducatif, constituée le 10 juillet 2017, n'avait été reçue que le 12 juillet 2017. Par la décision attaquée du 13 mars 2018, la commission départementale d'aide sociale de la Charente a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de la décision du 23 novembre 2017 du président du conseil départemental de la Charente.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 242-4 du code de l'action sociale et des familles : " La prise en charge la plus précoce possible est nécessaire. Elle doit pouvoir se poursuivre tant que l'état de la personne handicapée le justifie et sans limite d'âge ou de durée. / Lorsqu'une personne handicapée placée dans un établissement ou service mentionné au 2° du I de l'article L. 312-1 ne peut être immédiatement admise dans un établissement pour adulte désigné par la commission mentionnée à l'article L. 146-9, ce placement peut être prolongé au-delà de l'âge de vingt ans ou, si l'âge limite pour lequel l'établissement est agréé est supérieur, au-delà de cet âge dans l'attente de l'intervention d'une solution adaptée, par une décision de la commission mentionnée à l'article L. 146-9 siégeant en formation plénière. / Cette décision s'impose à l'organisme ou à la collectivité compétente pour prendre en charge les frais d'hébergement et de soins dans l'établissement pour adulte désigné par la commission mentionnée à l'article L. 146-9. / La contribution de la personne handicapée à ces frais ne peut être fixée à un niveau supérieur à celui qui aurait été atteint si elle avait été effectivement placée dans l'établissement désigné par la commission mentionnée à l'article L. 146-9. De même, les prestations en espèces qui lui sont allouées ne peuvent être réduites que dans la proportion où elles l'auraient été dans ce cas. / (...) Lorsque le jeune adulte handicapé est orienté vers un établissement relevant de la compétence du département, le tarif journalier de l'établissement pour mineurs dans lequel le jeune adulte handicapé est maintenu est pris en charge par l'aide sociale du département dans lequel il a son domicile de secours. / Lorsque le jeune adulte handicapé est orienté vers un établissement et service mentionné au V de l'article L. 314-1, le prix de journée de l'établissement pour mineur à la charge de l'aide sociale du département est diminué du forfait journalier plafond afférent aux soins fixé pour l'exercice précédent, qui est facturé aux organismes d'assurance maladie. Dans les autres cas, ce tarif journalier est pris en charge par les organismes d'assurance maladie et est facturé par l'établissement à ces derniers. " ; aux termes de l'article L. 242-10 du même code : " Les frais d'hébergement et de soins dans les établissements ou services mentionnés au 2° du I de l'article L. 312-1 ainsi que les frais de soins concourant à cette éducation dispensée en dehors de ces établissements, à l'exception des dépenses incombant à l'Etat en application de l'article L. 242-1, sont intégralement pris en charge par les régimes d'assurance maladie, dans la limite des tarifs servant de base au calcul des prestations. / A défaut de prise en charge par l'assurance maladie, ces frais sont couverts au titre de l'aide sociale sans qu'il soit tenu compte des ressources de la famille. Il n'est exercé aucun recours en récupération des prestations d'aide sociale à l'encontre de la succession du bénéficiaire décédé lorsque ses héritiers sont son conjoint, ses enfants ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé. " ; aux termes de l'article L. 312-1 du même code : " I.- Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : / (...) 2° Les établissements ou services d'enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d'adaptation ; / (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 131-4 du code de l'action sociale et des familles : " Les décisions attribuant une aide sous la forme d'une prise en charge de frais d'hébergement peuvent prendre effet à compter de la date d'entrée dans l'établissement à condition que l'aide ait été demandée dans un délai fixé par voie réglementaire. " ; aux termes de l'article R. 131-2 du même code : " Sauf dispositions contraires, les demandes tendant à obtenir le bénéfice de l'aide sociale prévue aux titres III et IV du livre II prennent effet au premier jour de la quinzaine suivant la date à laquelle elles ont été présentées. / Toutefois, pour la prise en charge des frais d'hébergement des personnes accueillies dans un établissement social ou médico-social, habilité à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale ou dans un établissement de santé dispensant des soins de longue durée, la décision d'attribution de l'aide sociale peut prendre effet à compter du jour d'entrée dans l'établissement si la demande a été déposée dans les deux mois qui suivent ce jour. Ce délai peut être prolongé une fois, dans la limite de deux mois, par le président du conseil départemental ou le préfet. / Le jour d'entrée mentionné au deuxième alinéa s'entend, pour les pensionnaires payants, du jour où l'intéressé, faute de ressources suffisantes, n'est plus en mesure de s'acquitter de ses frais de séjour. ".

5. Par les dispositions précitées de l'article L. 242-4 du code de l'action sociale et des familles, le législateur a entendu prévoir tant la continuité de l'accueil du jeune handicapé adulte qui ne peut être immédiatement admis dans un établissement pour adultes désigné par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, que la continuité de la prise en charge des frais d'hébergement et de soins de l'intéressé. Il résulte également de ces dispositions que la décision de la commission décidant le maintien, dans l'attente d'une solution adaptée, dans un établissement ou service mentionné au 2° du I de l'article L. 312-1 du même code au-delà de l'âge de vingt ans ou, si l'âge limite pour lequel l'établissement agréé est supérieur, au-delà de cet âge, s'impose à l'organisme ou à la collectivité compétente pour prendre en charge ces frais dans l'établissement qu'elle désigne. Il suit de là que les délais prévus par l'article R. 131-2 du code de l'action sociale et des familles ne sont pas applicables lorsqu'une personne handicapée est maintenue sur décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées dans un établissement ou service pour mineurs ou jeunes adultes handicapés. Dans ce cas, la prise en charge des frais relevant de l'aide sociale doit prendre effet à compter de la date d'expiration de la prise en charge précédente.

6. Il résulte de l'instruction que M. B... C..., né le 9 février 1996, handicapé mental, placé sous la tutelle de l'association tutélaire des inadaptés de la Charente par une ordonnance du juge des tutelles d'Angoulême du 24 novembre 2014, a séjourné depuis le 3 septembre 2007 à l'institut médico-éducatif de Sireuil. Le 4 décembre 2014, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Charente l'a orienté vers un foyer occupationnel (service d'accompagnement de jour) avec hébergement du 17 octobre 2014 au 30 septembre 2019. M. C... aurait dû quitter l'institut médico-éducatif de Sireuil à la date anniversaire de ses vingt ans. Toutefois, en l'absence de place disponible en service d'accueil de jour avec hébergement, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Charente, par sa décision du 4 février 2016, a décidé de renouveler le maintien de M. C... à l'institut médico-éducatif en internat du 10 février 2016 au 9 février 2017, en application des dispositions précitées de l'article L. 242-4 du code de l'action sociale et des familles. Puis, pour la même raison, ce maintien a été renouvelé pour la période du 10 février 2017 au 13 novembre 2017, par une décision du 7 décembre 2017 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Charente. M. C... a ainsi séjourné à l'institut médico-éducatif de Sireuil jusqu'au 13 novembre 2017, veille de son entrée en foyer occupationnel.

7. Il résulte de ce qui précède que, dès lors que M. C... a été maintenu après l'anniversaire de ses vingt ans en internat à l'institut médico-éducatif de Sireuil où il séjournait auparavant, par la décision du 4 février 2016 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Charente, renouvelée par une décision du 7 décembre 2017, les délais prévus par l'article R. 131-2 du code de l'action sociale et des familles n'étaient pas applicables à sa situation et la prise en charge des frais relevant de l'aide sociale devait prendre effet à compter de la date d'expiration de la prise en charge précédente, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que sa tutrice a déposé tardivement un dossier de demande tendant au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement. Par suite, le président du conseil départemental de la Charente, en n'accordant le bénéfice de l'aide sociale qu'à compter du 10 mai 2017, soit deux mois avant la constitution du dossier, et non à compter du 10 février 2017 comme l'avait demandé l'ATI de la Charente en qualité de tuteur de M. C..., a entaché sa décision du 23 novembre 2017 d'une erreur de droit. Dès lors, il convient d'annuler cette décision en tant seulement qu'elle n'a accordé le bénéfice de l'aide sociale qu'à compter du 10 mai 2017, d'annuler la décision du 13 mars 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Charente rejetant la demande de M. C..., et d'accorder à l'association tutélaire des inadaptés de la Charente, tutrice de M. C..., le bénéfice de l'aide sociale à compter du 10 février 2017.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 13 mars 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Charente et la décision du 23 novembre 2017 du président du conseil départemental de la Charente, en tant qu'elle n'a accordé le bénéfice de l'aide sociale qu'à compter du 10 mai 2017, sont annulées.

Article 2 : Le bénéfice de l'aide sociale est accordé à l'association tutélaire des inadaptés de la Charente, tutrice de M. C..., pour le compte de ce dernier, à compter du 10 février 2017.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association tutélaire des inadaptés de la Charente, agissant en qualité de tutrice de M. B... C..., au président du conseil général de la Charente et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.

Le rapporteur,

I. A...Le président,

H. VINOT

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 19PA00368


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00368
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04-02-05 Aide sociale. Différentes formes d'aide sociale. Aide médicale.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-09-24;19pa00368 ?
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