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23/09/2020 | FRANCE | N°20PA00424

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 23 septembre 2020, 20PA00424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat au paiement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales sur la somme de 152 663 euros correspondant au dégrèvement d'une amende prononcée en application du IV de l'article 1736 du code général des impôts, dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1801090/1-1 du 8 janvier 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette de

mande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat au paiement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales sur la somme de 152 663 euros correspondant au dégrèvement d'une amende prononcée en application du IV de l'article 1736 du code général des impôts, dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1801090/1-1 du 8 janvier 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 4 février, 26 mars et 2 avril 2020,

M. D... représenté par Me B..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses conclusions :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 8 janvier 2020 ;

2°) d'annuler la décision de la Direction Nationale des Vérifications de Situations Fiscales de ne pas lui verser d'intérêts moratoires suite au remboursement de la somme de

152 663 euros et de lui octroyer lesdits intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le dégrèvement de la somme de 152 663 euros est intervenu à la suite d'une procédure contentieuse et ouvre par suite droit à des intérêts moratoires au sens de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

- la somme remboursée doit être assimilée à un impôt ;

- une interprétation contraire méconnaitrait les stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

- le droit à des intérêts moratoires est garanti par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense enregistrés les 25 mars et 13 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction ne sont pas recevables ;

- la somme remboursée est de 123 121, 39 euros ;

- les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 mai 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au

22 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., qui détenait en son nom propre ou par l'intermédiaire de sociétés quatre comptes bancaires non déclarés au Luxembourg, a régularisé sa situation fiscale au cours de l'année 2016 dans le cadre défini par la circulaire n° 672 du 21 juin 2013 dite " Cazeneuve " en déposant des déclarations rectificatives pour les années 2006 à 2011, 2013 et 2014. Il a signé avec l'administration fiscale, le 20 juillet 2016, un contrat de transaction en conséquence duquel a été émis, le 16 août 2016, un avis de mise en recouvrement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2006 à 2014 et de l'amende fiscale prévue au IV de l'article 1736 du code général des impôts pour les années 2011 à 2014. L'accord ainsi conclu étant tombé en caducité, du fait du défaut de paiement du solde des impositions dues par le requérant, celui-ci a sollicité et obtenu, par décision du 27 mars 2017, la substitution de l'amende forfaitaire prévue au 1er alinéa du 2 de l'article 1736-IV du code général des impôts à l'amende prévue au 2ème alinéa du même article, puis, après imputation des impositions demeurant à sa charge, le remboursement de la somme de 123 121,39 euros.

M. D... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de versement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales sur la somme de 152 663 euros correspondant au dégrèvement accordé le 27 mars 2017.

2. D'une part, aux termes du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts : " Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret (...) ". Aux termes du IV de l'article 1736 du même code, dans sa version alors en vigueur : " Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A et de l'article 1649 A bis sont passibles d'une amende de 1 500 € par compte ou avance non déclaré. Toutefois, pour l'infraction aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A, ce montant est porté à 10 000 € par compte non déclaré lorsque l'obligation déclarative concerne un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires./Si le total des soldes créditeurs du ou des comptes à l'étranger non déclarés est égal ou supérieur à 50 000 € au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la déclaration devait être faite, l'amende par compte non déclaré est égale à 5 % du solde créditeur de ce même compte (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires (...) ". Les intérêts moratoires, assis sur des impositions dégrevées, ont pour seul objet de tenir compte de la durée pendant laquelle le contribuable a été privé des sommes correspondantes et dont ils ne sont que l'accessoire.

4. Il résulte des dispositions précitées de l'article 1736 du code général des impôts que le législateur a institué une sanction destinée à lutter contre la fraude fiscale en incitant les contribuables qu'elle vise à respecter leurs obligations déclaratives prévues par les dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts. Cette sanction, qui est régie par des dispositions particulières, ne peut ainsi être assimilée à un impôt au sens de l'article L. 208 précité du livre des procédures fiscales. Ainsi, et alors même que le dégrèvement obtenu est intervenu à la suite d'une procédure contentieuse, le requérant n'est pas fondé à réclamer le versement d'intérêts moratoires à la suite du dégrèvement de l'amende prononcée en application de ces dispositions.

5. Enfin, aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette même convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens (...) ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations de l'article 14 de la convention, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi.

6. L'application ou non des dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales selon que l'intéressé fait l'objet d'un remboursement d'impôt ou d'un remboursement d'une amende n'ayant pas le caractère d'un impôt ne peut être regardée comme étant, en elle-même, à l'origine d'une discrimination prohibée. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'il existerait, de ce fait, une différence de traitement à l'origine d'une discrimination prohibée par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. Par elle-même, la non-application des dispositions particulières de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales au remboursement de sommes n'ayant pas le caractère d'un impôt ne saurait être regardée comme méconnaissant les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle ne fait pas obstacle, s'agissant du remboursement de ces sommes, à l'octroi des intérêts moratoires de droit commun.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que le requérant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

Mme Brotons, président de chambre,

M. Soyez, président assesseur,

M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 septembre 2020.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 20PA00424


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00424
Date de la décision : 23/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-09-23;20pa00424 ?
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