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23/09/2020 | FRANCE | N°19PA00795

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 23 septembre 2020, 19PA00795


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Celgene a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer le remboursement d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 210 144 euros dont elle estime s'être acquittée à tort au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1708985/2-1 du 22 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté de cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2019, la société Celgene, représentée par

Me B... et Me C..., demand

e à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 22 janvier 2019 ;

2°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Celgene a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer le remboursement d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 210 144 euros dont elle estime s'être acquittée à tort au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1708985/2-1 du 22 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté de cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2019, la société Celgene, représentée par

Me B... et Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 22 janvier 2019 ;

2°) de prononcer le remboursement demandé ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que

- le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique de n'imposer le contribuable que sur les sommes réellement perçues ;

- il convient d'exclure de la base d'imposition les remises conventionnelles ;

- une telle exclusion est prévue par la doctrine administrative référencée BOI-TVA-BASE-10-20-10-20120912 §50 ;

- il convient d'appliquer les règles prévues par l'arrêt du 20 décembre 2017 Finanzamt Bingen-Alzey c/ Boehringer Ingelheim Pharma GmbH et Co. KG (C-462/16) de la Cour de justice de l'Union européenne.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Celgene ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 22 mai 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au

8 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 77/388/CE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 ;

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Celgene, qui exerce une activité de vente de produits pharmaceutiques, relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de remboursement de cotisations de taxe sur valeur ajoutée d'un montant de 210 144 euros dont elle estimait s'être acquittée à tort au titre de l'année 2014 et correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des remises versées à l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Ile-de-France en application d'une convention conclue avec le Comité économique des produits de santé.

2. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes du 1 de l'article 266 du même code, transposant en droit interne l'article 11 de la 6ème directive 77/388/CEE susvisée, repris à l'article 73 de la directive 2006/112/CE susvisée : " La base d'imposition est constituée : / a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations (...) ". Aux termes du II de l'article 267 du même code : " Ne sont pas à comprendre dans la base d'imposition : / 1° Les escomptes de caisse, remises, rabais, ristournes et autres réductions de prix consenties directement aux clients ; (...) " et aux termes de l'article 90 de la directive 2006/112/CE : " 1. En cas d'annulation, de résiliation, de résolution, de non-paiement total ou partiel ou de réduction de prix après le moment où s'effectue l'opération, la base d'imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres. / 2. En cas de non-paiement total ou partiel, les États membres peuvent déroger au paragraphe 1 ". Il résulte de ces dispositions que la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée, pour les livraisons de biens, par tout ce qui représente la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur pour cette opération.

3. Par un arrêt du 20 décembre 2017 Finanzamt Bingen-Alzey c/ Boehringer Ingelheim Pharma GmbH et Co. KG (C-462/16), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 90, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée doit être interprété en ce sens que la remise accordée, en vertu d'une loi nationale, par une entreprise pharmaceutique à une entreprise d'assurance maladie privée entraîne, au sens de cet article, une réduction de la base d'imposition en faveur de cette entreprise pharmaceutique, lorsque des livraisons de produits pharmaceutiques sont effectuées par l'intermédiaire de grossistes à des pharmacies qui effectuent ces livraisons à des personnes couvertes par une assurance maladie privée, laquelle rembourse à ses assurés le prix d'achat des produits pharmaceutiques.

4. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 162-18 du code de la sécurité sociale, alors applicable : " Les entreprises qui exploitent une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux peuvent s'engager collectivement par une convention nationale à faire bénéficier la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la Caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non-salariés des professions non agricoles et la Caisse centrale de mutualité sociale agricole d'une remise sur tout ou partie du chiffre d'affaires de ces spécialités réalisé en France. / Elles peuvent s'engager individuellement par des conventions ayant le même objet. / Ces conventions, individuelles ou collectives, déterminent le taux de ces remises et les conditions auxquelles se trouve subordonné leur versement qui présente un caractère exceptionnel et temporaire. Elles peuvent notamment contribuer au respect d'objectifs relatifs aux dépenses de promotion des spécialités pharmaceutiques remboursables ou des médicaments agréés à l'usage des collectivités. / Ces conventions sont conclues entre, d'une part, le comité visé à l'article L. 162-17-3, et, d'autre part, soit une ou plusieurs des organisations syndicales nationales les plus représentatives de la profession, soit une entreprise. Les remises sont recouvrées par les organismes mentionnés à l'article L. 213-1 désignés par le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale ".

5. Il résulte des dispositions de l'article L. 162-18 du code de la sécurité sociale que les entreprises qui exploitent une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques remboursables peuvent s'engager à faire bénéficier diverses caisses d'assurance maladie de remises sur tout ou partie du chiffre d'affaires de ces spécialités réalisé en France. En particulier, ces entreprises peuvent conclure une convention avec le Comité économique des produits de santé (CEPS), qui comporte notamment des engagements portant sur leur chiffre d'affaires et dont le non-respect peut entraîner le versement de telles remises. Un tel conventionnement leur permet de ne pas être redevables de la contribution prévue par les dispositions de l'article L. 138-10 du même code lorsque leur chiffre d'affaires de l'année civile s'est accru, par rapport au chiffre d'affaires réalisé l'année précédente, d'un pourcentage excédant le taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM).

6. En l'espèce, il est constant que la société Celgene a consenti aux caisses d'assurance maladie des remises sur produits accordées sur le fondement d'une convention signée avec le CEPS en application des articles L. 138-10 et L. 162-18 du code de la sécurité sociale et, de ce fait, perçu, en contrepartie des livraisons de spécialités pharmaceutiques effectuées, une somme correspondant au prix de vente de ces produits à ses clients, grossistes et pharmacies, diminué de ces remises. Dans ces conditions et compte tenu du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, sa base d'imposition en tant qu'assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, telle que définie par les dispositions susmentionnées éclairées par l'arrêt précité de la Cour de justice de l'Union européenne, devait être réduite du montant des remises accordées aux caisses d'assurance maladie, ces dernières ayant par ailleurs remboursé aux assurés les frais supportés lors de l'achat des spécialités pharmaceutiques. Est sans incidence à cet égard la circonstance que les bénéficiaires directs des livraisons de spécialités pharmaceutiques seraient les assurés eux-mêmes et non les caisses d'assurance maladie, les caisses d'assurance maladie devant être regardées comme les consommatrices finales des livraisons effectuées par l'entreprise pharmaceutique assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et cette circonstance n'étant pas de nature à rompre le lien direct existant entre la livraison de biens effectuée et la contrepartie reçue. Est également inopérante la circonstance que le reversement des remises s'inscrirait dans le cadre de la participation au financement de la Sécurité sociale des entreprises du secteur dans une perspective de régulation des dépenses de santé, que ce reversement ne serait pas automatique et serait conditionné au non-respect des engagements pris par l'entreprise dans les conventions conclues avec le CEPS, et que cette convention permet de ne pas être redevable de la contribution prévue par les dispositions de l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, dès lors que ce reversement participe de la détermination du prix des spécialités pharmaceutiques livrées effectivement perçu par la société.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Celgene est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande, et à obtenir le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de

210 144 euros. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1708985/2-1 du 22 janvier 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Il est accordé à la société Celgene le remboursement à hauteur de 210 144 euros de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle s'est acquittée au titre de l'année 2014.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la société Celgene au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Celgene et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Soyez, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller,

Lu en audience publique le 23 septembre 2020.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 19PA00795


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00795
Date de la décision : 23/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET FIDAL DIRECTION INTERNATIONALE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-09-23;19pa00795 ?
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