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30/06/2020 | FRANCE | N°19PA01844

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 30 juin 2020, 19PA01844


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La personne morale de droit étranger (PMDE) Lloyd's of London a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1713404/2-1 du 9 avril 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par

une requête et un mémoire, enregistrés le 6 juin 2019 et le 10 décembre 2019, la PMDE Lloyd's of...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La personne morale de droit étranger (PMDE) Lloyd's of London a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1713404/2-1 du 9 avril 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 juin 2019 et le 10 décembre 2019, la PMDE Lloyd's of London, représentée par Me A... et Me C..., demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1713404/2-1 du 9 avril 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt contestées, en droits et intérêts de retard ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire ses bases imposables à l'impôt sur les sociétés à concurrence de 330 420 euros en 2007 et de 169 657 euros en 2008 et de lui accorder la décharge correspondante, en droits et intérêts de retard ;

4°) de réformer le jugement n° 1713404/2-1 du 9 avril 2019 du Tribunal administratif de Paris en conséquence ;

5°) de condamner l'Etat aux dépens de l'instance ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le service, qui ne peut lui reprocher une attitude passive pendant les opérations de contrôle, a écarté la position exprimée par la commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans son avis du 11 décembre 2013, sans motiver sa position ;

- le service ne pouvait régulièrement asseoir les rectifications litigieuses sur les informations hétérogènes, non pertinentes et par suite inexploitables, obtenues dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès d'un échantillon d'intermédiaires appelés " coverholders ", travaillant au nom et pour le compte de ses membres ;

- c'est en méconnaissance des règles dévolues à la charge de la preuve et des limites du droit de communication que le service lui a reproché de ne pas avoir sollicité de ses " coverholders " un travail de réconciliation de nature à remédier aux lacunes des trois versions successives de ses questionnaires ;

- les bases retenues par le service sont en tout état de cause entachées d'erreurs matérielles à concurrence de 330 420 euros en 2007 et de 169 657 euros en 2008.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la PMDE Lloyd's of London ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus, signée à Londres le 22 mai 1968 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

- et les observations de Me A... et Me C..., représentant la PMDE Lloyd's of London.

Considérant ce qui suit :

1. La PMDE Assurance Lloyd's of London assure à son bureau parisien établi à Paris 8ème la représentation en France des membres du marché de l'assurance du Lloyd's, historiquement établi à Londres (Royaume-Uni). A ce titre, elle est chargée de déclarer pour le compte de ses membres l'impôt sur les sociétés français dû à raison de certaines opérations d'assurance effectuées en France par l'intermédiaire de courtiers agréés par le Lloyd's, appelés " coverholders ". A la suite de la vérification de comptabilité de la PMDE portant sur les exercices clos en 2007 et 2008, diligentée selon la procédure de rectification contradictoire, le service a estimé que l'intéressée, qui sous-traite ses opérations comptables auprès de la société Xchanging, avait minoré ses bases imposables en France. La PMDE Lloyd's of London relève appel du jugement du 9 avril 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été subséquemment assujettie, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Le 23 octobre 1969, un accord destiné à définir le régime fiscal français des membres du Lloyd's, considérés comme une entité fiscale relevant de la catégorie des établissements stables prévue par le 7 de l'article 4 de la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 alors applicable, a été conclu entre le ministre de l'économie et des finances français et leur représentant général. Il en ressort que l'impôt sur les sociétés au taux de 7,5 %, prévu par un arrêté ministériel du 21 février 1933, est dû par la PMDE Lloyd's of London à raison des primes se rattachant aux risques pour lesquels les " coverholders " français s'engagent, dans le cadre de contrats dits " binding authorities ", à agir au nom et pour le compte des souscripteurs du Lloyd's, sous réserve qu'il ne s'agisse pas d'opérations de réassurance. En revanche, lorsque ces mêmes intermédiaires assurent des risques en leur nom propre, dans le cadre d'opérations dites " d'open market ", l'accord a prévu que les primes qu'ils en tirent, qu'elles concernent des opérations d'assurance ou de réassurance, ne seraient pas imposables en France.

3. En dépit des stipulations claires de cet accord, il ressort des questionnaires adressés par le service à la vingtaine de " coverholders " concernés par le droit de communication exercé concomitamment à la vérification de comptabilité dont a fait l'objet l'appelante, que si leur attention a été attirée sur la distinction à faire entre " binding authorities " et " open market ", il n'en a rien été s'agissant du traitement différencié à opérer entre opérations d'assurance et de réassurance, alors pourtant que les primes correspondantes ne relevaient pas du même régime d'imposition. A cet égard, il résulte de l'instruction, ce que le ministre ne conteste pas, que les réponses apportées par certains " coverholders " aux questions posées par le service, sous forme de tableaux souvent vierges de toute explication, n'ont pas systématiquement distingué, au sein des montants de primes déclarées, celles qui relevaient de " l'open market " ou des " binding authorities ", d'une part, et celles relatives aux opérations d'assurance et de réassurance, d'autre part. Pour relativiser les biais qui en ont nécessairement résulté, le ministre, mettant en avant la ventilation généralement opérée par les " coverholders ", se borne à soutenir que peu d'entre eux étaient concernés par des opérations de réassurance, sans l'établir. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que les " coverholders " auxquels les questionnaires ont été adressés auraient été tenus de déclarer leurs primes selon les principes ressortant de l'accord du 23 octobre 1969, qui n'était pour eux revêtu d'aucune force obligatoire. Enfin, l'interlocuteur départemental a admis que les chiffres issus de la réconciliation de données à laquelle s'est livrée la société Hiscox, principal " coverholder " de la PMDE Assurance Lloyd's of London, afin de faire ressortir plus clairement les primes imposables en France de celles qui ne l'étaient pas, étaient plus convaincants que ceux spontanément transmis au service en réponse au questionnaire adressé. Pour se défendre de ce qu'en procédant ainsi, le service aurait de fait admis les limites de sa méthode fondée sur des questionnaires ambigus, le ministre soutient qu'il appartenait à la PMDE Assurance Lloyd's of London de solliciter un travail de réconciliation semblable à celui de la société Hiscox de la part des autres " coverholders ". Toutefois, il ne se prévaut d'aucun texte qui les y aurait contraints, alors qu'il ne conteste par ailleurs pas qu'une telle demande aurait excédé ce qui est attendu d'un droit de communication, dont il est constant qu'il ne doit nécessiter ni retraitement de données, ni investigations particulières. S'il est certes regrettable que le traitement des données de la société Xchanging ayant servi de support aux déclarations de l'appelante ne lui ait pas permis de fournir des données rigoureusement exactes à l'administration fiscale, ce dont elle ne disconvient d'ailleurs pas, la PMDE Lloyd's of London relève toutefois qu'à titre de conciliation, elle a vainement proposé au service un taux de réfaction forfaitaire inspiré de celui finalement appliqué aux données retraitées par la société Hiscox, fondé sur une approche par échantillonnage. Dans ces conditions, quand bien même le service, hormis l'exercice de son droit de communication auprès des " coverholders ", n'aurait disposé d'aucune alternative pour effectuer les recoupements qui s'imposaient en l'espèce, la PMDE Assurance Lloyd's of London est fondée à soutenir que les données sur lesquelles il s'est appuyé, outre qu'elles étaient entachées d'erreurs de " reporting " non contestées, ont reposé sur des réponses incertaines qui, dès lors, ne pouvaient établir le bien-fondé des rectifications litigieuses.

4. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la PMDE Assurance Lloyd's of London est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Sur les dépens de l'instance :

5. La PMDE Assurance Lloyd's of London n'établit pas avoir engagé de dépens dans la présente instance. Sa demande tendant à ce qu'ils soient mis à la charge de l'Etat ne peut donc, en tout état de cause, qu'être rejetée.

Sur les frais de justice :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des conclusions de la PMDE Assurance Lloyd's of London présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1713404/2-1 du 9 avril 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La PMDE Assurance Lloyd's of London est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Article 3 : L'Etat versera à la PMDE Assurance Lloyd's of London la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la PMDE Assurance Lloyd's of London est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la PMDE Assurance Lloyd's of London et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction des vérifications nationales et internationales.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 juin 2020.

Le rapporteur,

C. B...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01844


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01844
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Christelle ORIOL
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : SELAFA TAJ

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-30;19pa01844 ?
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