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22/06/2020 | FRANCE | N°19PA02058

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 juin 2020, 19PA02058


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 27 juin 2019, complétée par un mémoire ampliatif le 28 août 2019 et un mémoire le 4 décembre 2019, la SAS BFM Business, représentée par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision du 17 avril 2019 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a rejeté sa candidature pour la diffusion du service radio de catégorie D dénommé " BFM Business " dans la zone de Lorient ;

2°) d'annuler la décision n° 2019-12

1 du 17 avril 2019 par laquelle le CSA a autorisé la SA SERC à exploiter un service radio...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 27 juin 2019, complétée par un mémoire ampliatif le 28 août 2019 et un mémoire le 4 décembre 2019, la SAS BFM Business, représentée par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision du 17 avril 2019 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a rejeté sa candidature pour la diffusion du service radio de catégorie D dénommé " BFM Business " dans la zone de Lorient ;

2°) d'annuler la décision n° 2019-121 du 17 avril 2019 par laquelle le CSA a autorisé la SA SERC à exploiter un service radio de catégorie D par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé " Fun Radio " dans la zone de Lorient ;

3°) d'enjoindre au CSA de lancer un nouvel appel à candidature dans la zone de Lorient en vue de l'attribution de la fréquence rendue disponible dans un délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge du CSA le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas établi que le CSA a respecté la règle de quorum posée par l'article 4 de la loi du 30 septembre 1986 ;

- le CSA a commis une erreur d'appréciation en rejetant sa candidature au profit de celle de la SA SERC dès lors que sa programmation consacrée à l'information économique et financière était plus originale et était mieux à même de répondre à l'intérêt du public que le service " Fun radio " ; en effet, la zone de Lorient comportait déjà une dizaine de radios musicales et la programmation de " Fun Radio " était proche de celles des services " SkyRock ", " NRJ ", et " Virgin Radio " ; la Cour a d'ailleurs jugé en ce sens dans son arrêt du 10 juillet 2018.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2019, le CSA conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2020, la société SERC, représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SAS BFM Business au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- les observations de Me B... de la SCP Piwnica et Molinié pour la SAS BFM Business, et les observations de Me A... de la SCP Lyon-Caen et Thiriez pour la SA SERC.

Considérant ce qui suit :

1. Le 23 novembre 2015, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a lancé un appel à candidatures pour l'exploitation de services radiophoniques par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence à temps complet ou partagé dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel (CTA) de Rennes. Par quatre décisions n° 2017-227, n° 2017-229, n° 2017-231 et n° 2017-233 du 29 mars 2017, il a autorisé respectivement la SA SERC à exploiter un service de radio de catégorie D dénommé " Fun Radio ", la SAS Ouï FM à exploiter un service radio de catégorie D dénommé " Ouï FM ", la SAS FG Concept à exploiter un service radio de catégorie D dénommé " Radio FG " et l'association Comité d'animation de Bretagne à exploiter un service radio de catégorie B dénommé " RMN FM ", dans la zone de Lorient. Par une décision du même jour, notifiée le 17 mai 2017, le CSA a rejeté la candidature de la société Média Bonheur pour la diffusion en catégorie B du service dénommé " Radio Bonheur " sur cette même zone. Par un arrêt n°s 17PA02113, 17PA02114, 17PA02115 du 10 juillet 2018, devenu définitif, la Cour a, à la demande de la société Média Bonheur, annulé la décision du 29 mars 2017 rejetant sa candidature pour la diffusion du service " Radio Bonheur " ainsi que les décisions n° 2017-227, n° 2017-231, n° 2017-233 du même jour autorisant l'exploitation des services de radios dénommés " Fun Radio ", " Radio FG " et " RMN FM", a décidé que cette annulation prendra effet à l'expiration d'un délai de huit mois à compter de la notification de l'arrêt au CSA et a enjoint à ce dernier de réexaminer la candidature de la société Média Bonheur dans ce même un délai.

2. En exécution de l'arrêt de la Cour, le CSA a procédé au réexamen des dossiers de candidatures qui avaient été déclarés recevables lors du premier examen des candidatures. Par trois décisions n° 2019-121, n° 2019-122 et n° 2019-123 du 17 avril 2019, le CSA a autorisé respectivement la SA SERC à exploiter le service de radio " Fun Radio " en catégorie D, la société Média Bonheur à exploiter le service de radio " Radio Bonheur " en catégorie B et la SARL Jazz France à exploiter le service de radio " Jazz Radio " en catégorie D dans la zone de Lorient. Par une décision du même jour, notifiée le 17 mai 2019, il a rejeté la candidature de la SAS BFM Business. Par la présente requête, cette dernière demande à la Cour l'annulation de la décision n° 2019-121 du 17 avril 2019 du CSA et la décision du même jour rejetant sa candidature.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

S'agissant de la légalité externe :

3. Si la SAS BFM Business soutient que les décisions attaquées sont entachées d'une irrégularité de procédure en ce qu'aurait été méconnue la règle de quorum prévue à l'article 4 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée aux termes duquel le CSA ne peut délibérer que si quatre au moins de ses membres sont présents, il ressort des pièces du dossier que ces décisions ont été prises après réunion du collège plénier du 17 avril 2019 qui réunissait sept de ses membres dont son président. Le moyen doit donc être écarté comme manquant en fait.

S'agissant de la légalité interne :

4. Aux termes de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, le CSA " accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. Il tient également compte : 1° De l'expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; 2° Du financement et des perspectives d'exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; 3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d'une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d'une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ; 4° Pour les services dont les programmes comportent des émissions d'information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, l'honnêteté de l'information et son indépendance à l'égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ; 5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement ; 6° Pour les services dont les programmes musicaux constituent une proportion importante de la programmation, des dispositions envisagées en faveur de la diversité musicale au regard, notamment, de la variété des oeuvres, des interprètes, des nouveaux talents programmés et de leurs conditions de programmation ; 7° S'il s'agit de la délivrance d'une nouvelle autorisation après que l'autorisation précédente est arrivée à son terme, du respect des principes mentionnés au troisième alinéa de l'article 3-1. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille, sur l'ensemble du territoire, à ce qu'une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l'expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l'environnement ou la lutte contre l'exclusion. Le conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part. Il s'assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l'information politique et générale. (...) ".

5. Par deux communiqués n° 34 du 29 août 1989 et n° 281 du 10 novembre 1994, le CSA, faisant usage de la compétence qui lui a été ainsi conférée, a déterminé cinq catégories de services en vue de l'appel à candidature pour l'exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre. Ces cinq catégories sont ainsi définies : services associatifs éligibles au fonds de soutien, mentionnés à l'article 80 (catégorie A), services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié (catégorie B), services locaux ou régionaux diffusant le programme d'un réseau thématique à vocation nationale (catégorie C), services thématiques à vocation nationale (catégorie D), et services généralistes à vocation nationale (catégorie E).

6. La SAS BFM Business soutient que le rejet de sa candidature est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de la prise en compte de l'intérêt du public de la zone de Lorient dès lors que, d'une part, il n'existait pas dans cette zone de service de radio entièrement dédié à l'information économique et financière et, d'autre part, le public " jeunes " ciblé par " Fun Radio " bénéficiait de plusieurs services de radios dont les programmations musicales étaient en outre proches de celle proposée par " Fun Radio ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la programmation du service BFM Business était déjà représentée dans la zone en cause par celle de la radio du service public France Info qui est également entièrement dédiée à l'information et en partie par celles de France Inter et des radios privées Radio Classique, RTL, RMC et Europe 1 qui consacrent une partie de leurs programmes à l'information avec notamment des émissions économiques et politiques et pour la majorité d'entre elles des journaux d'information diffusés chaque heure. En outre, si la requérante se prévaut de ce que sa programmation accordait une large place à " l'intermédiation " entre les entreprises et les demandeurs d'emploi et qu'elle aurait accompagné l'activité économique de Lorient et de son agglomération, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce service de radio thématique à vocation nationale proposait des émissions dédiées à la zone de Lorient. Par ailleurs, si le public " jeunes et jeunes-adultes " bénéficiait de plusieurs programmes comme Mouv', radio du service public, Virgin Radio Lorient, Ouï FM et Skyrock et enfin, NRJ qui programmait de la dance-électro à hauteur de 22 %, la programmation de " Fun Radio " principalement axée sur ce dernier style de musique (plus de 70 %) et destinée à un jeune public se révélait originale dans la zone de Lorient et bénéficiait, en outre, d'une audience quotidienne importante notamment entre 2016 et 2018. Par suite, eu égard à l'ensemble de ces éléments et même si l'offre relativement large de services de radios autorisés dans la zone de Lorient comprenait majoritairement des radios musicales, le CSA n'a pas commis d'erreur d'appréciation en autorisant le service " Fun Radio " destiné à un public " jeunes " et en rejetant la candidature de " BFM Business ".

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS BFM Business n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision n° 2019-121 du 17 avril 2019 par laquelle le CSA a autorisé la SA SERC à exploiter un service radio de catégorie D dénommé " Fun Radio " dans la zone de Lorient et la décision du CSA du même jour rejetant sa candidature.

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par la SAS BFM Business :

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la SAS BFM Business, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CSA qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SAS BFM Business demande au titre des frais liés à l'instance. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la SAS BFM Business le versement à la société SERC d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS BFM Business est rejetée.

Article 2 : La SAS BFM Business versera à la société SERC une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS BFM Business, à la SA SERC et au Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président,

- Mme Collet, premier conseiller,

- Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2020.

Le président de la formation de jugement,

I. LUBEN

La République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 19PA02058


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02058
Date de la décision : 22/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

56-04-01-01 Radio et télévision. Services privés de radio et de télévision. Services de radio. Octroi des autorisations.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP PIWNICA-MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-22;19pa02058 ?
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