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14/02/2020 | FRANCE | N°18PA03702

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 14 février 2020, 18PA03702


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 mars et le 28 février 2018, M. E... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros assortie des intérêts de droit à compter de la date de réception de sa demande préalable en indemnisation et de la capitalisation des intérêts à compter du 9 septembre 2016 et à chaque échéance annuelle successive postérieure, et de mettre à sa charge une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'a

rticle L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1705484/5...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 mars et le 28 février 2018, M. E... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros assortie des intérêts de droit à compter de la date de réception de sa demande préalable en indemnisation et de la capitalisation des intérêts à compter du 9 septembre 2016 et à chaque échéance annuelle successive postérieure, et de mettre à sa charge une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1705484/5-3 du 26 septembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 27 novembre 2018 et le 7 novembre 2019, M. E... B..., représenté par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 septembre 2018 et la décision attaquée ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros, sauf à parfaire, outre les intérêts de droit à compter de la date de réception de la demande préalable et outre les intérêts capitalisés à compter de la naissance de la décision de rejet et à chacune des échéances annuelles successives postérieures ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que ses conclusions étaient mal dirigées ; la responsabilité de l'Etat doit être engagée à raison des fautes commises dans la gestion de sa situation administrative ;

- il a été l'objet d'un licenciement illégal suivi d'une nouvelle nomination ; en effet, son pouvoir d'encadrement a été considérablement réduit dans la mesure où il n'encadre que quatre agents, que ses nouvelles fonctions sont exclusivement cantonnées à des tâches de coordination administrative de faible importance et qu'elles sont inadaptées à ses qualifications professionnelles ; cette mesure constitue un licenciement illégal dans la mesure où la procédure fixée par le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 n'a pas été respectée ; en effet, ce licenciement n'a pas été précédé de la procédure contradictoire prévue à l'article 47 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986, de la saisine pour avis de la commission consultative paritaire compétente en violation des articles 1-2 et 47-3 du même décret, il n'a pas été convoqué pour un entretien individuel, il n'a pu bénéficier d'un préavis en violation de l'article 46 du décret et le licenciement n'a pas été motivé en violation de l'article 45-3 du même décret ; aucun motif disciplinaire ou d'insuffisance professionnelle ne le justifie ; ce licenciement n'est justifié ni par la suppression, ni par la transformation du besoin ou de l'emploi qui a justifié son recrutement, ni par le recrutement d'un fonctionnaire sur son ancien poste ;

- la rétrogradation illégale et injustifiée dont il a fait l'objet peut s'analyser comme une sanction disciplinaire déguisée ;

- cette " mise au placard " vexatoire peut être également qualifiée de détournement de pouvoir ;

- il a subi un préjudice de carrière ainsi qu'un préjudice moral, lesquels sont caractérisés et de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 16 avril 2019 et le 23 janvier 2020, le ministre de la culture, conclut au rejet de la requête présentée par M. B....

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, par courrier en date du 23 janvier 2020, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté en qualité d'agent contractuel par divers contrats à durée déterminée à compter de 1993, puis par un contrat à durée indéterminée avec prise d'effet au 1er septembre 2007 pour exercer les fonctions de chef du bureau des mouvements d'oeuvres et de l'inventaire à la direction des musées de France. Par un arrêté du 21 novembre 2011, M. B... a été affecté, à compter du 1er septembre 2011, à la direction générale des patrimoines au sein de l'établissement public administratif du musée national Picasso-Paris. Par un avenant n°4 au contrat daté du 14 août 2015, l'intéressé a été chargé d'occuper les fonctions de responsable des collections et du patrimoine du musée Picasso, au sein de la direction générale des patrimoines, à compter du 1er septembre 2014. A compter du 19 janvier 2015, M. B... a occupé les fonctions de chargé de mission auprès du président du musée Picasso-Paris. Insatisfait de ces changements d'affectation, M. B... a, par une demande préalable du 7 septembre 2017, sollicité du ministre de la culture une indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi de ce fait, s'élevant à 20 000 euros. A la suite du rejet implicite de cette demande, il a saisi le Tribunal administratif de Paris de conclusions tendant à son indemnisation. Par un jugement du 26 septembre 2018 dont M. B... relève appel, le tribunal rejeté sa demande comme mal dirigée.

Sur la recevabilité de la demande de M. B... :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". S'agissant du délai de recours contre les décisions implicites, l'article R. 421-2 du même code dispose, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-1145 du 15 septembre 2015 de modification du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet (...) ". Cette dernière règle comporte toutefois deux exceptions, fixées par l'article R. 421-3 du même code qui prévoit, dans sa rédaction issue du décret du 2 novembre 2016, que seule une décision expresse est de nature à faire courir le délai de recours contentieux " (...) 1° Dans le contentieux de l'excès de pouvoir, si la mesure sollicitée ne peut être prise que par décision ou sur avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux ", ainsi que " 2° Dans le cas où la réclamation tend à obtenir l'exécution d'une décision de la juridiction administrative ". Ce même décret du 2 novembre 2016 a, par son article 10, supprimé à cet article R. 421-3 une troisième exception, qui prévoyait que le délai de recours de deux mois ne courait qu'à compter d'une décision expresse " en matière de plein contentieux ". Enfin l'article 35 du décret du 2 novembre 2016, qui fixe les conditions de son entrée en vigueur, dispose que : " I. - Le présent décret entre en vigueur le 1er janvier 2017. / II. - Les dispositions des articles 9 et 10 (...) sont applicables aux requêtes enregistrées à compter de cette date ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 19 de la loi du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, applicable et depuis codifié à l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception délivré dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) / Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier alinéa. (...) ". Toutefois, en vertu des dispositions de l'article 18 de la même loi, codifié à l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration, ces dispositions relatives aux conditions de déclenchement du délai de recours contentieux ne sont pas applicables aux relations entre les autorités administratives et leurs agents.

4. Il résulte de ce qui précède que lorsque, avant le 1er janvier 2017, une personne s'était vu tacitement opposer un refus susceptible d'être contesté dans le cadre d'un recours de plein contentieux, ce recours n'était enfermé, en l'état des textes en vigueur, dans aucun délai, sauf à ce que cette décision de refus soit, sous forme expresse, régulièrement notifiée à cette personne, un délai de recours de deux mois courant alors à compter de la date de cette notification. Il s'ensuit que le décret du 2 novembre 2016 n'a pas fait courir le délai de recours contre les décisions de refus implicites nés avant le 1er janvier 2017 relevant du plein contentieux à compter de la date à laquelle elles sont nées. Toutefois, les dispositions du II de l'article 35 du décret du 2 novembre 2016 précitées, qui prévoient l'application de l'article 10 de ce décret à

" toute requête enregistrée à compter " du 1er janvier 2017, ont entendu permettre la suppression immédiate, pour toutes les situations qui n'étaient pas constituées à cette date, de l'exception à la règle de l'article R. 421-2 du code de justice administrative dont bénéficiaient les matières de plein contentieux. Or, la réglementation applicable jusqu'à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2017, du décret du 2 novembre 2016, ne créait pas de droit acquis à ce que tout refus tacite antérieur reste, en matière de plein contentieux, indéfiniment susceptible d'être contesté. Elle conférait seulement aux intéressés le droit à ce que le délai de recours contre un tel refus ne courre qu'à compter du moment où, ainsi qu'il a été dit, ce refus était explicitement et régulièrement porté à leur connaissance. Dès lors un délai de recours de deux mois court, à compter du 1er janvier 2017, contre toute décision implicite relevant du plein contentieux qui serait née antérieurement à cette date. Ainsi, les recours de plein contentieux dirigés contre une décision implicite de rejet née antérieurement au 1er janvier 2017 ne sont recevables que dans un délai franc de deux mois à compter de la date d'entrée en vigueur du décret du 2 novembre 2016, soit jusqu'au 2 mars 2017. Ce délai de recours est opposable en ce qui concerne les relations entre l'administration et ses agents, alors même que l'administration n'a pas accusé réception de la demande de cet agent, les dispositions désormais codifiées à l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration n'étant pas applicables aux agents publics.

5. Il résulte de l'instruction que M. B... a adressé au ministre de la culture une demande préalable en indemnisation par un courrier recommandé du 7 septembre 2016, reçu le 9 septembre 2016. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... disposait d'un délai de deux mois à compter du 1er janvier 2017 pour contester la décision implicite de rejet née le 9 novembre 2016 du silence gardé par l'administration sur cette demande, soit jusqu'au 2 mars 2017. Dans ces conditions, sa requête, enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Paris le 30 mars 2017, était tardive et dès lors irrecevable.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent en conséquence, qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de la culture.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président de chambre,

- Mme C..., présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 février 2020.

La rapporteure

M. C... Le président,

M. A...

Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA03702 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03702
Date de la décision : 14/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-01-07 Procédure. Introduction de l'instance. Délais.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SCP ARVIS et KOMLY-NALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-02-14;18pa03702 ?
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