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14/02/2020 | FRANCE | N°18PA03286

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 14 février 2020, 18PA03286


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... G... épouse J... a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Villiers-sur-Marne à lui verser la somme globale de 52 000 euros, augmentée des intérêts capitalisés, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1501273 du 20 septembre 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour:

Par une requête, enregistrée le 8 octobr

e 2018, Mme J..., représentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... G... épouse J... a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Villiers-sur-Marne à lui verser la somme globale de 52 000 euros, augmentée des intérêts capitalisés, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1501273 du 20 septembre 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour:

Par une requête, enregistrée le 8 octobre 2018, Mme J..., représentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 septembre 2018 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de condamner la commune de Villiers-sur-Marne à lui verser la somme globale de 52 000 euros, augmentée des intérêts capitalisés, en réparation des préjudices causés par les fautes commises par cette commune ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Villiers-sur-Marne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la commune avait pris toutes les mesures appropriées pour la protéger des agissements de M. A... et de Mme I... ;

- elle a subi une dégradation de ses conditions de travail eu égard, d'une part, à la diminution de ses responsabilités, d'autre part, à l'insuffisance des moyens mis à sa disposition ;

- l'ensemble de ces agissements caractérise une situation de harcèlement moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2019, la commune de Villiers-sur- Marne, représentée par la Selarl Landot et associés, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme J... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme J... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juin 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de Me D... pour la commune de Villiers-sur-Marne

Considérant ce qui suit :

1. Mme J... a été recrutée par la commune de Villiers-sur-Marne en qualité d'agent d'entretien saisonnier contractuel à compter du 1er janvier 2003 et a été titularisée le 1er juillet 2004. Le 1er mars 2007, elle a été promue au grade d'agent de maîtrise et affectée au poste de responsable de l'équipe " Espaces verts - Stade " et " Cimetière ", puis au service de la voirie, en qualité d'agent de police assermenté, à compter du 13 septembre 2010 et enfin, au service des espaces verts, en qualité d'agent d'entretien le 1er juin 2011. Estimant avoir été victime du comportement de deux de ses collègues, elle a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Villiers-sur-Marne à lui verser la somme totale de 52 000 euros en réparation de divers préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'inaction fautive de la commune. Mme J... relève appel du jugement du 20 septembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, aux termes du IV de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures appropriées lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

3. D'une part, le moyen tiré de ce que la commune n'aurait pas assuré sa protection fonctionnelle s'agissant des agissements de M. A... doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 3 du jugement attaqué.

4. D'autre part, Mme J... formule le même grief à l'encontre de la commune s'agissant des agissements de Mme I..., un autre agent des espaces verts, lors d'une altercation survenue le 4 septembre 2012. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport hiérarchique établi le 7 septembre 2012 par M. E..., responsable du département voirie-assainissement, qu'après un " différent de mots " l'opposant à Mme I..., Mme J... a été poussée par cette dernière et qu'en tombant elle s'est blessée au dos. Si Mme J... soutient que Mme I... l'aurait en réalité brutalement agressée en la projetant violemment au sol, ces violences, dont elle tente d'établir la réalité en produisant un seul témoignage de M. C... qui n'a pas assisté à la scène, ne sont pas corroborées par les pièces du dossier. Si Mme J... fait valoir que Mme I... aurait dû faire l'objet d'une procédure disciplinaire, l'absence de mise en oeuvre d'une telle procédure, dont l'opportunité relève du pouvoir discrétionnaire de l'administration, est sans lien direct et certain avec le préjudice dont elle demande réparation. De même, si elle fait valoir que la commune a initialement refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident, il résulte de l'instruction que la commission de réforme a toutefois été saisie, et, par un premier avis du 10 juin 2013, elle a conclu à l'imputabilité au service de cet accident, ainsi que des arrêts de travail consécutifs du 2 octobre 2012 au 14 février 2013, et des soins dispensés du 4 septembre 2012 au 15 juin 2013. Par ailleurs, la commune a accordé la protection fonctionnelle à Mme J... par une décision du 16 mars 2016 pour les instances qu'elle a elle-même engagées à l'encontre de Mme I... devant les juridictions judiciaires, civiles et pénales afin d'obtenir réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis de la part de cette dernière. Si Mme J... fait valoir que la commune a méconnu le principe d'égalité en accordant également à Mme I... la protection fonctionnelle, alors que les faits qu'elle lui reproche seraient constitutifs d'une faute personnelle détachable du service, cette circonstance est sans lien direct et certain avec le préjudice dont elle demande réparation.

5. En deuxième lieu, les moyens tirés de fautes commises par la commune s'agissant de la diminution de ses responsabilités et de ses indemnités et de l'insuffisance des moyens professionnels mis à sa disposition doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 5 à 7 du jugement attaqué.

6. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

7. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le harcèlement moral allégué par Mme J... du fait qu'elle n'aurait pas été suffisamment protégée par la commune des menaces dont elle estime avoir été victime de la part de M. A... et de Mme I... ne résulte pas de l'instruction. Par ailleurs, la diminution de ses responsabilités inhérente d'une part à sa propre demande de changement d'affectation et d'autre part au fait qu'elle avait des difficultés à accomplir les tâches qui lui étaient confiées ne peut être regardée comme constitutive de harcèlement moral au sens des dispositions citées au point 6. Enfin, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle serait contrainte d'exercer ses fonctions sans le matériel adéquat, ni que de ce fait elle ne bénéficierait pas d'un poste aménagé tel que prescrit par le service de santé au travail dans son avis du 23 mai 2014, ces circonstances ne peuvent être regardées comme constitutives de harcèlement moral au sens des dispositions citées au point 6.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme J... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre du même article par la commune de Villiers-sur-Marne.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme J... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Villiers-sur-Marne présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à Mme H... G... épouse J... et à la commune de Villiers-sur-Marne.

Délibéré après l'audience du 5 février 2020 à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 février 2020.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA03286


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03286
Date de la décision : 14/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : GUILLON

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-02-14;18pa03286 ?
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