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21/01/2020 | FRANCE | N°19PA03333

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 21 janvier 2020, 19PA03333


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Paris de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler les décisions contenues dans l'arrêté du 21 mai 2019 du préfet des Hauts-de-Seine portant obligation de quitter le territoire français sans délai, prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et portant signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200

euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de just...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Paris de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler les décisions contenues dans l'arrêté du 21 mai 2019 du préfet des Hauts-de-Seine portant obligation de quitter le territoire français sans délai, prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et portant signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1911349 du 24 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 octobre 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1911349 du 24 septembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai ainsi que la décision portant signalement aux fin de non admission dans le système d'information Schengen procédant à l'interdiction de retour du 21 mai 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

* les décisions portant obligation de quitter le territoire sans délai :

- sont insuffisamment motivées ;

- sont entachées d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- sont intervenues alors qu'il était seulement de passage en France et devait repartir en Italie afin d'y renouveler le récépissé de sa demande d'asile en sa possession, circonstance ignorée par l'administration ; il a justifié de l'erreur commise par cette dernière, a invoqué et a justifié de sa qualité de demandeur d'asile, de sa volonté de repartir en Italie devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

- sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- ont méconnu son droit au séjour pour une durée de trois mois.

* la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an :

- est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

* la décision portant signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen :

- est illégale en raison de l'illégalité entachant les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai.

Par un mémoire enregistré le 13 novembre 2019, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête de M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative aux réfugiés ;

- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant pakistanais né le 1er décembre 1990, est entré en France selon ses déclarations le 31 mars 2019 muni d'un titre de séjour italien expiré depuis le 19 mai 2018 ainsi que d'un récépissé de demande d'asile en Italie. Par un arrêté du 21 mai 2019, le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel l'intéressé pouvait être reconduit et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. D... fait appel du jugement du 24 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

2. Il résulte des dispositions des articles L. 511-1, L. 511-2, L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou de l'article L. 531-2, elle peut légalement, soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre.

3. Toutefois, il y a lieu de réserver le cas de l'étranger demandeur d'asile. En effet, les stipulations de l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent nécessairement que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande. Dès lors, lorsqu'en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, l'examen de la demande d'asile d'un étranger ne relève pas de la compétence des autorités françaises, mais de celles d'un autre Etat, la situation du demandeur d'asile n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celui des dispositions de l'article L. 742-3 du même code. En vertu de ces dispositions, la mesure d'éloignement en vue de remettre l'intéressé aux autorités étrangères compétentes pour l'examen de sa demande d'asile ne peut être qu'une décision de transfert prise sur le fondement de cet article L. 742-3. En revanche, en application des dispositions de l'article 24 du règlement (UE) n° 604/2013, lorsqu'il a été définitivement statué sur sa demande, l'étranger peut faire l'objet soit d'une procédure de réadmission vers l'Etat qui a statué sur sa demande, soit d'une obligation de quitter le territoire français.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., interpellé le 21 mai 2019 en situation irrégulière, a indiqué lors de son audition avoir sollicité l'asile en Italie. Il a alors également précisé être en mesure de présenter un titre de séjour délivré par les autorités italiennes justifiant de sa qualité de demandeur d'asile ainsi qu'un document établissant qu'une demande de renouvellement de sa demande d'asile était en cours. A l'appui de sa requête d'appel,

M. D..., en possession d'une convocation par les autorités italiennes pour le 28 mai 2019, produit également le récépissé délivré par les autorités italiennes attestant du renouvellement de son statut de demandeur d'asile jusqu'au 27 novembre 2019. Il n'est pas établi, ni même allégué, que la demande d'asile présentée par l'intéressé en Italie ait été définitivement rejetée. Par suite, la situation de M. D... n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celui des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet a commis une erreur de droit en prenant à l'encontre de M. D... une décision portant obligation de quitter le territoire français qui doit être annulée.

5. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. D... est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, des décisions refusant un délai de départ volontaire et lui interdisant le retour sur le territoire pour une durée d'un an, qui doivent être annulées.

En ce qui concerne le signalement à fin de non-admission dans le système d'information Schengen :

6. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire ". En vertu du second alinéa de l'article R. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour prise en application du III de l'article L. 511-1 sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées, aux cas d'extinction du motif d'inscription au fichier des personnes recherchées.

7. Il résulte des dispositions précitées que, lorsqu'elle prend à l'égard d'un étranger une décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou prolonge l'interdiction de retour dont cet étranger fait l'objet, l'autorité administrative se borne à informer l'intéressé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Une telle information ne constitue pas une décision distincte de la mesure d'interdiction de retour et n'est, dès lors, pas susceptible de faire l'objet en tant que telle d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation de la décision de signalement aux fins de non admission de l'intéressé dans le système d'information Schengen sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1911349 du 24 septembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris et les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refusant un délai de départ volontaire et interdisant le retour sur le territoire pour une durée d'un an contenues dans l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 21 mai 2019, sont annulés.

Article 2 : L'État versera la somme de 1 500 euros à M. D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. D... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience publique du 7 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

- M. C..., premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 janvier 2020.

Le rapporteur,

M-E... A... Le président,

M. C... Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N°19PA03333


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : VASRAM

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 21/01/2020
Date de l'import : 28/01/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19PA03333
Numéro NOR : CETATEXT000041452484 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-01-21;19pa03333 ?
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