La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/01/2020 | FRANCE | N°19PA02253

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 21 janvier 2020, 19PA02253


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Transports Co Déménagements a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 31 juillet 2017 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rejeté son recours gracieux contre la décision mettant à sa charge les contributions forfaitaire et spéciale.

Par un jugement n° 1707578 du 17 mai 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet

2019, la société Transports Co Déménagements, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Transports Co Déménagements a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 31 juillet 2017 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rejeté son recours gracieux contre la décision mettant à sa charge les contributions forfaitaire et spéciale.

Par un jugement n° 1707578 du 17 mai 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2019, la société Transports Co Déménagements, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1707578 du 17 mai 2019 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler les décisions de l'OFII en date des 15 mai 2017 et 31 juillet 2017 et de la décharger du paiement des contributions spéciale et forfaitaire mises à sa charge.

La société Transports Co Déménagements soutient que :

- la matérialité des faits n'est pas établie, faute pour les quatre personnes interpellées le 27 août 2017 d'avoir été en action de travail pour son compte ; la gérante de la société était absente au moment des faits et n'a jamais employé les quatre personnes à l'origine les poursuites ; le nom de la société a été utilisé à des fins malveillantes ;

- la procédure de contrôle est irrégulière, les procès-verbaux à l'origine des sanctions ne pouvant faire foi dès lors qu'ils ont été établis par des officiers de police judiciaire en poste dans la même caserne que le commanditaire du déménagement ;

- aucune sanction administrative ne pouvait être prononcée avant l'issue de la procédure pénale ; les principes de présomption d'innocence et du droit à un procès équitable s'opposent ainsi au prononcé de sanctions administratives (article 11 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948, 9-1 du code civil, 6 de la CEDH) ; la procédure pénale a définitivement été classée sans suite, le 10 mars 2018, par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Versailles, en conséquence de quoi sa responsabilité a été écartée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2019, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), représenté par Me H..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Transports Co Déménagements au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Un mémoire, présenté pour la société Transports Co Déménagements, enregistré le

2 janvier 2020, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la société Transports Co Déménagements.

Considérant ce qui suit :

1. Le 27 août 2015, lors du contrôle des identités d'individus s'étant présentés à la caserne de gendarmerie " Bouvenot " de Melun pour y effectuer un déménagement, la présence à bord du camion de déménagement de quatre personnes de nationalité algérienne et égyptienne, dépourvues de titres de séjour et d'autorisations de travail, a été constatée. La procédure d'enquête préliminaire diligentée par les services de gendarmerie a été transmise à l'Office français de l'immigration et de l'intégration lequel, par décision en date du 15 mai 2017, a appliqué à la société Transports Co Déménagements, au visa de l'article R 8253-4 du Code du travail, une contribution spéciale de 70 400 euros et, au visa de l'article R 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une contribution forfaitaire de 8 496 euros pour l'emploi irrégulier de quatre salariés. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 juin 2017, un recours gracieux a été formé, a été rejeté le 31 juillet suivant. La société Transports Co Déménagements fait appel du jugement du tribunal administratif de Melun du

17 mai 2019 qui a rejeté son recours contre ces deux décisions.

Sur le bien-fondé de jugement :

2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail :

" Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". L'article L. 5221-8 du même code dispose que : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du code précité, dans sa rédaction applicable à la date des manquements relevés à l'encontre de la société Transports Co Déménagements : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...) ". D'autre part aux termes du premier alinéa de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article

L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine.".

3. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu celles de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur. Par ailleurs, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie.

4. La société requérante soutient que la matérialité des faits n'est pas établie, faute pour les quatre personnes interpellées d'avoir été employées par elle. Il est constant que MM. I..., B..., J... et D..., circulant à bord d'un véhicule appartenant à la société Transports Co Déménagements, ont travaillé sans titre de séjour et sans déclaration de travail pour effectuer un déménagement, le 27 août 2015. Il résulte toutefois de l'instruction que la gérante de la société Transports Co Déménagements, Mme E..., hospitalisée le jour du contrôle, n'a jamais reconnu les faits et a déclaré ne pas connaitre M. F... qui s'était alors présenté comme le chef d'équipe. Sur présentation par les gendarmes, à sa demande, de la lettre de voiture de déménagement figurant à leur dossier, elle a formellement déclaré que celle-ci n'était pas conforme à celle utilisée par sa société qu'elle a communiquée et a exposé que, sur le document détenu par les enquêteurs, ne figuraient, ni le logo, ni l'entête et les numéros de RCS et SIRET de sa société, et pas davantage sa signature et le tampon de son entreprise. Enfin, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les salariés en situation irrégulière auraient rencontré Mme E... ou un salarié de son entreprise, faute d'audition par les officiers de police judiciaire, tant du commanditaire du déménagement à l'origine du constat des infractions que de la personne désignée par M. I... comme l'ayant recruté - dont il avait pourtant donné le prénom et le numéro de téléphone -, pas plus que de celle ayant remplacé Mme E... en son absence, les circonstances dans lesquelles la prestation a été contractée, l'identité de l'interlocuteur du commanditaire et les conditions dans lesquelles la lettre de déménagement a été signée ne sont pas établies, en conséquence de quoi la preuve n'est pas rapportée que l'employeur de

MM I..., B..., J... et D... était réellement la société Transports Co Déménagements.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Transports Co Déménagements est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur de l'OFII du 15 mai 2017 et de celle du 31 juillet 2017 portant rejet de son recours gracieux et à être déchargée de l'obligation de payer la somme de 70 400 euros au titre de la contribution spéciale et la somme de 8 496 euros au titre de la contribution forfaitaire mises à sa charge. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler le jugement et les décisions attaqués et de décharger la société appelante de l'obligation de payer les sommes précitées.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'OFII, partie perdante dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1707578 du 17 mai 2019 du tribunal administratif de Melun, la décision du 15 mai 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à la charge de la société Transports Co Déménagements la somme de 70 400 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 8 496 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que la décision de l'OFII du 31 juillet 2017 portant rejet du recours gracieux, sont annulés.

Article 2 : La société Transports Co Déménagements est déchargée de l'obligation de payer la contribution spéciale d'un montant de 70 400 euros et la contribution forfaitaire d'un montant de 8 496 euros.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Transports Co Déménagements et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience publique du 7 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

- M. G..., premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 janvier 2020.

Le rapporteur,

M-K... C... Le président,

M. G...

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à la ministre du travail en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

4

N° 19PA02253


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02253
Date de la décision : 21/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : FERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-01-21;19pa02253 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award