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21/01/2020 | FRANCE | N°19PA02212

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 21 janvier 2020, 19PA02212


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Vent et Marée a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 juin 2018 par laquelle la ministre du travail a retiré sa décision implicite née le

12 avril 2017, a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 17 octobre 2017 et a refusé de lui accorder l'autorisation de licencier M. F....

Par un jugement n° 1815326 du 31 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enr

egistrée le 10 juillet 2019 et un mémoire enregistré le 29 octobre 2019, la société Vent et Marée, re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Vent et Marée a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 juin 2018 par laquelle la ministre du travail a retiré sa décision implicite née le

12 avril 2017, a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 17 octobre 2017 et a refusé de lui accorder l'autorisation de licencier M. F....

Par un jugement n° 1815326 du 31 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 juillet 2019 et un mémoire enregistré le 29 octobre 2019, la société Vent et Marée, représentée par Me H... auquel s'est substitué

Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1815326 du 31 mai 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 juin 2018 de la ministre du travail ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Vent et Marée soutient que:

- la décision de la ministre du travail n'est pas suffisamment motivée ;

- l'absence de respect du délai prévu à l'article R. 2421-14 du code du travail, entre la mise à pied et la saisine de l'inspecteur du travail, n'entache pas de nullité de plein droit la procédure interne suivie ; elle était légitime à mener des investigations complémentaires afin de vérifier la réalité des faits reprochés au salarié et il ne s'est écoulé qu'un délai de dix-sept jours entre la mise à pied conservatoire de M. F... et la demande d'autorisation de procéder à son licenciement ; M. F... n'a pas été empêché d'exercer ses mandats, faute pour lui d'avoir été élu ou désigné à cette date ;

- la décision est illégale, faute pour la ministre du travail d'avoir porté son contrôle sur les motifs de la demande de licenciement, les faits reprochés à M. F... étant graves et leur matérialité établie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 août 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 30 septembre 2019, M. F..., représenté par

Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Vent et Marée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. F... soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., représentant la société Vent et Marée.

Considérant ce qui suit :

1. Le 17 août 2017, la société Vent et Marée qui exploite deux restaurants à Paris, a demandé à l'administration l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire M. F..., maître d'hôtel bénéficiant du statut de salarié protégé. Par décision du 17 octobre 2017, l'inspecteur du travail a délivré l'autorisation sollicitée. Saisie d'un recours hiérarchique par

M. F... reçu par ses services le 12 décembre 2017, la ministre du travail a, par une décision du 28 juin 2018, retiré la décision implicite née de son silence gardé sur cette demande, puis annulé la décision de l'inspecteur du travail et refusé l'autorisation de licenciement demandée en raison du caractère excessif du délai écoulé entre la mise à pied dont avait fait l'objet

M. F... et la saisine de l'inspecteur du travail par la société Vent et Marée. Cette dernière fait régulièrement appel du jugement en date du 31 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, la société Vent et Marée invoque le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée. Toutefois, elle n'apporte à l'appui de ce moyen, déjà soulevé devant le tribunal administratif de Paris, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation portée à juste titre par les premiers juges. Il y a dès lors lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par ces derniers.

3. En second lieu, aux termes de l'article R. 2421-14 du code du travail : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. (...). La demande d'autorisation de licenciement est présentée dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. S'il n'y a pas de comité d'entreprise, cette demande est présentée dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied. (...) ". Si les délais mentionnés par ces dispositions ne sont pas prescrits à peine de nullité, ils doivent cependant être aussi courts que possible eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied, l'obligation faite à l'employeur de saisir le plus rapidement possible l'inspecteur du travail étant la contrepartie de son droit de prononcer la mise à pied du salarié.

4. Il ressort des pièces du dossier que la société Vent et Marée a mis à pied

M. F... à titre conservatoire par une décision du 30 juin 2017 notifiée le lendemain

1er juillet et a sollicité l'autorisation de licencier ce salarié par courrier du 17 août 2017 reçu par l'inspection du travail le lendemain, 18 août. Le délai qui a séparé la mise à pied de M. F... de la demande d'autorisation de licenciement est ainsi supérieur au délai de huit jours prescrit par les dispositions précitées.

5. Si la société soutient qu'elle a annulé la première décision de mise à pied en lui substituant sans discontinuité une seconde mesure, le 1er août 2017, et qu'elle a versé à

M. F... une rémunération pour la période du 1er juillet au 1er août 2017, cette circonstance, eu égard à l'ensemble des effets s'attachant à une telle mise à pied, ne saurait avoir par elle-même pour effet de proroger le délai imparti et de régulariser ainsi la procédure de licenciement. Par ailleurs, la circonstance invoquée par la société Vent et Marée, tirée de ce que la seconde mise à pied était justifiée par la nécessité de conduire des investigations supplémentaires nécessaires à l'établissement de la preuve des faits reprochés n'est pas établie, ne serait-ce que parce que l'employeur ne précise pas en quoi les témoignages de trois salariés présents sur le site n'ont pu être recueillis dès le début du mois de juillet, qui plus est dans le contexte d'urgence dont lui-même se prévaut. Dès lors que l'obligation qui est faite à l'employeur de saisir le plus rapidement possible l'inspecteur du travail est la contrepartie de son droit de prononcer la mise à pied du salarié, la circonstance que M. F... n'a pas été empêché d'exercer ses mandats, est inopérante s'agissant de l'appréciation du caractère excessif du délai. Dans ces conditions, sans avoir à apprécier le bien-fondé de la demande d'autorisation de licenciement, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la société appelante devait être regardée comme ayant eu une connaissance complète des agissements du salarié protégé à la date de sa première mise à pied et que le délai dans lequel l'employeur a saisi l'inspecteur du travail après avoir prononcé la mise à pied de M. F... avait été d'une durée excessive.

6. En dernier lieu, le délai entre la date de mise à pied du salarié et la saisine de l'inspecteur du travail étant excessif, une telle irrégularité faisait à elle seule obstacle à ce que l'autorité administrative autorise le licenciement, sans avoir à rechercher le bien-fondé de la demande de licenciement.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Vent et Marée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Vent et Marée au titre des frais liés à l'instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 2 000 euros à verser à

M. F... sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Vent et Marée est rejetée.

Article 2 : La société Vent et Marée versera à M. F... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vent et Marée, à la ministre du travail et à

M. B... F....

Délibéré après l'audience publique du 7 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

- M. D..., premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 janvier 2020.

Le rapporteur,

M-I... C... Le président,

M. D...

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 19PA02212


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02212
Date de la décision : 21/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : BARTHELEMY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-01-21;19pa02212 ?
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