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07/11/2019 | FRANCE | N°18PA01113

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 07 novembre 2019, 18PA01113


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... D... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants.

Par un jugement n° 1610048 du 30 janvier 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 a

vril 2018 et un mémoire enregistré le 13 septembre 2018, M. et Mme B... D..., représentés par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... D... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants.

Par un jugement n° 1610048 du 30 janvier 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 avril 2018 et un mémoire enregistré le 13 septembre 2018, M. et Mme B... D..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1610048 du Tribunal administratif de Paris en date du 30 janvier 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des frais qu'ils ont exposés tant en première instance qu'en appel sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les premiers juges n'ont pas répondu aux moyens soulevés par M. et Mme D... en particulier à celui tiré de l'intérêt qu'avait la société Michel D... Conseil à supporter 50 %, puis 33,33 % des charges de loyer de l'appartement mis à la disposition de M. D... ;

- la somme de 33 403 euros ne pouvait être imposée à la fois dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et dans celle des bénéfices non commerciaux de l'année 2009 ;

- aucun texte législatif ou réglementaire n'interdit aux sociétés de prendre des locaux différents pour recevoir leur clientèle et accessoirement loger leur dirigeant ; l'appartement situé 14 rue Saint Guillaume à Paris, permettait de recevoir les clients et prospects dans un cadre de proximité et de plus grande confidentialité rendue nécessaire par la nature et l'importance des affaires traitées dans le domaine de la gestion de patrimoine et la qualité de la clientèle ; il est également un lieu de travail pour son dirigeant ; ce cadre est en accord avec l'objet social et l'image d'excellence de l'entreprise ;

- ils ont produit des justificatifs de l'affectation des locaux ;

- le montant des loyers pris en charge par la société n'est pas excessif au regard des prix pratiqués sur le marché pour des prestations similaires, la location d'une salle privée pour une soirée s'élevant à 950 euros ; l'administration ne justifie pas le taux de 10 % qu'elle a retenu ; il est irréaliste et méconnaît les impératifs de gestion et de développement d'une entreprise dont les clients sont des particuliers aisés ;

- il appartient à l'administration d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer le caractère anormal d'un acte de gestion ;

- les distributions en litige ne pouvaient être soumises à la majoration de 25 % prévue par le 7 de l'article 158 du code général des impôts sans méconnaître la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017.

- ils sont fondés à se prévaloir des énonciations de l'instruction du 24 avril 2009, référencée, BOI-4-C-5-09 n° 15.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., pour M. et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. La société Michel D... Conseil exerce une activité de conseil pour les affaires et autres conseils de gestion. Elle a pour associé et dirigeant M. D.... Elle a pris en location, par un bail signé le 23 octobre 2007, un appartement d'une surface de 200 m² situé 14 rue Saint-Guillaume, à Paris 7ème, dont elle a porté en charges déductibles de ses résultats des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, l'intégralité des loyers versés. L'appartement a été mis à la disposition de M. D..., qui l'a affecté pour partie à son habitation personnelle. Pour la période allant du 1er janvier 2009 au 15 novembre 2009, la société a fixé à 50 % la quote-part de loyers correspondant à un usage professionnel de l'appartement et a donc refacturé à M. D... la moitié du montant des loyers et des charges locatives qu'elle avait acquittés. A la fin de l'année 2009, M. D... a été nommé expert près la Cour d'appel de Paris et a exercé sa nouvelle activité dans l'appartement de la rue Saint-Guillaume. La société Michel D... Conseil a alors déclaré que l'appartement était affecté pour un tiers de son occupation à l'activité de la société, pour un tiers à l'activité d'expert de M. D... et pour le tiers restant à l'hébergement des époux D....

2. La société Michel D... Conseil a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service a considéré que l'appartement constituait à hauteur de 85 % de son occupation le logement personnel de M. et Mme D... et qu'il était utilisé à hauteur de 10 % pour l'activité de la société Michel D... Conseil et pour les 5 % restant, pour les besoins de l'activité d'expert indépendant de M. D.... Estimant que la société Michel D... Conseil avait ainsi supporté sans justification aucune des dépenses personnelles de son associé et gérant, le service a réintégré aux résultats imposables de la société les montants des loyers que celle-ci n'avait pas refacturés à M. D.... Corrélativement, les sommes correspondantes ont été regardées comme des distributions consenties par la société à M. D.... Elles ont été imposées entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Par ailleurs, l'administration a également remis en cause le montant des loyers déduits par M. D... de son bénéfice imposable au titre de son activité d'expert indépendant et lui a notifié des rehaussements dans la catégorie des bénéfices non commerciaux sur le fondement du 1 de l'article 93 du code général des impôts.

3. M. et Mme D... ont, en conséquence de ces rectifications, été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2009, 2010 et 2011, assorties des intérêts de retard et de pénalités sur le fondement de l'article 1758 A du code général des impôts. Ils font appel du jugement en date du 30 janvier 2018, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur l'étendue du litige :

4. Par une décision en date du 14 août 2018, postérieure à l'enregistrement de la requête, l'administration a prononcé le dégrèvement, à concurrence de la somme totale de 2 796 euros, des cotisations de contributions sociales et des intérêts correspondants, mis à la charge de M. et Mme D... au titre des années 2009, 2010 et 2011 correspondant à la majoration de 1,25 prévue par les dispositions du 2 du 7 de l'article 158 du code général des impôts, appliquée aux revenus distribués. Les conclusions de la requête de M. et Mme D... sont, dans cette mesure, devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

6. Il ressort des mentions du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de se prononcer sur l'ensemble des arguments avancés par les parties, ont répondu de façon suffisamment précise aux différents moyens soulevés devant eux par M. et Mme D.... Si ces derniers font valoir que le Tribunal a omis d'examiner le moyen tiré de l'intérêt qu'avait la société Michel D... Conseil à supporter 50 % puis 33,33 % des charges de loyer de l'appartement mis à la disposition de M. D..., il ressort du dossier soumis aux premiers juges que les requérants n'ont pas soulevé un tel moyen dans leurs écritures de première instance. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait, pour ce motif, irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Michel D... Conseil a refacturé à M. D... les quotes-parts de loyers dont celui-ci était redevable au titre de son occupation personnelle du logement par voie d'inscription des sommes correspondantes au débit du compte courant d'associé ouvert dans ses livres au nom de l'intéressé. Toutefois, lors des opérations de vérification de la société, le service a constaté que, le 31 décembre 2009, celle-ci avait annulé la créance de loyers, d'un montant total de 33 403 euros, qu'elle détenait sur M. D... pour l'année 2009 en inscrivant cette somme d'une part, au débit du compte de charges de M. D..., en qualité d'expert indépendant, et d'autre part, au crédit de son compte courant d'associé. Le service a considéré que la société avait ainsi supporté une dépense personnelle de son gérant et a imposé la somme de 33 403 euros en tant que revenus distribués entre les mains de M. D... sur le fondement des dispositions du 2 du 1° de l'article 109 du code général des impôts. Cette somme, qui a été taxée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, ne correspond pas à la quote-part de loyers et de charges locatives, déduite par M. D..., au titre des dépenses exposées dans le cadre de l'exercice de sa profession d'expert indépendant, de son bénéfice imposable de l'année 2009, et dont une fraction a été réintégrée par le service au double motif qu'elle excédait le montant refacturé par la société Michel D... Conseil et qu'elle correspondait à une occupation privative du local en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que la somme de 33 403 euros aurait fait l'objet d'une double imposition doit être écarté.

8. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 93 du code général des impôts : " Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. (...) Les dépenses déductibles comprennent notamment : 1° Le loyer des locaux professionnels. Lorsque le contribuable est propriétaire de locaux affectés à l'exercice de sa profession, aucune déduction n'est apportée, de ce chef, au bénéfice imposable (...) ".

9. Quelle que soit la procédure d'imposition suivie à l'encontre du contribuable, il lui appartient de justifier que les sommes qu'il a déduites de son bénéfice non commercial ont constitué des dépenses nécessitées par l'exercice de sa profession.

10. D'autre part, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ".

11. En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve de l'existence et du montant des distributions ainsi que de leur appréhension par l'intéressé.

12. M. et Mme D... font valoir que l'appartement situé 14 rue Saint Guillaume, à Paris 7ème, qui constitue également le lieu de travail de M. D..., permettait à la société Michel D... Conseil de recevoir ses clients dans un cadre prestigieux, en accord avec l'objet et l'image de l'entreprise, au sein de locaux adaptés au niveau de confidentialité exigée par la nature et l'importance des affaires traitées. Il résulte toutefois de l'instruction que la société disposait, pendant la période vérifiée, de locaux situés 1 rue la Neva, à Paris 8ème, dont l'aménagement était propice à l'accueil de sa clientèle et qu'elle avait également pris en location trois bureaux supplémentaires à compter du 1er octobre 2010. Par ailleurs, les requérants n'ont produit aucun document susceptible d'établir que l'appartement en litige aurait été utilisé à des fins professionnelles au-delà des fractions respectives de 5 % et 10 % retenues par le service selon l'activité exercée. A cet égard, la circonstance alléguée que le montant des loyers pris en charge par la société n'est pas excessif au regard des prix pratiqués sur le marché pour des prestations similaires, est sans incidence sur l'appréciation portée par le service sur la nature de l'occupation de l'appartement. Ainsi, en l'absence de tout justificatif probant de la répartition opérée entre l'utilisation professionnelle et l'utilisation privative de cet appartement, M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a procédé aux rectifications en litige.

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

13. Si les requérants se prévalent, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de l'instruction du 24 avril 2009 référencée BOI-4-C-5-09 n° 15, celles-ci ne comportent pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. Par suite, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge de la requête de M. et Mme D... à concurrence des dégrèvements prononcés par l'administration.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme D... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal Île-de-France Ouest.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme C..., président-assesseur,

- M. Doré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 novembre 2019.

Le rapporteur,

V. C...Le président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 18PA01113


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01113
Date de la décision : 07/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Valérie POUPINEAU
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : MAGNAN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-07;18pa01113 ?
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