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24/10/2019 | FRANCE | N°19PA00676

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 24 octobre 2019, 19PA00676


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2018 par lequel le préfet de police a prononcé sa remise aux autorités bulgares.

Par un jugement n° 1818422/8 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 février 2019 au greffe de la cour, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 janvier 2019 ; >
2°) d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2018 par laquelle le préfet de police a prononcé sa remise aux aut...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2018 par lequel le préfet de police a prononcé sa remise aux autorités bulgares.

Par un jugement n° 1818422/8 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 février 2019 au greffe de la cour, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 janvier 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2018 par laquelle le préfet de police a prononcé sa remise aux autorités bulgares ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile dans le délai de huit jours et lui remettre une attestation de dépôt en procédure normale dans un délai de 72h à compter de la date de la notification du présent arrêt.

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil,

Me A... B..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnait les articles 3, 5 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux ;

- son transfert en Bulgarie, où il ne bénéficiera pas de garanties suffisantes, et un renvoi en Afghanistan l'exposent à des traitements inhumains et dégradants prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mars 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.

Les parties ont été informées le 18 juillet 2019, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer, l'arrêté étant devenu caduc à l'expiration du délai de six mois prévu pour la remise.

Par un mémoire enregistré le 1er aout 2019, le préfet de police a conclu au rejet de la requête.

Il soutient :

- en réponse au moyen d'ordre public que le délai de six mois dans lequel l'arrêté de transfert doit être exécuté a été porté à dix-huit mois du fait, en l'espèce, de l'état de fuite de l'intéressé au sens des dispositions de l'article 29.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... E..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1992, relève appel du jugement du 10 janvier 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 octobre 2018 par laquelle le préfet de police a décidé sa remise aux autorités bulgares.

2. Avant l'expiration du délai de six mois imparti pour procéder à la réadmission, le préfet de police a, en application des dispositions de l'article 29 du règlement (UE)

n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, notifié aux autorités bulgares le 13 juin 2019 l'extension à dix-huit mois du délai de réadmission, l'intéressé étant selon lui en situation de fuite. La situation de fuite n'a pas été contestée par M. E... à qui la réponse du préfet de police au moyen d'ordre public soulevé par la Cour a été communiquée. La requête n'est donc pas privée d'objet.

3. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque: (...) b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien a lieu dans les conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national.

6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que l'entretien individuel pour lequel M. E... avait été régulièrement convoqué a été conduit par un agent du 12ème bureau de la préfecture de police, lequel a compétence pour le traitement des demandes d'asile. L'entretien a donc été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national conformément aux dispositions du 5 de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 cité au point précédent. Si

M. E... reproche au résumé de l'entretien individuel de ne pas mentionner le nom de l'agent instructeur, une telle obligation n'est nullement prévue par l'article 5 du règlement n° 604/2013. Le moyen tiré de ce que la procédure aurait été de ce fait irrégulière et qu'il aurait été privé d'une garantie prévue à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de M. E... avant de prendre l'arrêté contesté.

6. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité ". L'article 3 de ce règlement dispose : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 de ce règlement, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Il en résulte que le préfet n'est pas tenu de justifier, dans l'arrêté en litige, des raisons pour lesquelles il décide de ne pas en faire application.

7. M. E... fait valoir que, en cas de transfert vers la Bulgarie, il risque d'être renvoyé vers l'Afghanistan et qu'il encourt des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays. Toutefois, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Bulgarie et non dans son pays. En outre, la Bulgarie, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Or, M. E..., qui se borne à faire valoir la dureté des conditions d'accueil des réfugiés en Bulgarie et les craintes que sa demande d'asile ne soit pas examinée avec bienveillance par les instances compétentes de ce pays, ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Bulgarie dans la procédure d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire application des dispositions dérogatoires mentionnées à l'article 17 du règlement doit être écarté.

8. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

9. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités bulgares, alors même que la demande d'asile de M. E... aurait été définitivement rejetée, ce qui ne ressort pas des pièces du dossier, n'évalueraient pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auquel il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Par ailleurs, les allégations selon lesquelles il serait exposé à de mauvais traitements en Bulgarie, qui présentent un caractère général, ne sont assorties d'aucun élément probant. M. E... n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet aurait en l'espèce méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegardes des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou encore les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, y compris par voie de conséquence ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles de son conseil, présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SELARL LFMA, présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E..., à la SELARL LFMA, et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. D..., premier vice-président,

- M. C..., président assesseur,

- Mme Mornet, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 24 octobre 2019.

Le rapporteur,

Ch. C...Le président,

M. D...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N° 19PA00676


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00676
Date de la décision : 24/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SELARL LFMA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-24;19pa00676 ?
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