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12/07/2019 | FRANCE | N°17PA01510

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 12 juillet 2019, 17PA01510


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Léon Grosse Electricité (LGE) a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Thiais à lui verser la somme de 270 710,50 euros toutes taxes comprises (TTC), assortie des intérêts de retard à compter du 15 avril 2013 et la capitalisation de ces intérêts à compter du 15 avril 2014 en réparation des préjudices résultant pour elle de l'exécution du lot n° 9 du marché de travaux publics conclu avec la commune pour la construction du groupe scolaire Romain Gary.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Léon Grosse Electricité (LGE) a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Thiais à lui verser la somme de 270 710,50 euros toutes taxes comprises (TTC), assortie des intérêts de retard à compter du 15 avril 2013 et la capitalisation de ces intérêts à compter du 15 avril 2014 en réparation des préjudices résultant pour elle de l'exécution du lot n° 9 du marché de travaux publics conclu avec la commune pour la construction du groupe scolaire Romain Gary.

Par un jugement n° 1407858 du 21 février 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour

Par une requête enregistrée le 3 mai 2017 et deux mémoires récapitulatifs enregistrés les 11 février 2019 et 4 mars 2019, la société LGE représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 février 2017 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de condamner la ville de Thiais à lui verser la somme de 270 710,50 euros, augmentée des intérêts moratoires à compter du 15 avril 2013 avec capitalisation des intérêts à compter du 15 avril 2014 ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Thiais la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a insuffisamment motivé le rejet de ses demandes d'indemnisations au titre de l'augmentation des frais de logistique et de stockage et au titre des frais de dossier ;

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a omis de répondre au moyen tiré du bouleversement de l'économie du contrat ;

- la commune de Thiais a omis d'utiliser les prérogatives qu'elle tient du marché alors qu'elle était parfaitement informée des dysfonctionnements et de la désorganisation du chantier ; elle n'a pas pris de mesure coercitive à l'égard du titulaire du lot n° 4 malgré les demandes répétées de la société LGE, en particulier l'application de pénalités de retard ; elle s'est ainsi rendue responsable d'une carence fautive dans le cadre de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, sans pouvoir être exonérée par la circonstance qu'une maîtrise d'oeuvre assurait pour son compte des missions de direction de l'exécution du contrat de travaux ;

- la commune de Thiais a commis une faute dans l'élaboration des documents contractuels, notamment en faisant le choix d'une division en 20 lots et d'un calendrier d'exécution des travaux trop court ;

- le lot n° 9 a connu un bouleversement important puisqu'il a subi huit mois de retard, soit un allongement de 40 % de la durée initiale du marché et que le montant de ses préjudices s'élève au quart du montant du marché initial ;

- ses préjudices comprennent pendant la durée supplémentaire des travaux le coût des personnels d'encadrement d'affaires et d'encadrement du chantier, les coûts supplémentaires de logistique et de stockage, la perte de productivité de l'équipe, la perte d'industrie liée à la mobilisation de l'encadrement, les coûts supplémentaires de compte prorata et les frais annexes.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 26 février 2018 et le 15 février 2019, la commune de Thiais, représentée par la SCP Sur - Mauvenu et associés, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Léon Grosse Electricité à lui verser la somme de 15 000 euros majorée de la taxe sur la valeur ajoutée applicable au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la société LGE et Me C... pour la commune de Thiais.

Une note en délibéré présentée pour la société LGE a été enregistrée le 2 juillet 2019.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Thiais a confié à la société Léon Grosse Electricité (LGE), pour un montant de 956 683,61 euros TTC, le lot n° 9 " Electricité Courants forts et courants faibles " d'un marché de travaux publics conclu le 29 janvier 2010 pour la réalisation d'un équipement scolaire " Romain Gary " composé d'une école maternelle, une école élémentaire, un gymnase et une halte garderie. L'ordre de service notifié le 31 mai 2010 concernait la période de préparation de deux mois du 1er juin au 31 juillet 2010 et le second ordre de service du 26 juillet 2010 portait " démarrage du chantier " et comportait un délai d'exécution de 16 mois s'étendant du

1er août 2010 au 30 novembre 2011. La réception des travaux a été prononcée avec réserve le

8 août 2012 avec effet au 31 juillet 2012. Le 14 novembre 2012, la société LGE a adressé au maître d'oeuvre son décompte final pour un montant de 1 168 375,11 euros TTC, comprenant une demande de rémunération complémentaire de 210 097,80 euros TTC. Le maître de l'ouvrage lui a notifié le décompte général le 27 novembre 2012 pour un montant de 956 683,53 euros TTC. La société LGE a présenté un mémoire en réclamation le 7 janvier 2013 pour un montant de 232 114,039 euros TTC, puis a saisi le comité consultatif interrégional de Paris de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics le 8 août 2013, qui, par un avis du 18 juin 2014, a considéré que la commune de Thiais devait verser la somme de 117 457,46 euros TTC à la société LGE. Cette dernière a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande de condamnation de la commune de Thiais à lui verser la somme de 270 710,50 euros TTC, assortie des intérêts de retard à compter du 15 avril 2013 et capitalisation à compter du 15 avril 2014. Elle relève appel du jugement du 21 février 2017 par lequel le tribunal a rejeté sa requête.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La société LGE soutient, d'une part, que le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a insuffisamment motivé le rejet de ses demandes d'indemnisations au titre de l'augmentation des frais de logistique et de stockage et au titre des frais de dossier dès lors qu'il n'a pas indiqué les motifs précis qui l'ont conduit à conclure à l'absence de lien de causalité entre les frais exposés par la société et la faute de la commune qu'il retenait. Il ressort, toutefois, des termes du jugement que les premiers juges ont estimé que la requérante n'apportait aucun élément de nature à justifier l'existence d'un préjudice lié au coût de stockage de matériel et de quincaillerie et qu'en ce qui concerne l'élaboration du dossier, elle ne démontrait pas l'existence d'un lien de causalité direct d'un tel préjudice avec l'allongement de la durée d'exécution des travaux. Par suite, contrairement à ce que soutient l'appelante, le jugement est suffisamment motivé sur ces deux points.

3. La société LGE soutient, d'autre part, que le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a omis de répondre au moyen tiré du bouleversement de l'économie du contrat. Toutefois, dès lors que les premiers juges ont retenu la responsabilité fautive de la commune de Thiais dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, ils n'étaient pas tenus de se prononcer sur la condition alternative, ouvrant droit à être indemnisée pour toute entreprise titulaire d'un marché à forfait rencontrant des difficultés, tirée de sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat. Par suite, le jugement n'est pas entaché d'une omission de statuer sur un moyen.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

5. Si la société requérante soutient, d'une part, que la commune de Thiais a commis une faute dans l'élaboration des documents contractuels, en particulier dans le choix d'une division en 20 lots et d'un calendrier d'exécution des travaux trop court, il résulte de l'instruction que l'allotissement du marché en litige en 20 lots, correspondait à des prestations distinctes et techniquement cohérentes, et que le délai initialement prévu de dix-huit mois, dont un mois de préparation, ne semblait pas irréaliste et n'avait pas appelé de remarques de sa part à la signature du marché. Dans ces conditions, il n'est pas établi que les préjudices invoqués par la société LGE seraient en lien avec une faute de la commune de Thiais dans l'estimation de ses besoins ou la conception du marché.

6. La société LGE soutient, d'autre part, que le maître de l'ouvrage a commis une faute dans la mise en oeuvre de son pouvoir de direction et de coordination du chantier, responsable d'une prolongation de sept mois du délai d'exécution du lot n° 9, originellement prévu du 1er août 2010 au 30 novembre 2011 mais retardé jusqu'en juin 2012. Il résulte de l'instruction que la commune a fait appel pour l'assister à la société JP Lott, maître d'oeuvre chargé de diriger et de contrôler l'exécution des travaux, lequel a chargé la société JLG Conseil, de l'ordonnancement, du pilotage et de la coordination (OPC) du chantier. Il résulte également de l'instruction que l'allongement de la durée totale du chantier est la conséquence de la survenue d'intempéries représentant 46,5 jours ouvrés durant l'hiver 2010, lesquelles ont retardé la réalisation du

gros-oeuvre, d'un retard d'exécution de cinq mois de ses prestations imputable au titulaire du lot n° 4 " menuiseries extérieures " et d'un défaut de pilotage et de coordination du marché relevant des missions du maître d'oeuvre et de son sous-traitant. Il est par ailleurs constant que la commune de Thiais n'avait pas de rapport contractuel avec la société JLG Conseil, sous-traitante de la société Jean Pierre Lott Architect. Par ailleurs, si la société requérante invoque une inertie de la ville à remédier aux défaillances de la mission OPC, il résulte du courrier du 1er mars 2012 que la ville de Thiais est intervenue à travers son maître d'oeuvre pour qu'il mette fin au contrat de sous-traitance qui le liait à la société JLG Conseil. Il résulte également d'un courrier du

5 novembre 2014 de cette dernière que son représentant, tout en mettant en cause le représentant de la ville de Thiais, indique que ce dernier lui " imposait d'intervenir auprès des autres entreprises pour qu'elles respectent un calendrier de travaux irréalisable tant que l'entreprise Mario n'intervenait pas pour mettre le bâtiment hors d'eau et hors d'air ". Si la société LGE soutient en outre qu'il revenait au maître d'ouvrage d'user des prérogatives qu'il tient du marché et de prendre des mesures coercitives à l'égard du titulaire du lot n° 4, en particulier l'application de pénalités de retard, elle n'établit pas en quoi ces mesures auraient été de nature à réduire le retard de ce prestataire ni que ce dernier aurait considéré que la ville de Thiais renoncerait à lui infliger de telles pénalités en fin de contrat alors que par courriers du 5 octobre 2010 et

7 octobre 2010 du maître d'oeuvre, il lui avait été indiqué que des pénalités de retard lui seraient appliquées en cas de non-respect de ses obligations.

7. Il résulte de ce qui précède que la société LGE n'est pas fondée à invoquer une faute de la part de la ville de Thiais à l'origine des préjudices dont elle se prévaut.

8. Si la société LGE fait également valoir que le lot n° 9 a connu un bouleversement important puisqu'il a subi huit mois de retard, soit un allongement de 40 % de la durée initiale du marché, elle n'invoque pas l'existence de sujétions imprévues à l'origine de ce bouleversement.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société LGE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Thiais qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, verse à la société LGE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Thiais sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société LGE est rejetée.

Article 2 : La société LGE versera à la commune de Thiais une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Léon Grosse Electricité et à la commune de Thiais.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Julliard, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 juillet 2019.

La rapporteure,

M. JULLIARDLa présidente,

M. HEERSLa greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 17PA01510 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-02-005 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité du maître de l'ouvrage et des constructeurs à l'égard des tiers. Responsabilité du maître de l'ouvrage.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : CGCB ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 12/07/2019
Date de l'import : 20/07/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17PA01510
Numéro NOR : CETATEXT000038784434 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-12;17pa01510 ?
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