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04/07/2019 | FRANCE | N°19PA00977

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 04 juillet 2019, 19PA00977


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2018 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1818476/6-2 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 mars 2019, M

.C..., représenté par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1818476/6-2 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2018 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1818476/6-2 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 mars 2019, M.C..., représenté par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1818476/6-2 du tribunal administratif de Paris du 7 février 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 27 juillet 2018 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la fin de non-recevoir opposée en première instance par le préfet de police tirée de la tardiveté de sa requête n'est pas fondée ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure en raison de l'irrégularité de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ; le préfet de police se réfère, dans sa décision, à un avis en date du 29 janvier 2018 alors que l'avis qui lui a été communiqué par l'OFII est daté du 31 janvier 2018 ; le rapport du médecin sur la base duquel a été rendu cet avis est entaché de plusieurs erreurs de fait sur sa situation qui n'ont pas permis au collège de se prononcer en connaissance de cause sur sa situation et sur la disponibilité d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; les articles R. 313-22 à R. 313-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont ainsi été méconnus ;

- la différence de dates des avis du collège de médecins de l'OFII ne permet pas à la Cour d'exercer son contrôle sur la régularité de la procédure suivie ;

- la décision contestée méconnaît l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 dès lors qu'il ne résulte pas des pièces communiquées que le collège aurait délibéré de façon collégiale ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de plus de dix ans de présence sur le territoire français à la date de l'arrêté contesté et que par conséquent le préfet était tenu de saisir pour avis la commission du titre de séjour ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen complet de sa situation personnelle, le préfet n'ayant pas examiné s'il pouvait prétendre à un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne pourra pas bénéficier de façon effective d'un traitement approprié à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il a transféré en France l'ensemble de ses intérêts familiaux, privés et professionnels ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme Larsonnier a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., ressortissant malien, né le 10 mars 1990, entré en France le 1er avril 2006, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du

27 juillet 2018, le préfet de police a rejeté sa demande et a assorti ce rejet d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 7 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de police en première instance :

2. Il ressort du pli recommandé avec accusé de réception versé au dossier par le préfet de police que l'arrêté contesté du 27 juillet 2018 a été notifié à M. C...au n° 42 de la rue Daviel à Paris (75013) chez M.A..., soit à l'adresse indiquée sur la fiche de salle remplie par l'intéressé le 14 mars 2018. Ce pli, qui précise que son destinataire a été avisé le 1er août 2018, a été retourné aux services de la préfecture de police revêtu de la mention " pli avisé et non réclamé ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé avait informé l'administration qu'il était désormais domicilié..., cette dernière adresse étant mentionnée par les services de la préfecture sur le récépissé de sa demande de carte de séjour délivrée le 14 juin 2018. Dans ces conditions, l'arrêté contesté doit être regardé comme ayant été irrégulièrement notifié. Par suite, la demande de M. C...enregistrée le 18 octobre 2018 au greffe du tribunal administratif de Paris n'était pas tardive.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".

4. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./ L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ".

5. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313 22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M.C..., de nationalité malienne, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour rejeter sa demande, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, cet avis produit par le préfet devant le tribunal portant la date du 29 janvier 2018, précisant que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Toutefois, à la demande du conseil de M.C..., l'OFII a communiqué à l'intéressé le rapport médical établi par le médecin de l'OFII ainsi que l'avis du collège de médecins de l'OFII rendu sur son dossier, lequel porte la date du 31 janvier 2018. Il ressort de ces pièces versées au dossier que le rapport médical établi par le médecin de l'OFII mentionne que M. C...est de nationalité ivoirienne alors qu'il est constant qu'il possède la nationalité malienne. En se fondant sur ce rapport médical dont la mention du pays d'origine de M. C...est erronée et alors que l'avis rendu le 31 janvier 2018 n'indique pas la nationalité de l'intéressé ou son pays d'origine, le collège de médecins de l'OFII ne peut être regardé comme s'étant valablement prononcé sur la disponibilité d'un traitement approprié à l'état de santé du requérant au Mali. Au surplus l'avis sur lequel le préfet de police s'est fondé et qu'il a produit, bien que comportant le même numéro de dossier que l'avis du 31 janvier 2018 précité, est quant à lui daté, ainsi qu'il a été dit, du 29 janvier 2018. Dans ces conditions, M. C...est fondé à soutenir que la décision du préfet de police refusant le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière. Ce vice de procédure a privé l'intéressé d'une garantie et, au surplus, a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision du préfet de police. Il s'ensuit que la décision du préfet de police refusant de renouveler le titre de séjour de M. C...doit être annulée. Il en est de même, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination, qui sont ainsi dépourvues de base légale.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt, par lequel la cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M.C..., n'implique cependant pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions de M. C...tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées. Par conséquent, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa demande après que le collège des médecins de l'OFII ait rendu un nouvel avis sur l'état de santé de M.C..., dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, et de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour pendant ce réexamen, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance exposés par M.C....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1818476/6-2 du 7 février 2019 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 27 juillet 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M.C..., après que le collège des médecins de l'OFII ait rendu un nouvel avis sur son état de santé, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, et de délivrer à M. C...une autorisation provisoire de séjour pendant ce réexamen.

Article 3 : L'Etat versera à M. C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

- Mme Guilloteau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2019.

Le rapporteur,

V. LARSONNIERLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

C. POVSELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA00977


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00977
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : STAMBOULI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-04;19pa00977 ?
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