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04/07/2019 | FRANCE | N°18PA02771

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 04 juillet 2019, 18PA02771


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 10 août 2018, le Syndicat national des praticiens de mutualité agricole (SNMPA), représenté par la SCP Piwnica et Molinié, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 juin 2018 par lequel la ministre du travail a fixé la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective de travail du personnel de la mutualité sociale agricole (n° 7502), la convention collective des agents de direction de la mutualité sociale agricole et la convention collective de travail des p

raticiens de la mutualité sociale agricole ;

2°) de mettre à la charge de ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 10 août 2018, le Syndicat national des praticiens de mutualité agricole (SNMPA), représenté par la SCP Piwnica et Molinié, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 juin 2018 par lequel la ministre du travail a fixé la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective de travail du personnel de la mutualité sociale agricole (n° 7502), la convention collective des agents de direction de la mutualité sociale agricole et la convention collective de travail des praticiens de la mutualité sociale agricole ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'auteur de l'acte était incompétent, faute de délégation de signature ;

- l'arrêté en litige est entaché d'erreur de droit dans la mesure où il fixe la liste des organisations syndicales reconnues représentatives pour trois conventions collectives distinctes et non par branche, conformément à ce qu'exige l'article L. 2122-11 du code du travail ;

- il procède ainsi à une fusion irrégulière de conventions collectives, en dehors du cadre défini par l'article L. 2261-32 du code du travail ;

- la mesure de l'audience des organisations syndicales à partir des résultats de vote de l'ensemble des collèges électoraux, réunissant des personnels cadres et non cadres, ne permet pas d'apprécier leur représentativité à l'égard des praticiens-conseils, qui ne pouvait légalement s'apprécier qu'au regard des résultats de vote d'un collège spécifique ou au travers d'une enquête de représentativité sur le fondement de l'article L. 2121-2 du code du travail ;

- à supposer que la convention collective des praticiens de la mutualité sociale agricole ne constitue pas une branche au sens de l'article L. 2122-11 du code du travail, l'arrêté en litige serait alors entaché d'incompétence dès lors qu'il intervient dans une convention collective qui ne peut être regardée comme une branche au sens de l'article L. 2122-5 du même code, faute de dispositions permettant de mesurer l'audience des organisations syndicales susceptibles de représenter les praticiens-conseils de la mutualité sociale agricole ;

- l'arrêté en litige porte atteinte à la liberté syndicale et au droit de participation des praticiens-conseils à la détermination collective de leurs conditions de travail, garantis par les sixième et huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 et procède d'une rupture d'égalité de traitement par rapport aux praticiens-conseils du régime général de la sécurité sociale, qui bénéficient d'un arrêté fixant spécifiquement la liste des organisations syndicales reconnues représentatives à leur égard.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2019, la ministre du travail s'en remet à la sagesse du juge.

La requête a été communiquée à la Confédération générale du travail, à la Confédération française démocratique du travail, à la Confédération générale du travail-Force ouvrière, à l'Union nationale des syndicats autonomes et à la Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres, qui n'ont pas produit d'observations.

Par ordonnance du 18 avril 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 9 mai 2019.

Par un courrier en date du 9 mai 2019, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 8 juin 2018 en tant qu'il porte sur la convention collective de travail du personnel de la MSA et sur la convention collective des agents de direction de la MSA, faute d'intérêt à agir.

La ministre du travail a présenté le 14 juin 2019 un nouveau mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guilloteau,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations Me A...de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du SNPMA.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté en date du 8 juin 2018, la ministre du travail a fixé la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective de travail du personnel de la mutualité sociale agricole (n° 7502), la convention collective des agents de direction de la mutualité sociale agricole et la convention collective de travail des praticiens de la mutualité sociale agricole et a déterminé leur poids respectif pour l'application de l'article L. 2232-6 du code du travail. Par la présente requête, le syndicat national des praticiens de la mutualité agricole (SNPMA) demande l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité des conclusions de la requête :

2. Le SNPMA s'est notamment donné pour objet, aux termes de l'article 5 de ses statuts, de " représenter dans l'entreprise, la branche professionnelle et au niveau inter-professionnel les praticiens de mutualité sociale agricole ", qui peuvent seuls avoir la qualité d'adhérent. Le syndicat requérant présente ainsi un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de l'arrêté en litige en tant qu'il est relatif aux organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective de travail des praticiens de la mutualité sociale agricole.

3. En revanche, le syndicat requérant n'indique pas en quoi l'arrêté en litige, en tant qu'il est relatif aux organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective de travail du personnel de la mutualité sociale agricole et la convention collective des agents de direction de la mutualité sociale agricole, porterait atteinte aux intérêts collectifs qu'il a vocation à défendre. Par suite, les conclusions de la requête dirigées tendant à l'annulation de l'arrêté du

8 juin 2018 en tant qu'il est relatif à ces deux conventions doivent être rejetées comme irrecevables, faute d'un intérêt donnant qualité pour agir.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 2122-5 du code du travail : " Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations syndicales qui : / 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121 1 ; / 2° Disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ; / 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la branche, d'une part, des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, et, d'autre part, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans. ". L'article L. 2122-11 du code du travail prévoit que le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives en vertu de ces dispositions.

5. L'existence de la convention collective de travail des praticiens de la mutualité sociale agricole, qui régit une catégorie particulière de salariés dans l'ensemble du champ professionnel des organismes de mutualité sociale agricole, résulte des dispositions de l'article L. 123-1 du code de la sécurité sociale, aux termes desquelles : " En ce qui concerne le personnel autre que les agents de direction et les agents comptables, les conditions de travail du personnel des organismes de sécurité sociale, de leurs unions ou fédérations, de leurs établissements et oeuvres sociales sont fixées par conventions collectives de travail (...) Toutefois, les dispositions de ces conventions ne deviennent applicables qu'après avoir reçu l'agrément de l'autorité compétente de l'Etat. " ainsi que de celles du cinquième alinéa de l'article D. 723-147 du code rural et de la pêche maritime, aux termes desquelles : " Les conditions d'emploi des praticiens-conseils et des médecins-conseils chefs de service sont fixées, sous réserve des dispositions du présent paragraphe, par une convention collective nationale. Cette convention n'entre en vigueur qu'après avoir reçu l'agrément du ministre chargé de l'agriculture ".

6. Les articles L. 2314-8, L. 2314-10, L. 2324-11 et L. 2324-12 du code du travail en vigueur durant le cycle électoral de quatre ans au terme duquel a été adopté l'arrêté en litige disposent, s'agissant des délégués et des représentants du personnel que, sauf convention ou accord collectif signé par toutes les organisations syndicales représentatives, ils sont élus, d'une part, par un collège comprenant les ouvriers et employés et, d'autre part, par un collège comprenant les ingénieurs, chefs de service, techniciens, agents de maîtrise et assimilés.

7. En l'absence, par suite, de dispositions permettant de mesurer, dans le champ d'application de la convention collective qui leur est légalement applicable, l'audience des différentes organisations syndicales susceptibles de représenter les praticiens de la mutualité sociale agricole, cette convention ne peut être regardée, au sens des dispositions de l'article L.2122-5 du même code, comme constituant une " branche " pour laquelle il appartient au ministre chargé du travail de fixer, par arrêté, la liste des organisations syndicales reconnues représentatives.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que l'arrêté du 8 juin 2018 doit être annulé en tant qu'il porte sur la convention collective de travail des praticiens de la mutualité sociale agricole.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le SNPMA et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 8 juin 2018 est annulé en tant qu'il porte sur la convention collective de travail des praticiens de la mutualité sociale agricole.

Article 2 : L'Etat versera au syndicat national des praticiens de la mutualité agricole une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat national des praticiens de la mutualité agricole (SNPMA), à la ministre du travail, à la Confédération française démocratique du travail, à la Confédération générale du travail, à la Confédération générale du travail-Force ouvrière, à l'Union nationale des syndicats autonomes et à la Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

- Mme Guilloteau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2019.

Le rapporteur,

L. GUILLOTEAULe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

C. POVSELa République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18PA02771


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02771
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-05-01 Travail et emploi. Syndicats. Représentativité.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Laëtitia GUILLOTEAU
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP PIWNICA-MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-04;18pa02771 ?
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