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25/06/2019 | FRANCE | N°18PA02113

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 25 juin 2019, 18PA02113


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. L... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 24 février 2017 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité territoriale du Val-de-Marne a autorisé son licenciement.

Par un jugement n°1702940 du 8 juin 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juin 2018, M. A..., représenté par la SELAS Dadi Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tr

ibunal administratif de Melun du 8 juin 2018 ;

2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. L... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 24 février 2017 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité territoriale du Val-de-Marne a autorisé son licenciement.

Par un jugement n°1702940 du 8 juin 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juin 2018, M. A..., représenté par la SELAS Dadi Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 8 juin 2018 ;

2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 24 février 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Franprix Leader Price la somme de 2 000 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de l'inspecteur du travail qui ne mentionne ni le nom des plaignantes, ni les propos retenus contre lui, ni la date à laquelle ils auraient été prononcés est insuffisamment motivée ;

- l'administration ne justifie pas l'avoir convoqué à l'entretien contradictoire ni l'avoir mis à même de connaitre des éléments à charge ;

- il a ignoré la totalité des faits qui lui étaient reprochés, dont certains n'ont été mentionnés qu'après l'entretien préalable à la mise à pied conservatoire, jusqu'à ce qu'il reçoive sa lettre de licenciement ;

- l'employeur l'a licencié pour des faits postérieurs à l'entretien préalable ;

- la demande de l'employeur était imprécise ;

- si on peut lui reprocher un humour potache, les faits ne présentaient pas le caractère d'une faute d'une gravité suffisante pour que le licenciement soit autorisé.

Par un mémoire enregistré le 20 mars 2019, la société Franprix Leader Price, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de

M. A... la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision est suffisamment motivée ;

- l'administration a produit en première instance les convocations adressées à M. A... ;

- la date approximative des faits figurait dans le dossier ;

- les écarts de comportement sont répétés et la demande n'est pas fondée sur des faits nouveaux ;

- son comportement, confirmé par des courriels, a dépassé les limites de l'admissible.

Le ministre du travail, à qui la requête a été communiquée le 7 aout 2018, n'a pas produit de mémoire.

La clôture de l'instruction est intervenue le 6 mai 2019.

La cour a pris connaissance du mémoire, présenté pour M. A... par la SCP d'avocats Evodroit, reçu le 17 mai 2019, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F...,

- les conclusions de M. Delamarre, rapporteur public,

- les observations de Me J..., représentant M. A..., et de Me D..., représentant la société Franprix.

Une note en délibéré présentée pour M. A... a été enregistrée le 13 juin 2019.

Une note en délibéré présentée pour la société Franprix Leader Price a été enregistrée le 13 juin 2019.

Considérant ce qui suit :

1. M. L... A..., responsable de l'équipe de comptabilité fournisseurs au sein du groupe Leader Price, a exercé les mandats de délégué syndical, de représentant syndical et de membre du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail. Par décision du 13 février 2017, l'inspecteur du travail de l'unité territoriale du Val-de-Marne a autorisé son employeur à le licencier. M. A... relève appel du jugement du 8 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Par décision n° 2016-0110 du 20 septembre 2016, publiée le 23 septembre 2016 au recueil des actes administratif spécial de la préfecture de région Ile-de-France, Mme I... K..., directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a donné délégation à M. C... E..., responsable de l'unité départementale du Val-de-Marne, pour nommer les responsables des unités de contrôle et les habiliter à prendre les décisions qui relèvent de la compétence exclusive de l'inspecteur du travail. Par arrêté n° 2017-26 du 3 janvier 2017, publié au recueil n°1-2017 des actes administratifs de la préfecture du Val-de-Marne, M. E..., a habilité M. B... H..., inspecteur du travail chargé du contrôle des établissements de 50 salariés et plus, à prendre les décisions relevant de la compétence exclusive de l'inspecteur du travail en vertu de dispositions législatives ou règlementaires. M. H... avait donc compétence pour prendre la décision contestée.

3. La décision contestée vise les textes dont elle fait application. Elle retient que

M. A... a tenu à l'encontre de trois salariées des propos à connotation sexuelle, que la faute avérée est d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, que des faits similaires avaient donné lieu à une mise à pied disciplinaire en avril 2016 et qu'il n'existait pas de lien entre la demande de licenciement et les mandats détenus. Dès lors que les faits relevés, qui avaient été examinés dans le cadre de l'enquête préalable étaient parfaitement connus de M. A..., l'inspecteur du travail n'était pas tenu de reproduire les propos incriminés, en l'occurrence particulièrement grossiers, ni de préciser le nom des employées qu'ils visaient, ni les dates auxquelles ces propos auraient été tenus. La motivation, qui est parfaitement intelligible, était en l'espèce suffisante.

4. L'administration a produit en première instance la lettre du 31 janvier 2017, reçue par l'intéressé le 6 février 2017, par laquelle elle convoquait M. A... à l'enquête contradictoire qui s'est tenue dans les locaux de l'entreprise le 13 février 2017. Cette lettre comportait une copie de la demande d'autorisation adressée par l'employeur, qui était suffisamment précise, et indiquait que les documents joints à cette demande seraient consultables lors de l'enquête. Ces précisions ne faisaient pas obstacle à ce que M. A..., qui au demeurant avait pris connaissance des faits qui lui étaient imputés lors de la procédure préalable au licenciement, sollicite de l'inspecteur du travail une communication préalable de l'ensemble des pièces pour se préparer à l'entretien. Le moyen tiré de ce que la procédure n'aurait pas été contradictoire manque en fait.

5. M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été tenu dans l'ignorance jusqu'à son licenciement des faits qui lui étaient reprochés dès lors que les témoignages en sa faveur qu'il a produits sont datés des 31 janvier et 2 février 2017, soit avant même qu'il ait été convoqué par l'inspecteur du travail pour l'enquête préalable.

6. Il ressort des pièces du dossier que la direction de la société Franprix Leader Price Direction et Supports a été informée le 5 décembre 2016 par plusieurs employées que M. A... avait tenu à leur encontre des propos grossiers à caractère sexuel et qu'il avait eu une attitude déplacée. Elle a convoqué le 15 décembre 2016 M. A... pour un entretien qui a eu lieu le

23 décembre 2016, destiné à lui permettre de s'expliquer sur ces faits. La direction, qui avait entretemps recueilli les plaintes écrites des salariées concernées, a notifié à M. A... une mise à pied à titre conservatoire le 16 janvier 2017. Convoqué le 19 janvier 2017, le comité d'entreprise a émis un avis favorable au licenciement le 24 janvier 2017. Le 25 janvier 2017, l'employeur a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette demande aurait été formée pour des faits survenus postérieurement à l'entretien préalable, les témoignages écrits adressés à l'inspection du travail se rapportant aux faits qui avaient justifié l'entretien du 16 décembre 2016. La procédure suivie par l'employeur est donc régulière.

7. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

9. Il ressort notamment des témoignages produits que M. A... aurait tenu à l'encontre de trois des employées de son service, à plusieurs reprises, des propos grossiers et désobligeants à caractère fortement sexuel, qu'il n'y a pas lieu de citer textuellement dans le présent arrêt, et que son comportement déplacé créait un malaise persistant dans cette équipe très majoritairement féminine. Si les témoignages ne datent pas les faits avec une grande précision, il ressort des courriels échangés entre les employées qu'ils ont eu lieu à l'automne 2016 et que la direction en a été informée le 5 décembre 2016. Les faits ne sont pas sérieusement contestés par M. A... qui se borne à faire valoir que son humour potache avait été mal compris par les intéressées. Les témoignages produits par le requérant, qui soulignent ses mérites professionnels qui ne sont pas en cause, ne sont pas de nature à remettre en cause la matérialité des faits qui lui sont reprochés. Des incidents de même nature avaient au demeurant donné lieu à une mise à pied disciplinaire en avril 2016. Dans ces conditions, les faits étaient d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. A.... Il est constant qu'ils sont sans lien avec les mandats qu'il avait exercés.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. A... tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de la société Franprix Leader Price qui ne sont pas les parties qui succombent, les frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. A... la somme de 700 euros à verser à la société Franprix Leader Price Direction et Supports sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la société Franprix Leader Price Direction et Supports la somme de 700 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. L... A..., au ministre du travail et à la société Franprix Leader Price Direction et Supports.

Copie en sera adressée pour information au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile de France (unité territoriale du Val de Marne).

Délibéré après l'audience du 11 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. G..., premier vice-président,

- M. F..., président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 juin 2019.

Le rapporteur,

Ch. F...Le président,

M. G...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 18PA02113


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02113
Date de la décision : 25/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : EVODROIT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-25;18pa02113 ?
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