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13/06/2019 | FRANCE | N°17PA02659

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 13 juin 2019, 17PA02659


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Consortium Stade de France a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme de 7 450 000 euros hors taxes, augmentée des intérêts moratoires capitalisés à compter du 28 août 2015, en réparation du préjudice financier causé par les pertes d'exploitation du Stade de France dues aux conditions d'organisation de l'Euro 2016.

Par un jugement n° 1520501/4-3 du 1er juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédur

e devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Consortium Stade de France a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme de 7 450 000 euros hors taxes, augmentée des intérêts moratoires capitalisés à compter du 28 août 2015, en réparation du préjudice financier causé par les pertes d'exploitation du Stade de France dues aux conditions d'organisation de l'Euro 2016.

Par un jugement n° 1520501/4-3 du 1er juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet 2017 et

16 mars 2018, la société Consortium Stade de France représentée par Me B...C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1520501/4-3 du

1er juin 2017 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 7 450 000 euros HT augmentée des intérêts moratoires calculés à compter du 28 août 2015, ainsi que de la capitalisation de ces intérêts.

La société soutient que :

- la responsabilité contractuelle de l'Etat est engagée au titre des stipulations de l'article 25 du cahier des charges du contrat de concession du Stade de France, dès lors que le concédant a imposé au concessionnaire une modification unilatérale en mettant à sa charge des obligations non prévues par le contrat, consistant à restreindre son exploitation pendant une durée excessive de près de trois mois définie dans le cadre de l'organisation de l'Euro 2016 ;

- le préjudice est établi dès lors que l'accueil de l'Euro 2016 a empêché le Stade de France de mener ses activités permanentes pendant la période d'indisponibilité et d'organiser divers événements, dont l'accueil de la finale du championnat de rugby du Top 14, et le concessionnaire n'a pas entendu renoncer à une indemnisation des pertes causées par l'impossibilité d'organiser cet événement ;

- le Stade de France n'a pas pu accueillir deux concerts de Coldplay, ainsi que ceux de Céline Dion, AC/DC et Bruce Springsteen ;

- il ressort du rapport établi par les commissaires aux comptes de la société le

11 juillet 2016 et d'un rapport établi par un cabinet spécialisé le 28 juillet 2016, que le préjudice global doit être évalué à hauteur d'une somme de 7 450 000 euros.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les

20 octobre 2017 et 29 juin 2018, la société Euro 2016 SAS, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Consortium Stade de France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle admet que la responsabilité de l'Etat doit être reconnue mais que la réalité du préjudice n'est pas établie.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les

28 février 2018 et 30 avril 2019, l'Etat conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques,

- la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques,

- la loi n° 2011-617 du 1er juin 2011 relative à l'organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016,

- la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificatives pour 2014,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- les conclusions de MmeA...,

- les observations de Me C...pour la société Consortium Stade de France,

- et les observations de Me D...pour la société Euro 2016 SAS.

Considérant ce qui suit :

1. L'Etat a, le 29 avril 1995, conclu pour une durée de trente ans, avec la société Consortium Grand Stade, devenue société Consortium Stade de France, un contrat de concession pour le financement, la conception, la construction, l'entretien et l'exploitation du Grand Stade à Saint-Denis, devenu le Stade de France. La Fédération française de football (FFF) a, le

9 mars 2009, informé l'Union des associations européennes de football (UEFA) de la candidature de la France à l'accueil de l'Euro 2016. Suivant les règles fixées par l'UEFA, le dossier de candidature de la France devait inclure un contrat de stade " type ", à signer par la FFF en sa qualité d'association hôte et chaque propriétaire ou exploitant d'un stade ayant vocation à accueillir la compétition. L'Etat a, par une lettre du 2 février 2010, donné son accord à la signature du contrat de stade entre la FFF et la société Consortium du Stade de France. Ce contrat relatif à la mise à disposition du Stade de France, a été effectivement conclu entre la société requérante et la FFF, les 5 et 9 février 2010. La candidature de la France à l'accueil de l'Euro 2016 a finalement été retenue par l'UEFA, le 28 mai 2010. La société Consortium Stade de France a engagé des négociations avec la société Euro 2016 SAS, dont les actionnaires sont l'UEFA et la FFF, laquelle est chargée de l'organisation de la compétition et des événements associés, ainsi que de la promotion du tournoi, en vue d'obtenir la compensation des pertes d'exploitation du stade pendant la période d'indisponibilité définie par le contrat de stade. Ces négociations n'ayant pas abouti, la société Consortium Stade de France a, par une lettre du

17 avril 2014, demandé à l'Etat, en guise de compensation, différents aménagements du contrat de concession. Cette demande étant restée sans réponse, la société concessionnaire a, par lettre datée du 3 février 2015, demandé à l'Etat une indemnité correspondant aux pertes d'exploitation causées par la période d'indisponibilité du Stade de France, soit la somme de 7 550 000 euros. Cette demande a été rejetée le 22 avril 2015. Le concessionnaire et l'Etat ont alors engagé la procédure de conciliation prévue par le cahier des charges de la concession, qui n'a pu aboutir faute d'accord sur la désignation du conciliateur. La société Consortium Stade de France fait appel du jugement du 1er juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 7 450 000 euros hors taxes, assortis des intérêts moratoires à compter du 28 août 2015 et de leur capitalisation, en réparation du préjudice subi du fait des pertes d'exploitation causées par la période d'indisponibilité du stade de France pendant l'organisation et le déroulement de l'Euro 2016.

Sur la responsabilité de l'Etat :

2. Aux termes du préambule du contrat de concession conclu entre l'Etat en sa qualité d'autorité concédante, et la société Consortium du Stade de France en sa qualité de concessionnaire, le 29 avril 1995 : " "Manifestations Sportives Exceptionnelles" : / désignent les manifestations sportives exceptionnelles organisées au Grand Stade telles que les Jeux Olympiques, les Championnats du Monde et d'Europe d'Athlétisme, la Coupe du Monde de Football ou de Rugby etc., à l'exception de la Coupe du Monde de Football de 1998. ". Aux termes de l'article 1-1 du cahier des charges du contrat de concession : " (...) La vocation du Grand Stade est d'être le lieu d'accueil privilégié des grandes manifestations sportives. / Le Concessionnaire doit chercher à attirer dans le Grand Stade les plus grands événements et les grandes équipes, et à maximiser sa fréquentation, dans le respect de l'ensemble des engagements qu'il a souscrits (...) Le concessionnaire s'engage à : (...) - contribuer à faire participer le Grand Stade à l'animation urbaine du quartier, en organisant dans l'enceinte du Stade ou sur son parvis un nombre minimal de dix manifestations en moyenne par an, à l'exception des années au cours desquelles est organisée une Manifestation Sportive Exceptionnelle, en maintenant en service toute l'année certaines activités commerciales, et en favorisant l'installation ou l'organisation d'activités complémentaires permanentes ". L'article 17 de ce même cahier des charges stipule que : " Le Grand Stade doit accueillir, en priorité sur toute autre utilisation : / - les grandes manifestations organisées sous l'égide des Fédérations françaises de Football et de Rugby, et notamment la Coupe du Monde de Football de 1998, / (...) Lors de ces événements sportifs, le Grand Stade et ses équipements annexes nécessaires au déroulement de ces manifestations doivent être prioritairement affectés aux manifestations concernées, les activités annexes autorisées dans le Grand Stade ne devant pas faire obstacle à sa vocation première et essentielle. / En dehors de ces utilisations prioritaires, le Concessionnaire a le droit d'exploiter directement ou indirectement tout ou partie du Grand Stade et de ses équipements et installations pour d'autres objets (...) ". Aux termes de l'article 18 de ce même cahier des charges : " Le Concessionnaire doit planifier les événements suffisamment à l'avance afin de garantir au mieux le respect de l'ensemble des conditions prévues au présent Cahier des charges et Contrat de concession. / Le Concessionnaire s'engage à accueillir en priorité sur toute autre utilisation les grandes manifestations sportives visées à l'article 17. / L'accueil des manifestations sportives réservées est fait dans le respect des accords conclus ou à conclure entre le Concessionnaire et les fédérations sportives, le ou les clubs résidents, joints en annexe 7. / L'accueil des Manifestations Sportives Exceptionnelles fait l'objet de conventions spécifiques conclues en accord avec le Concédant. ".

3. L'article 25 du cahier des charges du contrat de concession prévoit que : " Le Concédant, dans l'intérêt public, dispose à tout moment du droit d'imposer au Concessionnaire de nouvelles obligations ou restrictions d'exploitation au titre de la Concession ou de modifier les obligations relatives à l'exploitation qui pèsent sur le Concessionnaire afin d'assurer le meilleur service public. / Si ces obligations ou restrictions sont de nature à entraîner des pertes de recettes ou des surcoûts non compensés par des économies ou des recettes supplémentaires avérées, le Concédant prend en charge les conséquences financières en résultant en versant au Concessionnaire une indemnité correspondant au préjudice subi. / En cas de désaccord sur le montant de l'indemnité, les dispositions de l'article 54 ci-après s'appliquent. ". Il ressort de ces stipulations que l'Etat concédant ne prend à sa charge les pertes financières résultant des obligations ou restrictions qu'il impose à son concessionnaire, qu'à la condition que ces obligations ou restrictions soient faites dans l'intérêt public et qu'elles ne figurent pas au contrat initial.

4. Enfin, l'article 4.16 du contrat de stade conclu entre la société Consortium Stade de France et la FFF les 5 et 9 février 2010 stipule que : " Le Propriétaire du Stade devra s'assurer qu'aucun événement ne se déroule sur le terrain (à l'exception de matches de football) deux (2) mois avant le début de I'UEFA EURO 2016. ". Son article 4.20 prévoit que : " Le propriétaire du Stade devra s'assurer qu'aucun match de football ou autre événement ou activité ne se déroule dans le Stade pendant la Période de disponibilité (à l'exception des matches, événements ou activités organisés par I'UEFA en relation avec I'UEFA EURO 2016). ". Aux termes de son article 4.22 : " Le Propriétaire du Stade s'engage à garantir que l'intégralité du Stade, y compris les terrains et installations, sera sous le contrôle exclusif de I'UEFA pendant la Période d'exclusivité, sauf accord contraire approuvé par l'UEFA. ". Il résulte de ces stipulations que seuls des matchs de football pouvaient être accueillis dans le Stade de France pendant la période comprise entre le 10 avril et le 10 mai 2016, tandis que le stade devait être exclusivement affecté aux épreuves prévues dans le cadre de l'Euro 2016 pendant la période comprise entre le

10 mai 2016 et le 17 juillet 2016.

5. La société Consortium Stade de France fait valoir que la responsabilité de l'Etat doit être engagée sur le fondement de l'article 25 précité du cahier des charges du contrat de concession. Elle soutient que c'est l'Etat, en sa qualité d'autorité concédante, qui, en la contraignant à accueillir des matchs de l'Euro 2016 et par suite, à signer, avec son accord préalable, le contrat de stade avec la FFF, lui a de fait imposé des périodes d'indisponibilité non prévues au contrat de concession. Elle en déduit que c'est donc à l'Etat de prendre en charge les pertes d'exploitation qu'elle a subies du fait de ces contraintes nouvelles.

6. L'article 1er précité du cahier des charges précise que la vocation initiale du stade de France est d'être le lieu d'accueil privilégié des grandes manifestations sportives, au titre desquelles l'article 17 dudit contrat fait figurer les grandes manifestations organisées sous l'égide de la FFF. L'Euro 2016 étant une compétition organisée par la FFF pour le compte de l'UEFA, elle constitue une telle manifestation. La société Consortium Stade de France était donc tenue de l'accueillir au titre des obligations mises à sa charge par le contrat de concession.

7. Il ressort également de ce même article 17 que durant ces manifestations, le stade et ses annexes doivent être prioritairement affectés à la compétition, les activités secondaires ne pouvant être autorisées qu'à la condition qu'elles ne constituent pas un obstacle au bon déroulement de la manifestation. Si le contrat de concession ne fixe pas expressément le nombre de jours durant lesquels le stade et ses annexes doivent être dédiés, prioritairement ou exclusivement, à l'organisation des compétitions sportives qu'il accueille, le fait qu'il impose la tenue de ces compétitions exige nécessairement du concessionnaire, bien qu'implicitement, qu'il se soumette aux contraintes pratiques, plus ou moins fortes, que ces compétitions génèrent.

8. Dans ces conditions, puisque l'accueil de l'Euro 2016 relevait des obligations mises à la charge du concessionnaire par le contrat initial, il en allait de même des conséquences pratiques qu'il a engendrées, à savoir l'obligation pour la société Consortium Stade de France de respecter des périodes d'indisponibilité du stade durant la compétition. Dès lors, les pertes d'exploitation dont la société réclame l'indemnisation ne résultaient pas de la mise en oeuvre de contraintes nouvelles imposées au concessionnaire. Par suite, l'Etat n'avait pas à les prendre à sa charge sur le fondement des stipulations de l'article 25 du contrat de concession. La circonstance que l'Etat ait pu expressément s'engager à supporter les pertes d'exploitation liées à l'organisation de la coupe du monde de rugby 2007 et des championnats du monde d'athlétisme de 2003 est à cet égard sans incidence.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société consortium Stade de France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société consortium Stade de France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié de la société Consortium Stade de France, à la société Euro 2016 SAS, la Fédération Française de Football et à la ministre des sports.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 13 juin 2019.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEULe président,

B. EVENLe greffier,

S. GASPARLa République mande et ordonne à la ministre des sports en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°17PA02659


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02659
Date de la décision : 13/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation - Utilisations privatives du domaine - Contrats et concessions.

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation - Utilisations privatives du domaine - Droits à indemnisation de l'occupant.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SELAS DE GAULLE FLEURANCE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-13;17pa02659 ?
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