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28/05/2019 | FRANCE | N°17PA21013

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 28 mai 2019, 17PA21013


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B..., a demandé au Tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'évaluation définitive de son activité professionnelle portant sur la période 2012-2013, et d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de faire procéder à une nouvelle évaluation de son activité professionnelle pour cette période.

Par un jugement n° 1500770 du 31 janvier 2017, le Tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la demande de M.B....

Procédure devant la Cour :

Par une requê

te, enregistrée le 31 mars 2017 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, M.B.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B..., a demandé au Tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'évaluation définitive de son activité professionnelle portant sur la période 2012-2013, et d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de faire procéder à une nouvelle évaluation de son activité professionnelle pour cette période.

Par un jugement n° 1500770 du 31 janvier 2017, le Tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la demande de M.B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mars 2017 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, M.B..., représenté par la SCP Piwnica Molinié, avocats aux Conseils, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Guadeloupe du 31 janvier 2017 ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

- elle est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article 20 du décret du 7 janvier 1993 ;

- le jugement et l'évaluation attaqués sont intervenus en méconnaissance de l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache aux motifs de l'arrêt du Conseil d'Etat, n°s 373263, 373311, du 27 mars 2015 ;

- le jugement et l'évaluation attaqués sont erronés, en ce qui concerne le manquement consistant en l'absence d'information du Procureur général de Basse-Terre dans l'affaire de la " Villa Noureev " ;

- ils reposent également sur des éléments erronés en ce qui concerne le manquement consistant en l'absence d'information du Procureur de la République dans l'affaire des installations électriques de la brigade de Marigot ;

- le tribunal administratif a méconnu les limites de son office, ainsi que le principe de la séparation des pouvoirs et les stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en estimant " que le Procureur général aurait porté la même appréciation de la manière de servir de M. B...s'il s'était seulement fondé sur les éléments contenus dans ces deux dossiers " ;

- l'abaissement de la notation dans certaines rubriques est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2018, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 18 juin 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 août 2018.

Par une ordonnance du 1er mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour la requête présentée par M.B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

- le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour M.B....

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., alors affecté en qualité de vice-procureur au Tribunal de grande instance de Basse-Terre et détaché à Saint-Martin, a demandé au Procureur général de la Cour d'appel de Basse-Terre de réviser son évaluation définitive pour la période 2012-2013, établie le 25 juin 2014. A la suite de cette révision effectuée le 2 octobre 2014, il a formé un recours devant la commission d'avancement qui a estimé que cette évaluation n'était pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il fait appel du jugement du 31 janvier 2017, par lequel le Tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de son évaluation définitive.

2. Il ressort du compte-rendu de l'entretien d'évaluation de M. B...pour la période 2012-2013, tenu le 10 mars 2014 avec le Procureur de la République, de son évaluation provisoire par le Procureur général le 25 juin 2014, et de l'" appréciation complémentaire " établie par ce dernier le 2 octobre 2014, en réponse aux observations de M.B..., qu'il a considéré que M. B... a rencontré " des difficultés à s'inscrire dans la structure collective et hiérarchique du parquet ", que " le déficit d'information, voire de concertation, à l'égard de son procureur ou du parquet général, s'est manifesté à plusieurs reprises dans des affaires graves et sensibles, générant des relaxes et des annulations de pièces ou de procédure ou retardant la bonne orientation procédurale des enquêtes (affaire des huissiers de justice Emica/Fontbonne, affaire de la Villa Noureev, affaire des installations électriques de la gendarmerie de Marigot) ", et que " M. B...ne saurait s'affranchir de la dimension collective et hiérarchique du ministère public ", ce qui a motivé un abaissement des appréciations qui lui ont été attribuées dans les rubriques " capacité à s'inscrire dans la relation hiérarchique statutaire " au niveau " insuffisant ", et " capacité à s'inscrire dans une relation d'équipe " au niveau " satisfaisant ".

3. En premier lieu, dans son arrêt n°s 373263, 373311 du 27 mars 2015, le Conseil d'Etat a considéré qu'à la date à laquelle l'enquête préliminaire avait été engagée dans l'affaire Emica/Fontbonne, M. B...n'assurait plus l'intérim des fonctions de Procureur de la République de Basse-Terre, qu'il relevait ainsi de l'autorité hiérarchique de celui-ci et non directement du Procureur général près la Cour d'appel de Basse-Terre et qu'il avait rendu compte de son action au Procureur de la République assurant l'intérim. Ainsi que le tribunal administratif l'a jugé à bon droit, il ne peut, par suite, être reproché à M. B...une absence d'information et de consultation en temps utile du parquet général sur l'engagement d'une enquête préliminaire qu'il avait confiée à la gendarmerie dans cette affaire.

4. En second lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier que M.B..., qui a exercé les fonctions de procureur de la République par intérim du 6 au 23 juillet 2013, a saisi, le 12 juillet 2013, la direction interrégionale de la police judiciaire (DIPJ) à la suite d'un signalement de la cellule TRACFIN le 24 janvier 2013, pour enquêter sur l'affaire de la villa Noureev, laquelle impliquait deux notaires, sans en informer le Procureur général sous l'autorité duquel il se trouvait alors placé, et qui n'en a, selon l'" appréciation complémentaire " datée du 2 octobre 2014, été informé que le 18 octobre 2013 par la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice. Il ressort toutefois d'un courrier adressé le 31 décembre 2013 par le nouveau Procureur de la République ayant pris ses fonctions le 1er septembre 2013, au Procureur général, que M. B...attendait les résultats des premières investigations pour procéder à l'information du parquet général sur des éléments factuels certains, et que " les investigations dans ce dossier n'ont connu aucune évolution notable entre le moment où la DIPJ avait été saisie et le moment où il (...) a été rendu compte " au Procureur général.

5. D'autre part, s'il ressort de l'" appréciation complémentaire " établie le 2 octobre 2014 par le Procureur général que M. B...a, le 12 octobre 2012, laissé la brigade de gendarmerie de Marigot enquêter sur l'affaire des installations électriques de cette même brigade, puis a engagé des poursuites les 24 et 29 août 2013, sans transmettre aucun rapport au Procureur de la République par intérim et au Procureur général, il ressort également des pièces du dossier que le Procureur de la République par intérim était destinataire en copie des courriers électroniques échangés avant l'engagement des poursuites entre M. B...et la gendarmerie, et que le nouveau Procureur de la République entré en fonction le 1er septembre 2013, a été informé par l'une des parties à laquelle il a répondu par un courrier daté du 2 septembre 2013.

6. Il ne résulte pas de ce qui vient d'être dit que le Procureur général, qui ne pouvait sans erreur de fait se fonder sur une absence d'information et de consultation en temps utile dans l'affaire Emica-Fontbonne, aurait porté la même appréciation sur la manière de servir de M. B...s'il s'était seulement fondé sur les éléments contenus dans les dossiers des affaires de la villa Noureev et des installations électriques de la brigade de gendarmerie de Marigot.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative :

8. L'exécution du présent arrêt implique que le garde des sceaux, ministre de la justice, fasse procéder à une nouvelle évaluation de l'activité professionnelle de M. B...pour la période 2012-2013. Il y a lieu, par suite, sans toutefois assortir cette injonction d'une astreinte, de lui enjoindre de faire procéder à cette nouvelle évaluation dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par à M. B...et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500770 du Tribunal administratif de la Guadeloupe du 31 janvier 2017 et l'évaluation définitive de l'activité professionnelle de M. B...pour la période 2012-2013 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de faire procéder à une nouvelle évaluation de l'activité professionnelle de M. B...pour la période 2012-2013 dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mai 2019.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

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N° 17PA21013


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA21013
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-04-02-007 Juridictions administratives et judiciaires. Magistrats et auxiliaires de la justice. Magistrats de l'ordre judiciaire. Notation.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SCP PIWNICA MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-05-28;17pa21013 ?
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