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28/05/2019 | FRANCE | N°17PA03027

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 28 mai 2019, 17PA03027


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme de 96 838 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'intervention chirurgicale réalisée le 6 mai 2008 à l'hôpital Saint-Louis.

Par un jugement n° 1601131/6-2 du 11 juillet 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2017, M.

B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme de 96 838 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'intervention chirurgicale réalisée le 6 mai 2008 à l'hôpital Saint-Louis.

Par un jugement n° 1601131/6-2 du 11 juillet 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2017, M.B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 11 juillet 2017 ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'AP-HP le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'éventration dont il est atteint est directement en rapport avec l'incision de transplantation rénale dans la fosse iliaque droite ;

- il n'est pas possible d'écarter une erreur médicale dès lors que le compte rendu opératoire n'est pas produit par l'AP-HP et que personne ne sait ce qui s'est passé pendant l'opération ;

- il n'a pas été informé du risque que survienne une éventration et n'a donc pu refuser l'intervention ;

- le greffon qui lui a été implanté ne fonctionne plus depuis août 2015 de sorte qu'il est de nouveau sous dialyse depuis cette date, le résultat de la greffe étant de ce fait mis à néant ;

- le déficit fonctionnel total durant 16 jours doit être indemnisé à hauteur de 781 euros ;

- le déficit fonctionnel partiel du 11 décembre 2008 au 3 novembre 2010 doit être indemnisé à hauteur de 5 057 euros ;

- le déficit fonctionnel permanent de 15% doit être indemnisé à hauteur de 30 000 euros ;

- les frais relatifs à l'achat de deux ceintures abdominales par an, sa vie durant devront être indemnisés à hauteur 1 000 euros ;

- les dépenses relatives à deux heures par semaine d'aide non spécialisée doivent être indemnisés à hauteur de 20 000 euros ;

- les souffrances endurées de 3,5 sur 7 doivent être indemnisés à hauteur de 15 000 euros ;

- le préjudice esthétique de 2,5 sur 7 doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros ;

- le préjudice d'agrément doit être indemnisé à hauteur de 15 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2019, l'AP-HP, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête d'appel et des conclusions susceptibles d'être formées par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, à titre subsidiaire, à ce que la Cour ramène le montant des indemnités demandées à de plus justes proportions, et en tout état de cause, à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. B...au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 24 novembre 2017.

Vu :

- les autres pièces du dossier,

- le code de la santé publique,

- le code de la sécurité sociale,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- et les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 6 mai 2008, M. B...a été pris en charge dans le service de néphrologie de l'hôpital Saint-Louis à Paris et a fait l'objet d'une transplantation rénale consécutive à une néphropathie diabétique et une hypertension artérielle. Suite à une éventration iliaque droite apparue à la fin de l'année 2008, il a bénéficié à l'hôpital Saint-Louis, le 17 février 2009, d'une cure d'éventration par mise en place d'une plaque intra péritonéale. A la suite d'une récidive précoce de cette éventration, M. B...a de nouveau été opéré, le 3 novembre 2009, en dehors des hôpitaux de l'AP-HP. Cette intervention du 3 novembre 2009 n'a toutefois pas permis d'éviter, un mois après, une seconde récidive de l'éventration. M.B..., qui ne s'est jamais fait réopérer et qui estime que cette éventration est la conséquence des fautes commises le 6 mai 2008 lors de la chirurgie de greffe rénale, a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'AP-HP à lui réparer l'ensemble des préjudices subis. Par un jugement du 11 juillet 2017, le tribunal administratif a rejeté sa requête. M. B...relève appel de ce jugement et demande à ce qu'il soit fait droit à ses conclusions de première instance.

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne les fautes médicales :

2. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ".

3. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expertise médicale ordonnée par le tribunal, que M. B...souffrait d'une insuffisance rénale dite " terminale " qui nécessitait des séances de dialyse trois fois par semaine depuis l'année 2005 et pour laquelle l'indication de transplantation rénale était totalement justifiée. Il est toutefois constant que l'intéressé cumulait plusieurs facteurs de risques de complication, tenant non seulement à son âge (plus de 50 ans), une obésité sévère (index de masse corporelle supérieur à 34 lorsqu'il a été transplanté), un diabète, des traitements corticoïdes au long cours reçus avant transplantation, et immuno-suppresseur indispensable après une greffe. Dans ce contexte, l'expert affirme dans son rapport que le risque d'éventration, qui s'est réalisé trois mois après la transplantation, s'en est trouvé multiplié par 4 pour être d'au minimum 20 % dans le cas de M.B.... Dès lors, l'éventration doit être regardée comme une complication attendue et redoutée, sans qu'il soit possible de parler de complication anormale eu égard à l'état antérieur du patient et à son évolution prévisible, aucun manquement aux règles de l'art ni de retard de la prise en charge n'ayant en outre été constaté. Si M. B...persiste également à soutenir que la responsabilité de l'AP-HP ne saurait être écartée dès lors qu'aucun compte rendu opératoire de transplantation n'a été dicté, cette circonstance ne peut être considérée, ainsi que l'a souligné l'expert, comme une anomalie sur le plan médical mais tout au plus comme une non-conformité au plan administratif. Dans ces conditions, aucune faute à l'encontre de l'AP-HP ne saurait être retenue dans la prise en charge médicale de M. B... lors de l'intervention chirurgicale du 6 mai 2008 à l'hôpital Saint-Louis.

En ce qui concerne le défaut d'information :

4. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ".

5. Un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée. C'est seulement en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, ou dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent nier l'existence d'une perte de chance.

6. M. B...soutient de nouveau qu'il n'a pas été informé préalablement à son opération de la possibilité d'une éventration et que l'AP-HP n'a pas fourni de feuillet de consentement éclairé. Si une telle information n'est effectivement pas requise en cas d'urgence et que, compte tenu de la durée de vie des greffons prélevés, il y a toujours urgence à la transplantation lorsqu'un greffon est considéré comme étant compatible pour un receveur, une telle information aurait néanmoins pu être délivrée au cours du processus de programmation de la transplantation.

7. Toutefois, alors qu'il était atteint d'insuffisance rénale chronique et était traité depuis trois ans par hémodialyse à raison de trois séances par semaine, M. B...ne disposait pas selon l'expert, de possibilité raisonnable de refuser une telle intervention quand bien même il aurait été dûment informé des risques importants qu'elle présentait eu égard à ses multiples pathologies. La poursuite de telles séances lui faisait en effet courir des risques de complication susceptibles d'engager son pronostic vital, notamment en raison de la coronaropathie hypertensive dont il est atteint, des risques d'accidents liés à la rétention d'eau, des risques d'infections, d'hémorragies et de thrombose de la fistule artério-veineuse. Dès lors, et ainsi que l'on également à bon droit considéré les premiers juges, le manquement des médecins à leur obligation d'information n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, fait perdre à l'intéressé une chance de refuser l'intervention et d'échapper ainsi à ses conséquences dommageables.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Sur les frais d'expertise :

9. Aux termes des deux premiers alinéas de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise (...). / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute personne perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. ".

10. Il y a lieu de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 902,48 euros par ordonnance du vice-président du Tribunal administratif de Paris du 12 avril 2016, à la charge définitive de M. B....

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées de l'AP-HP.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'AP-HP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les frais d'expertise, d'un montant de 1 902,48 euros, sont mis à la charge définitive de M.B....

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, à la Mutuelle générale de l'éducation nationale et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 mai 2019.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAULe greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N°17PA03027


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03027
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : DONY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-05-28;17pa03027 ?
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