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18/04/2019 | FRANCE | N°17PA03161

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 18 avril 2019, 17PA03161


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2017 par lequel le ministre de l'intérieur lui a refusé l'entrée sur le territoire français au titre de l'asile et a ordonné son réacheminement vers les Etats-Unis.

Par un jugement n° 1712329/8 du 2 août 2017, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande en annulant cet arrêté ministériel.

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 2 octobre 2017, le minist

re de l'intérieur, représenté par la SCP Claisse et associés, demande à la Cour d'annuler ce juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2017 par lequel le ministre de l'intérieur lui a refusé l'entrée sur le territoire français au titre de l'asile et a ordonné son réacheminement vers les Etats-Unis.

Par un jugement n° 1712329/8 du 2 août 2017, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande en annulant cet arrêté ministériel.

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 2 octobre 2017, le ministre de l'intérieur, représenté par la SCP Claisse et associés, demande à la Cour d'annuler ce jugement du 2 août 2017 du Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que l'arrêté litigieux était entaché d'erreur manifeste d'appréciation alors que la demande d'asile formulée par Mme A...B...était manifestement infondée.

Le recours du ministre a été communiqué à Mme A...B..., qui n'a pas produit d'observations devant la Cour, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le

29 novembre 2017.

Par ordonnance du 23 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 4 juin 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche ;

- et les observations de Me Dussault, avocat du ministre de l'intérieur.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...B..., ressortissante congolaise née le 29 septembre 1992, a été interpellée à son arrivée à l'aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle et placée en zone d'attente. Le ministre de l'intérieur a pris à son encontre le 27 juillet 2017 un arrêté lui refusant l'entrée sur le territoire français au titre de l'asile et ordonnant son réacheminement vers les Etats-Unis. Il relève appel du jugement n° 1712329/8 du 2 août 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris, saisi par Mme A...B..., a annulé cet arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Le ministre conteste le motif d'annulation retenu par le tribunal, tiré de ce qu'eu égard aux déclarations de Mme A...B...quant aux risques qu'elle encourrait en République démocratique du Congo, l'auteur de cet arrêté avait commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant la demande d'asile formulée par l'intéressée comme manifestement infondée.

3. Aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : (...) 3° ... la demande d'asile est manifestement infondée./ Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves. ".

4. Le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié. Ce droit implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande. Toutefois, le ministre chargé de l'immigration peut, pour l'un des motifs prévus par les dispositions précitées de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejeter la demande d'asile d'un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque celle-ci présente un caractère manifestement infondé.

5. En premier lieu, si Mme A...B...faisait état de difficultés rencontrées suite aux critiques formulées par elle, en tant que journaliste, à l'encontre du maire de la commune de Kinshasa, ses allégations n'étaient pas de nature à accréditer la réalité et l'actualité des menaces qu'elle invoquait, dès lors que ces propos critiques auraient, selon les dires mêmes de celle-ci, été tenus en 2013, soit plus de quatre ans avant la décision contestée, et alors qu'entre temps, Mme A...B...s'était vu confier, d'après ses propres déclarations, des fonctions d'attachée de presse au ministère de l'environnement de la République démocratique du Congo qui l'auraient conduite, en 2017, à faire partie d'une délégation officielle congolaise participant au forum de l'environnement organisé à New York.

6. En second lieu, Mme A...B...soutenait avoir pris la parole dans le cadre de sa mission aux Etats-Unis et prononcé un discours qui aurait déplu à sa hiérarchie, laquelle aurait décidé de la sanctionner. Toutefois, le seul risque d'encourir des sanctions disciplinaires, dussent-elles même conduire à la perte par l'intéressée de son emploi, n'était pas de nature à constituer une menace susceptible d'ouvrir droit à l'asile. Par ailleurs, les allégations de l'intéressée, telles qu'elles sont notamment retranscrites dans le compte rendu de son entretien avec un représentant de l'OFPRA, quant à la surveillance ou la séquestration dont elle aurait été victime du fait des autorités de son pays, notamment durant son séjour aux Etats-Unis, et quant aux risques invoqués d'emprisonnement, s'inscrivent dans un récit lacunaire, confus et imprécis, y compris en ce qui concerne son parcours professionnel, considéré par l'officier de protection comme dépourvu de vraisemblance.

7. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est, sur le fondement d'un motif erroné tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, que le tribunal a annulé son arrêté refusant d'admettre l'entrée sur le territoire de Mme A...B...au titre de l'asile.

8. Il appartient par suite à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A...B...devant le tribunal.

Sur les autres moyens invoqués par Mme A...B...en première instance :

9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A...B...a été mise à même, avant l'intervention de la décision contestée, de faire connaître à l'autorité administrative tous les éléments qu'elle estimait utiles concernant notamment sa situation. Par suite, et alors même que le ministre n'aurait pas porté en détail à sa connaissance les informations qu'il pouvait détenir par ailleurs la concernant, celle-ci n'est pas fondée à invoquer la méconnaissance du droit d'être entendu ou des droits de la défense.

10. En deuxième lieu, le moyen tiré du dépassement du délai pour statuer, n'est pas assorti de précision permettant d'en apprécier le bien fondé.

11. En troisième lieu, il résulte de qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté, Mme A...B...n'établissant pas qu'elle serait exposée, en cas de retour dans son pays, à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants prohibés par cet article.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, fait droit à la demande de Mme A...B...en annulant l'arrêté du pris à son encontre, et à obtenir l'annulation dudit jugement et le rejet de la demande présentée par l'intéressée devant le tribunal.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement 1712329/8 du 2 août 2017 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...B...devant le tribunal est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C... A...B....

Délibéré après l'audience du 3 avril 2019, où siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 avril 2019

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA03161


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03161
Date de la décision : 18/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : SCP CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-04-18;17pa03161 ?
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