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14/03/2019 | FRANCE | N°18PA01110

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 14 mars 2019, 18PA01110


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 février 2018 par lequel le préfet de police a constaté la caducité de son séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du même jour par lequel le préfet de police lui a fait interdiction de retour sur le territo

ire français pendant une durée de 24 mois, enfin, de mettre à la charge de l'Etat l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 février 2018 par lequel le préfet de police a constaté la caducité de son séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du même jour par lequel le préfet de police lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de 24 mois, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803008/8 du 27 février 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 avril 2018 et le 25 juillet 2018, Mme C..., représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1803008/8 du 27 février 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 22 février 2018 du préfet de police ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son comportement ne constitue pas une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ;

- elle bénéficie d'un droit au séjour permanent en raison de la reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé ;

- la décision portant refus de lui accorder un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'y avait pas urgence à l'éloigner du territoire français ;

- la décision attaquée est illégale dès lors qu'elle justifiait de la possession d'un passeport en cours de validité et d'un domicile fixe à Paris ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 214-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 214-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant dès lors qu'elle n'a pas fait l'objet d'une mesure d'interdiction administrative du territoire ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 521-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant dès lors qu'elle n'a pas fait l'objet d'une mesure d'expulsion ;

- les autres moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stoltz-Valette,

- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., ressortissante née le 4 janvier 1962 et possédant tant la nationalité moldave que roumaine, a été interpelée le 21 février 2018 pour des faits de vols en réunion et recel de vol. Par un arrêté du 22 février 2018, le préfet de police a constaté la caducité de son séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans lui accorder le bénéfice d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi. Par un second arrêté intervenu le même jour, le préfet de police lui a fait interdiction de séjour sur le territoire français pendant une durée de 24 mois. Mme C... relève appel du jugement du 27 février 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation des arrêtés du 22 février 2018 du préfet de police.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...) 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. (...) ".

3. Il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

4. Le préfet de police a pris à l'encontre de Mme C...une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que l'intéressée avait été interpelée le 21 février 2018 pour des faits de vols en réunion et recel de vol.

5. Pour caractériser une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'ordre ou la sécurité publics, le préfet de police fait valoir que Mme C...a été interpelée le 21 février 2018 avec deux compatriotes moldaves pour des faits de vol en réunion sans violence et recel de bien provenant d'un vol. S'il ressort par ailleurs du rapport d'identification dactyloscopique produit en première instance que l'intéressée a été interpelée pour des faits de vol à l'étalage le 18 février 2014 et le 31 mars 2014, ces faits n'ont donné lieu à aucune condamnation ni même poursuite pénale. Par ailleurs, si la requérante a admis lors de son audition avoir volé un pyjama enfant d'une valeur de 21,99 euros et acheté une robe à une de ses compatriotes, elle ne reconnaît ni le recel ni avoir agi en réunion. Pour répréhensibles que soient les faits litigieux, ces seuls éléments ne peuvent caractériser à eux-seuls une menace suffisamment grave à un intérêt fondamental de la société imputables au comportement personnel de cette citoyenne de l'Union européenne. Par suite, celle-ci est fondée à soutenir que le préfet de police a commis une erreur d'appréciation à cet égard. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, les décisions de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, de fixation du pays de destination et d'interdiction de circuler sur le territoire français, ne peuvent qu'être annulées.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 22 février 2018 du préfet de police.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C...et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1803008/8 du 27 février 2018 du Tribunal administratif de Paris et les arrêtés du 22 février 2018 du préfet de police sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Mme C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...et ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 28 février 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 14 mars 2019.

Le rapporteur,

A. STOLTZ-VALETTELe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01110


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01110
Date de la décision : 14/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Alexandra STOLTZ-VALETTE
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : CUJAS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-03-14;18pa01110 ?
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