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19/02/2019 | FRANCE | N°17PA01508

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 19 février 2019, 17PA01508


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 janvier 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours administratif préalable tendant à l'annulation de la décision du 26 juin 2007 par laquelle le Général commandant la Légion étrangère a refusé de lui délivrer un certificat de bonne conduite.

Par un jugement n° 1604062/5-1 du 2 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision du ministre de la défense.

Proc

dure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 3 mai 2017, le ministre de la défense d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 janvier 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours administratif préalable tendant à l'annulation de la décision du 26 juin 2007 par laquelle le Général commandant la Légion étrangère a refusé de lui délivrer un certificat de bonne conduite.

Par un jugement n° 1604062/5-1 du 2 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision du ministre de la défense.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 3 mai 2017, le ministre de la défense demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 2 mars 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- en s'attachant aux conséquences de l'absence de certificat de bonne conduite sur les chances de réinsertion de M.C..., sur ses chances d'accès au marché du travail et sur son maintien en France, le tribunal administratif a excédé son office ; seuls ses états de service pouvaient être pris en compte ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit au moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation ; le comportement de M. C...devait être apprécié sur l'ensemble de la durée de ses services ; le certificat devait, compte tenu de ses problèmes de comportement liés à l'alcool, de sa manière de servir, de ses notations et des sanctions dont il a fait l'objet, lui être refusé ; il n'avait pas signalé sa dépendance à l'alcool, qui n'avait pas été détectée par ailleurs, durant son service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2018, M.C..., représenté par MeA..., conclut au rejet du recours et à ce que le versement de la somme de 2 000 euros et de la somme de 13 euros correspondant aux droits de plaidoirie, soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens invoqués par le ministre ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 9 juillet 2018, le ministre des armées conclut aux mêmes fins que le recours, par les mêmes moyens.

Par une ordonnance du 10 décembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 décembre 2018.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 20 octobre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que M. B...C..., ancien caporal dans la Légion étrangère, engagé le 23 février 2000 et rayé des contrôles de l'armée active le 23 août 2007, s'est vu refuser l'attribution du certificat de bonne conduite par une décision du Général commandant la Légion étrangère du 26 juin 2007. Par décision du 12 janvier 2016, le ministre de la défense a rejeté le recours administratif préalable de M. C...aux motifs qu'il a " totalisé au cours de ses quatre dernières années de service au sein de la Légion étrangère cent dix-huit jours d'arrêts (...) dont sept sanctions disciplinaires qui relèvent de la 3ème catégorie, associés à des fautes contre l'honneur ", et que " cet ancien caporal de la Légion étrangère n'a pas agi comme un soldat professionnel et a manqué à ses devoirs élémentaires en portant atteinte à la dignité militaire ". Le Tribunal administratif de Paris a, à la demande de M. C..., annulé cette décision. Le ministre fait appel de son jugement.

2. Aux termes de l'article D. 4137-6 du code de la défense, les récompenses comprennent notamment " le certificat de bonne conduite, destiné à témoigner de la participation à la défense et de la valeur des services rendus par les militaires. Ce certificat peut leur être attribué lors de leur retour à la vie civile. Il peut être refusé si la conduite du militaire n'a pas, au cours de ses années de services, satisfait aux exigences des armées et formations rattachées (...) ".

3. Pour annuler la décision du ministre du 12 janvier 2016 comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, le tribunal administratif s'est fondé sur les sept années de service de M. C...dans la Légion étrangère, comprenant notamment deux engagements en opération extérieure au Kosovo en 2002 et en Côte d'Ivoire en 2003, et une affectation à Djibouti en 2005 et 2006, sur les félicitations qu'il a reçues pendant les cinq premières années pour la qualité de ses services, et sur les circonstances particulières dans lesquelles il a fait l'objet de sanctions disciplinaires pendant les deux dernières années. Le tribunal administratif a en effet estimé que ces sanctions étaient liées au sentiment d'isolement et aux problèmes consécutifs d'intempérance qu'il aurait développés à Djibouti, sans avoir reçu aucun soin, ni aucune assistance. Il a enfin considéré que l'absence de certificat de bonne conduite compromet ses chances de réinsertion et d'accès au marché du travail et le maintien de son séjour en France.

4. Pour contester ce jugement, le ministre se réfère à bon droit aux notes attribuées à M. C... qui portent notamment, contrairement à ce qu'il soutient, sur sa conduite au sens des dispositions citées ci-dessus de l'article D. 4137-6 du code de la défense. Le ministre se réfère en particulier aux appréciations littérales dont il a fait l'objet de 2005 à 2007 et qui se sont attachées à ses " écarts de comportement " et à son manque de " maturité ", de " constance ", de " retenue ", de " rigueur ", de " motivation ", et de " disponibilité ". Il se réfère aussi à l'appréciation littérale qui a été établie à son sujet en 2008 pour la période du 1er février au 22 août 2007, relevant qu'il laissera " une bien piètre image. Intelligent et capable de bien faire, il a gâché un réel potentiel ". Il se réfère en outre aux tableaux de ses " qualités foncières " établis en 2007 et en 2008 qui ne comportent plus aucun critère évalué à la cotation " remarquable ", et qui lui attribuent la cotation " passable " pour l'onglet " dignité, moralité " pour les services de l'année 2007. Il fait enfin état des cent dix-huit jours d'arrêts qui lui ont été infligés au cours de ses quatre dernières années de service par neuf sanctions dont le prononcé n'a donné lieu à aucune contestation de la part de M.C..., parmi lesquelles sept sanctions de troisième catégorie, décidées en raison de " fautes contre l'honneur ", dont M. C...ne conteste pas sérieusement la réalité dans le cadre de la présente instance, et qu'il ne saurait expliquer en arguant des conditions de son séjour à Djibouti et de sa dépendance à l'alcool.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre est, en dépit des sept années de service de M. C...dans la Légion étrangère, de ses deux engagements en opération extérieure, de son affectation à Djibouti, des félicitations qu'il a reçues en 2001 et en 2002, de l'avis de son chef de corps, favorable à l'attribution du certificat de bonne conduite, et des conséquences de la décision de refus pour M.C..., fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision attaquée était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour l'annuler.

6. Il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par M.C....

7. M. C... ne peut toutefois invoquer utilement ni le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision initiale du 26 juin 2007, ni le moyen tiré de ce que cette décision n'aurait pas été suffisamment motivée, ni le moyen tiré de ce qu'elle n'aurait pas été précédée d'un examen particulier de sa situation, dans la mesure où la décision prise à la suite de son recours devant la commission des recours des militaires s'est substituée à cette décision initiale, et où, tant le vice d'incompétence, que le défaut de motivation et l'erreur de droit tenant à l'absence d'examen particulier de sa situation, sont en tout état de cause propres à la décision initiale et ont nécessairement disparu avec elle.

8. Il résulte de ce qui précède que le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 12 janvier 2016.

Sur les conclusions de M. C...présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement des sommes que M. C...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun droit de plaidoirie les conclusions de M. C...tendant au remboursement des frais engagés à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1604062/5-1 du Tribunal administratif de Paris du 2 mars 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. B...C....

Délibéré après l'audience du 5 février 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 février 2019.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 17PA01508


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

08-01-01-08 Armées et défense. Personnels militaires et civils de la défense. Questions communes à l'ensemble des personnels militaires.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : VERNON

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 19/02/2019
Date de l'import : 26/02/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17PA01508
Numéro NOR : CETATEXT000038150990 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-02-19;17pa01508 ?
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