Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Air France a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 mai 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 5 000 euros en application de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un jugement n° 1611048 du 3 octobre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2017, la société Air France, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1611048 du 3 octobre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler cette décision du ministre de l'intérieur en date du 17 mai 2016 ou de la décharger de l'amende ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a pas été en mesure de faire valoir l'ensemble de ses moyens de défense dès lors que le visa Schengen original de la passagère ne figurait pas parmi les éléments du dossier du ministère de l'intérieur ;
- l'étude de la simple copie du visa Schengen ne permet pas, à l'oeil nu, d'établir que les anomalies décrites par la police aux frontières sont manifestement contrefaites pour être décelées par un agent d'embarquement.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 septembre 2018 le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête au motif que les moyens ne sont pas fondés.
Par un courrier du 9 novembre 2018, en réponse à une mesure d'instruction de la Cour, le ministre de l'intérieur a indiqué ne pas détenir l'original du document en cause dans cette instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Heers,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public,
- et les observations de M. A..., consultant juridique du ministre de l'intérieur.
Une note en délibéré a été produite le 15 novembre 2018 pour la société Air France.
Considérant ce qui suit :
1. La société Air France relève appel du jugement du 3 octobre 2017 du Tribunal administratif de Paris rejetant sa demande d'annulation de la décision en date du 17 mai 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé, sur le fondement de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une amende de 5 000 euros pour avoir, le 30 juin 2015, débarqué sur le territoire français une personne de nationalité congolaise, en provenance de Pointe-Noire, titulaire d'un visa Schengen qui s'est révélé contrefait.
2. Aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues ". Par ailleurs, selon l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un Etat avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen, un étranger non ressortissant d'un Etat de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité est punie d'une amende d'un montant maximum de 10 000 euros. En vertu de l'article L. 625-2, l'entreprise de transport a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d'un mois sur le projet de sanction de l'administration. Enfin, en vertu du 2° de l'article L. 625-5, l'amende n'est pas infligée lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste.
3. Ces dispositions imposent à l'entreprise de transport de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'irrégularité manifeste, décelable par un examen normalement attentif de ses agents.
4. En premier lieu, dès lors que les dispositions rappelées au point 2 n'établissent aucune garantie de procédure autre que le droit de l'entreprise à accéder au dossier et à présenter des observations, le juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende, peut substituer au motif sur lequel s'est fondé le ministre un autre motif de droit ou de fait relatif au même manquement, sous les conditions que cette substitution ait été demandée par le ministre lors de l'instruction de l'affaire, que l'entreprise ait été mise en mesure de présenter ses observations sur le nouveau motif envisagé et que la décision du juge ne conduise pas à accroître le montant de l'amende.
5. Il résulte de l'examen de la copie du passeport que deux anomalies, à savoir l'absence d'apostrophe à la mention " NOMBRE D ENTREES " et l'absence d'espace dans l'expression " NUMERODEINGRESSI " présentent un caractère manifeste et aisément décelable à l'oeil nu par le personnel d'embarquement. Si la sanction contestée ne se fonde pas sur ces irrégularités, le ministre de l'intérieur s'en prévaut en défense et sollicite, en tant que de besoin, la substitution de ce motif à ceux qui ont fondé la sanction du 17 mai 2016. Dès lors que le mémoire en défense a été communiqué à la société Air France et que la substitution demandée ne saurait avoir pour effet d'aggraver la sanction, il y a lieu d'y procéder après avoir constaté qu'aucune des anomalies énumérées par le ministre dans sa décision du 17 mai 2016 ne peut être regardée comme présentant un caractère manifeste à l'oeil nu. Le moyen tiré de ce que l'étude de la simple copie du visa Schengen ne permet pas, à l'oeil nu, d'établir que les anomalies décrites par la police aux frontières sont manifestement contrefaites pour être décelées par un agent d'embarquement doit donc être écarté.
6. En second lieu, compte tenu de la substitution de motif opérée ci-dessus, qui fonde la sanction sur deux irrégularités aisément décelables à l'oeil nu, y compris sur la copie du visa, et compte tenu de la nature de ces irrégularités dont la copie n'a pu accentuer la visibilité, le moyen tiré de ce que l'original ne figurait pas au dossier de la procédure contradictoire doit être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que la société Air France n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Air France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Air France et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller,
Lu en audience publique le 10 décembre 2018.
Le président-rapporteur,
M. HEERSL'assesseure la plus ancienne,
M. JULLIARD
Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03682