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06/12/2018 | FRANCE | N°17PA02181

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 06 décembre 2018, 17PA02181


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Collectif Stop LGV Sud Sainte Baume, l'association Stop LGV Sanary 2012, l'association Enterrons la LGV, l'association Stop nuisance Cuers, la Confédération paysanne du Var et la commune d'Evenos ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision n° 2015-39 du 2 septembre 2015 par laquelle la Commission nationale du débat public a décidé qu'il n'y avait pas lieu d'organiser un nouveau débat public sur le projet de ligne nouvelle Provence-Côte d'Azur.

Par jugement n° 1518260 d

u 2 mai 2017, le tribunal administratif de Paris a, après avoir admis l'interve...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Collectif Stop LGV Sud Sainte Baume, l'association Stop LGV Sanary 2012, l'association Enterrons la LGV, l'association Stop nuisance Cuers, la Confédération paysanne du Var et la commune d'Evenos ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision n° 2015-39 du 2 septembre 2015 par laquelle la Commission nationale du débat public a décidé qu'il n'y avait pas lieu d'organiser un nouveau débat public sur le projet de ligne nouvelle Provence-Côte d'Azur.

Par jugement n° 1518260 du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Paris a, après avoir admis l'intervention de SNCF Réseau, rejeté la requête présentée par le Collectif Stop LGV Sud Sainte Baume et autres.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 29 juin 2017 et le 6 février 2018, le Collectif Stop LGV Sud Sainte Baume, l'association Stop LGV Sanary 2012, l'association Enterrons la LGV, l'association Stop nuisance Cuers, la Confédération paysanne du Var et la commune d'Evenos, représentés par Me Dragone, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 2 mai 2017 ;

2°) d'annuler la décision de la Commission nationale du débat public du 2 septembre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de la Commission nationale du débat public la somme de 3 000 euros à leur payer sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt et qualité pour agir ;

- les premiers juges ont insuffisamment répondu à plusieurs moyens de leur demande ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée en fait, faute de mentionner l'absence de modifications substantielles du projet ;

- des modifications substantielles ont été apportées au projet depuis le débat public de 2005, ce qui justifie un nouveau débat public ;

- la Commission nationale du débat public a commis une erreur de fait en considérant que la concertation a été réalisée de manière continue sous l'égide d'un garant et que le projet présenté tient compte des avis exprimés au cours du débat public ;

- la concertation a eu un caractère lacunaire ;

- la Commission nationale du débat public ne pouvait justifier le refus d'organiser un nouveau débat public par la validation déjà entérinée des priorités 1 et 2 du projet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2017, la Commission nationale du débat public, représentée par Mes Brenot et Gosseye, conclut au rejet de la requête d'appel et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention enregistré le 7 février 2018, SNCF Réseau, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de Mme Nguyên Duy, rapporteur public,

- et les observations de Me Dragone, avocat du Collectif Stop LGV Sud Sainte Baume et autres, et de Me Gosseye, avocat de la commission nationale du débat public.

1. Considérant que par décision du 5 mai 2004, la Commission nationale du débat public a décidé l'organisation d'un débat public sur le projet de ligne à grande vitesse Provence-Alpes-Côte d'Azur ; que le compte-rendu et le bilan de ce débat public, qui s'est tenu entre le 21 février 2005 et le 8 juillet 2005, ont été publiés le 8 septembre 2005 ; que, le 19 août 2015, SNCF Réseau, maître d'ouvrage, a saisi la Commission nationale du débat public en application des dispositions de l'article L. 121-12 du code de l'environnement, en vue de déterminer s'il y avait lieu d'organiser un nouveau débat public avant de soumettre à l'enquête publique son projet d'infrastructure nouvelle " ligne nouvelle Provence-Côte d'Azur " ; que, par une décision du 2 septembre 2015, la Commission nationale du débat public a décidé qu'il n'y avait pas lieu d'organiser un nouveau débat public et a recommandé à SNCF Réseau de poursuivre jusqu'au lancement de l'enquête publique le processus de concertation mis en place précédemment ; que le Collectif Stop LGV Sud Sainte Baume et autres relèvent régulièrement appel du jugement du 2 mai 2017, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 2 septembre 2015 ;

Sur l'intervention de SNCF Réseau :

2. Considérant que SNCF Réseau, maître d'ouvrage du projet litigieux, a intérêt au maintien de la décision attaquée ; que son intervention est dès lors recevable ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à chaque argument de la demande des requérants, ont répondu de manière suffisamment précise aux moyens tirés du défaut de motivation en fait de la décision du 2 septembre 2015, de l'existence de modifications substantielles du projet justifiant un nouveau débat et de l'erreur de fait commise par la Commission en considérant que la concertation avait été continue ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'environnement : " La Commission nationale du débat public, autorité administrative indépendante, est chargée de veiller au respect de la participation du public au processus d'élaboration des projets d'aménagement ou d'équipement d'intérêt national de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et des personnes privées, relevant de catégories d'opérations dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, dès lors qu'ils présentent de forts enjeux socio-économiques ou ont des impacts significatifs sur l'environnement ou l'aménagement du territoire. / La participation du public peut prendre la forme d'un débat public. Celui-ci porte sur l'opportunité, les objectifs et les caractéristiques principales du projet. Il porte aussi sur les modalités d'information et de participation du public après le débat (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 121-8 du même code : " I. La Commission nationale du débat public est saisie de tous les projets d'aménagement ou d'équipement qui, par leur nature, leurs caractéristiques techniques ou leur coût prévisionnel, tel qu'il peut être évalué lors de la phase d'élaboration, répondent à des critères ou excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat. / Le maître d'ouvrage ou la personne publique responsable du projet adresse à la Commission un dossier présentant les objectifs et les principales caractéristiques du projet, ainsi que les enjeux socio-économiques, le coût estimatif et l'identification des impacts significatifs du projet sur l'environnement ou l'aménagement du territoire (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 121-9 du même code : " (...) I. La commission apprécie, pour chaque projet, si le débat public doit être organisé (...) Si la commission estime qu'un débat est nécessaire, elle peut soit l'organiser elle-même (...), soit en confier l'organisation au maitre d'ouvrage (...) Si la commission estime qu'un débat public n'est pas nécessaire, elle peut recommander au maître d'ouvrage (...) l'organisation d'une concertation (...) la Commission nationale du débat public peut désigner un garant chargé de veiller à ce que la concertation permette au public de présenter ses observations et contre-propositions. (...) II. La Commission nationale du débat public se prononce dans un délai de deux mois sur la suite à réserver aux saisines prévues aux I et II de l'article L. 121-8. / Elle se prononce sur les demandes de débat dont elle est saisie en vertu de l'article L. 121-8 par une décision motivée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 121-12 du même code : " En ce qui concerne les projets relevant de l'article L. 121-8, l'ouverture de l'enquête publique prévue à l'article L. 123-1 ne peut être décidée qu'à compter soit de la date à partir de laquelle un débat public ne peut plus être organisé, soit de la date de publication du bilan ou à l'expiration du délai imparti au président de la Commission nationale du débat public pour procéder à cette publication et au plus tard dans le délai de cinq ans qui suivent ces dates. Au-delà de ce délai, la Commission ne peut décider de relancer la concertation avec le public que si les circonstances de fait ou de droit justifiant le projet ont subi des modifications substantielles " ;

5. Considérant, en premier lieu, que pour motiver, en fait, sa décision de ne pas organiser un nouveau débat public sur le projet qui lui était soumis, tout en recommandant au maître d'ouvrage de poursuivre la concertation en cours, la Commission nationale du débat public a noté que ce projet était l'une des variantes du projet initial, que, depuis l'organisation du débat de 2005, la concertation s'était poursuivie de manière continue sous l'égide de deux garants, que le débat relatif à l'opportunité du choix des priorités 1 et 2 de la ligne nouvelle avait déjà été tranché par une décision gouvernementale du 9 juillet 2013 et que le projet présenté tenait compte des avis exprimés au cours du débat public et des différentes phases de concertation ; qu'elle a ce faisant suffisamment expliqué pourquoi elle n'estimait pas opportun de soumettre le projet à un nouveau débat public ; que contrairement à ce que soutiennent les requérants, elle n'était pas tenue de motiver sa décision de ne pas organiser de second débat par l'absence de modifications substantielles des circonstances de droit ou de fait depuis le premier débat ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en fait de la décision litigieuse doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que les requérants font valoir que le projet litigieux a connu des modifications substantielles depuis sa présentation au débat public en 2005, lesquelles justifiaient selon eux l'organisation d'un nouveau débat public ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que le projet soumis au débat public en 2005 n'avait pas pour seul objectif de développer la grande vitesse pour améliorer l'accessibilité de la région, mais visait également à répondre à la congestion des transports dans la région et à faciliter les transports quotidiens en offrant notamment des liaisons rapides entre les agglomérations ; que si le projet a été recentré sur ce dernier objectif, notamment pour prendre en compte les résultats de la concertation et si sa dénomination a évolué en ce sens, il s'agit néanmoins d'une option déjà envisagée dans le projet initial et soumise au débat public ; que l'entrée en vigueur de la loi Grenelle du 3 août 2009 ne saurait être regardée comme une modification substantielle apportée aux circonstances de droit justifiant le projet au sens des dispositions précitées de l'article L. 121-12 du code de l'environnement ; que, par ailleurs, les circonstances que, postérieurement au débat public, le projet ait été segmenté en trois priorités, que sa durée de réalisation ait été allongée et que son coût ait augmenté ne constituent pas une modification des circonstances de fait justifiant le projet mais l'évolution de celui-ci, sous l'effet notamment de la concertation ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que les circonstances de droit et de fait justifiant le projet aient été substantiellement modifiées depuis le débat public organisé en 2005 ; qu'en tout état de cause, la commission n'est pas tenue d'organiser un nouveau débat lorsque les circonstances de droit ou de fait ont substantiellement évolué et, en l'espèce, elle ne s'est pas, comme dit ci-dessus, fondée sur cette absence de modifications substantielles pour prendre sa décision ;

7. Considérant, en troisième lieu, que les requérants soutiennent que la décision attaquée est entachée d'erreur de fait en tant qu'elle mentionne que la concertation s'est poursuivie de manière continue sous l'égide d'un garant depuis le débat public organisé en 2005 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que dès la décision prise le 6 décembre 2005 par Réseau Ferré de France de poursuivre le projet, la concertation s'est poursuivie notamment sous l'égide d'un garant nommé le 26 juillet 2006 par la Commission nationale du débat public et renouvelé dans ses fonctions le 6 octobre 2010, puis de son successeur nommé le 4 mars 2015 ; que, dans ces conditions, et alors même que la phase de concertation avec le public lancée en septembre 2011 a été écourtée pour des motifs d'ordre public à l'approche des élections présidentielles de 2012 et que le second garant n'a été nommé que huit mois après la cessation de fonctions du premier, la commission a pu sans erreur de fait estimer que la concertation s'était, depuis le débat public, poursuivie de manière continue sous l'égide du garant qu'elle avait désigné ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que si les requérants soutiennent que la concertation a été réalisée de manière lacunaire et que l'information et la participation du public, qui n'a pas eu conscience de la réalité du projet finalement retenu, ont été insuffisantes, il ne résulte pas des circonstances invoquées que la Commission nationale du débat public aurait, dans les circonstances de l'espèce, commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant qu'il n'était pas nécessaire d'organiser un nouveau débat public ;

9. Considérant, enfin, que la Commission nationale du débat public pouvait légalement mentionner, parmi les circonstances justifiant sa décision de ne pas organiser un nouveau débat public, le fait que le débat relatif à l'opportunité des priorités 1 et 2 du projet avait déjà été tranché par le Gouvernement ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de la Commission nationale du débat public du 2 septembre 2015 ;

Sur les conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la Commission nationale du débat public ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de SNCF Réseau est admise.

Article 2 : La requête présentée par le Collectif Stop LGV Sud Sainte Baume, l'association Stop LGV Sanary 2012, l'association Enterrons la LGV, l'association Stop Nuisance Cuers, la Confédération paysanne du Var et la commune d'Evenos est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la Commission nationale du débat public fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Collectif Stop LGV Sud Sainte Baume, à l'association Stop LGV Sanary 2012, à l'association Enterrons la LGV, à l'association Stop Nuisance Cuers, à la Confédération paysanne du Var, à la commune d'Evenos, à la Commission nationale du débat public et à SNCF Réseau.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 décembre 2018.

Le président assesseur,

S. DIÉMERTLa présidente,

S. PELLISSIERLe greffier,

M. A...La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA02181


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02181
Date de la décision : 06/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme NGUYÊN-DUY
Avocat(s) : ADDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-06;17pa02181 ?
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