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22/11/2018 | FRANCE | N°18PA02516

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 novembre 2018, 18PA02516


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 12 mars 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1805405/2-1 du 10 juillet 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2018, M.

B..., représenté par Me Stambouli, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1805405/2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 12 mars 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1805405/2-1 du 10 juillet 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2018, M. B..., représenté par Me Stambouli, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1805405/2-1 du 10 juillet 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 12 mars 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- le préfet de police aurait dû examiner sa situation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet était tenu de saisir la commission du titre de séjour en application des articles L. 312-1 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il réside depuis plus de dix ans sur le territoire français ;

- sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public pouvant justifier un refus de titre de séjour ;

- la décision est entachée d'erreur de fait dès lors qu'il a exposé le motif pour lequel la communauté de vie avec Mme A...n'était pas possible et qu'il a démontré entretenir des liens affectifs avec ses filles ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :

- la mesure d'éloignement sera annulée du fait de l'annulation de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- et les observations de Me Stambouli, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité iranienne, relève appel du jugement du 10 juillet 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 12 mars 2018 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

2. En premier lieu, si M. B... entend soulever le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée, il ressort des termes de cette décision qu'elle vise les textes dont il est fait application, et notamment l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de l'intéressé, notamment la date à laquelle il déclare être entré en France, la présence de ses cinq enfants mineurs sur le territoire français, la circonstance qu'il ne démontre pas s'occuper de ses enfants et participer à leur entretien et à leur éducation et que dès lors il ne remplit pas les conditions prévues par le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Elle indique également que M. B... a été condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis par un jugement prononcé le 25 novembre 2005 par le tribunal correctionnel de Paris pour violence sur conjoint ou concubin suivi d'incapacité n'excédant pas huit jours, qu'il a été suivi par une conseillère pénitentiaire d'insertion et de probation jusqu'au 28 février 2012 avec mise à l'épreuve jusqu'au 27 avril 2012 et qu'eu égard à la nature et à la gravité des infractions commises par l'intéressé, sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public justifiant un refus de titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le préfet de police a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision de refus de titre de séjour, et a, par suite, respecté les exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort de la fiche de salle remplie par M. B... le 16 janvier 2018 qu'il n'a pas présenté de demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'eu égard à sa présence de plus de dix ans en France, le préfet de police aurait dû examiner sa demande de titre de séjour au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et soumettre pour avis à la commission du titre de séjour sa demande de titre de séjour.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusée ou retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

5. Il ressort des pièces du dossier que par un jugement du 25 novembre 2005, le tribunal correctionnel de Paris a condamné M. B... à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis pour violence par conjoint ou concubin suivi d'incapacité n'excédant pas huit jours sur conjoint ou concubin et que l'intéressé a été suivi par une conseillère pénitentiaire d'insertion et de probation jusqu'au 28 février 2012 avec mise à l'épreuve jusqu'au 27 avril 2012. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et même si la condamnation prononcée en 2005 revêt un caractère ancien, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police a entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur d'appréciation en estimant que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public.

6. En quatrième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui réside habituellement en France depuis 2005, est le père de cinq enfants mineurs vivant sur le territoire français et qui sont issus, pour deux d'entre eux, de sa relation avec MmeC..., de nationalité iranienne, qui est titulaire d'une carte de résident portant la mention " réfugiée " valable jusqu'en 2016 et, pour les trois derniers, de sa relation avec MmeA..., de nationalité algérienne, qui vit en France sous couvert d'un certificat de résidence. Aucune pièce au dossier ne permet d'établir que le requérant contribue à l'éducation et à l'entretien de ses deux enfants issus de son union avec MmeC.... Par ailleurs, si M. B...soutient qu'il vit dans un studio et qu'il ne peut accueillir dans ce logement ses trois derniers enfants qui avec leur mère sont pris en charge par le SAMU social de Paris depuis 2012, mais qu'il participe à l'éducation et subvient à l'entretien de ces enfants, les pièces versées au dossier, et en particulier la " déclaration de ressources trimestrielles RSA " selon laquelle Mme A... a déclaré avoir reçu 300 euros au titre d'une pension alimentaire en mars, avril et mai 2018 sans toutefois en préciser l'origine, le récépissé d'une opération financière d'un montant de 300 euros en date du 27 mars 2018 qui ne mentionne pas son bénéficiaire, les certificats de scolarité des trois derniers enfants de M. B..., des attestations de parents d'élèves rédigées postérieurement à la décision contestée et des photographies le représentant avec ses trois dernières filles, sont insuffisantes pour établir que M. B..., qui exerce une activité professionnelle pour laquelle il a perçu au mois de janvier 2018 la somme de 1 173,60 euros, participe à l'éducation et subvient à l'entretien de ses trois derniers enfants. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour, qui n'est pas entachée d'erreur de fait, n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de séjour sur sa situation.

9. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. M. B...soutient que s'il ne peut accueillir dans le studio dans lequel il vit ses trois derniers enfants, nés en 2010, 2012 et 2014 de sa relation avec MmeA..., de nationalité algérienne, il participe néanmoins à leur éducation et à leur entretien. Toutefois, comme il a déjà été dit, le requérant ne produit aucune pièce qui, à la date de la décision contestée, attesterait de sa contribution financière, même faible, à l'entretien de ses trois derniers enfants qui avec leur mère sont pris en charge par le SAMU social de Paris depuis 2012. En outre, les pièces versées au débat ne permettent pas d'établir, à la date de la décision contestée, l'implication de M. B... dans l'éducation de ses enfants. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet de police a porté, pour prendre la décision en litige, une attention insuffisante à l'intérêt supérieur des enfants du requérant et qu'il a ainsi méconnu les stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. B... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté par voie de conséquence.

12. En second lieu, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation, de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 7 à 10 du présent arrêt.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

- Mme Guilloteau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 novembre 2018.

Le rapporteur,

V. LARSONNIERLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA02516


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02516
Date de la décision : 22/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : STAMBOULI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-11-22;18pa02516 ?
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