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22/11/2018 | FRANCE | N°17PA02883

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 novembre 2018, 17PA02883


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 18 août 2015 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son employeur, l'hôpital Saint-Camille, à procéder à son licenciement ainsi que la décision du 12 février 2016 par laquelle la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique dirigé contre cette décision.

Par un jugement n° 1602929 du 10 juillet 2017, le Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions du 18 août 2015 et du 12 février 2016.



Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 août 2017, l'associati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 18 août 2015 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son employeur, l'hôpital Saint-Camille, à procéder à son licenciement ainsi que la décision du 12 février 2016 par laquelle la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique dirigé contre cette décision.

Par un jugement n° 1602929 du 10 juillet 2017, le Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions du 18 août 2015 et du 12 février 2016.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 août 2017, l'association hôpital Saint-Camille, représentée par la SCP Bernard Hemery et Carole Thomas-Raquin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1602929 du 10 juillet 2017 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Melun ;

3°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'association hôpital Saint-Camille soutient que :

- le jugement entrepris est irrégulier faute de comporter les signatures du président, du rapporteur et du greffier ;

- la matérialité de l'altercation à l'initiative de Mme A...est établie ; c'est à cet égard à tort que les premiers juges ont refusé de tenir compte d'une attestation au motif qu'elle n'aurait pas été produite devant l'administration, alors que cette attestation se rapporte bien aux faits sur lesquels s'est prononcée l'administration et qu'elle a, en tout état de cause, bien été produite à l'inspecteur du travail ;

- les faits revêtent une gravité suffisante pour justifier d'un licenciement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2017, Mme A..., représentée par Me Fatrez, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'association hôpital Saint-Camille en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme A...fait valoir que :

- le moyen d'irrégularité du jugement manque en fait ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'était pas établie ;

- son employeur n'a à cet égard pas procédé à la moindre investigation avant que d'engager la procédure de licenciement à son encontre ;

- les faits en cause, une simple altercation verbale faisant suite à des propos racistes, ne revêtent pas une gravité suffisante pour justifier d'un licenciement.

Par un mémoire, enregistré le 11 juillet 2018, la ministre du travail s'associe aux conclusions de la requête de l'association hôpital Saint-Camille tendant à l'annulation du jugement n° 1602929 du 10 juillet 2017 du Tribunal administratif de Melun et au rejet de la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Melun.

La ministre soutient que les rapports établis par ses services attestent de la matérialité et de la gravité des faits, qui justifient légalement la délivrance de l'autorisation de licenciement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guilloteau,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- les observations de Me B...de la SCP Bernard Hemery et Carole Thomas-Raquin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'association hôpital Saint-Camille,

- et les observations de Me Fatrez, avocat de MmeA....

Considérant ce qui suit :

1. L'hôpital Saint-Camille a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier MmeA..., agent des services hospitaliers, élue déléguée du personnel titulaire. Par une décision du 18 août 2015, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de la salariée pour faute grave, au motif que l'intéressée avait été à l'initiative d'une agression verbale et physique de deux collègues. Par une décision expresse du 12 février 2016, la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique formée par MmeA.... Par la présente requête, l'hôpital Saint-Camille demande l'annulation du jugement du 10 juillet 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions du 18 août 2015 et du 12 février 2016.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces produites par l'hôpital Saint-Camille lui-même que le jugement du Tribunal administratif de Melun comporte, en sa page 5, la signature de la rapporteure, de la présidente et du greffier. Le moyen tiré de l'irrégularité dont il serait entaché doit dès lors être écarté comme manquant en fait.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Enfin, il résulte des dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail que, lorsqu'un doute subsiste au terme de l'instruction diligentée par le juge sur l'exactitude matérielle des faits à la base des griefs formulés par l'employeur contre le salarié, ce doute profite au salarié.

4. Pour autoriser le licenciement pour faute de MmeA..., la décision du 18 août 2015 est fondée sur le motif que " les faits qui sont établis dans une situation dont Mme A...est à l'initiative et en ce qu'ils comportent, en particulier, des actes physiques, sont d'une gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat de travail ". La ministre, dans sa décision du 12 février 2016 a estimé que " les témoignages produits par l'employeur sont suffisamment circonstanciés et donc probants pour établir la matérialité des faits fautifs qui doit être regardée comme établie et que le comportement agressif et menaçant de Mme A...dirigé contre ses collègues de travail le 23 juillet 2015, ainsi que les insultes tenues à leur encontre, sont d'une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement ".

5. Il ressort, d'une part, des pièces du dossier qu'une altercation a eu lieu le 23 juillet 2015 au matin entre MmeA... et deux collègues de travail, dans la cage d'escalier menant aux vestiaires. Ces deux personnes ont relaté par écrit cette altercation, en indiquant que cette dernière aurait proféré des menaces et deux insultes à leur encontre et qu'elle aurait poussé l'une d'elle dans le dos, l'amenant violemment vers le sol. L'hôpital Saint-Camille produit par ailleurs un témoignage d'une tierce personne, qui indique seulement être passée à proximité des protagonistes, avoir constaté leur altercation et avoir vu Mme A...pousser l'une de ses collègues, sans davantage de précision. L'une des deux collègues partie à l'altercation a par ailleurs indiqué que Mme A...l'aurait ensuite attendue dans le parking, avant que de quitter son lieu de travail. Mme A...soutient pour sa part s'être adressée à ces deux personnes pour avoir des explications sur des remarques désobligeantes et racistes sur son travail qui auraient été faites à l'occasion d'une réunion de service, que l'une d'elles aurait alors proféré des remarques du même ordre, causant une altercation verbale, mais Mme A...nie avoir eu tout geste de violence comme avoir tenté de poursuivre l'altercation dans le parking. Elle produit en outre plusieurs témoignages de collègues présentes qui indiquent qu'aucun événement particulier ne serait survenu dans le parking. Ainsi, si la réalité de l'altercation est établie, un doute subsiste néanmoins sur les conditions de sa survenue, son déroulé exact comme sur l'existence ou non de gestes de violence physique, alors qu'aucun entretien n'a été mené en présence des trois personnes concernées.

6. D'autre part, Mme A...travaille au sein de l'hôpital Saint-Camille depuis le 29 octobre 2004. Si elle fait l'objet en janvier 2014 et février 2015 de mises à pied d'un puis deux jours à titre de sanction, il ressort des pièces du dossier que lui étaient alors reprochés des manquements dans l'accomplissement de ses tâches. L'altercation du 23 juillet 2015 constitue ainsi un fait isolé au cours des onze années de travail de la salariée au sein de l'entreprise.

7. Dans ces conditions, l'altercation du 23 juillet 2015 ne constitue pas une faute d'une gravité suffisante de nature à justifier un licenciement.

8. Il résulte de tout ce qui précède que l'association hôpital Saint-Camille n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 18 août 2015 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de Mme A...ainsi que la décision du 12 février 2016 par laquelle la ministre a rejeté le recours hiérarchique formé contre cette décision. La requête de l'association hôpital Saint-Camille tendant à l'annulation du jugement du 10 juillet 2017 doit par suite être rejetée.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeA..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'association hôpital Saint-Camille demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'association hôpital Saint-Camille une somme de 1 500 euros à verser à Mme A...sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association hôpital Saint-Camille et les conclusions de la ministre du travail sont rejetées.

Article 2 : L'association hôpital Saint-Camille versera à Mme A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association hôpital Saint-Camille, à la ministre du travail et à Mme C....

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

- Mme Guilloteau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 novembre 2018.

Le rapporteur,

L. GUILLOTEAULe président,

J. LAPOUZADELe greffier,

Y. HERBER La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA02883


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02883
Date de la décision : 22/11/2018
Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Laëtitia GUILLOTEAU
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SELARL RSDA

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-11-22;17pa02883 ?
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