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23/03/2018 | FRANCE | N°17PA01611

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 23 mars 2018, 17PA01611


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ingénierie financière et fiscale Nouvelle-Calédonie (I2F NC) a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser une somme de 19 147 640 francs CFP.

Par un jugement n° 1600300 du 9 mars 2017, le tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés les 8 mai 2017, 13 décembre 2017, 2 et 9 février 2018, la soci

été I2F NC, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ingénierie financière et fiscale Nouvelle-Calédonie (I2F NC) a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser une somme de 19 147 640 francs CFP.

Par un jugement n° 1600300 du 9 mars 2017, le tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés les 8 mai 2017, 13 décembre 2017, 2 et 9 février 2018, la société I2F NC, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser une somme de 19 147 640 francs CFP ;

3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie le versement d'une somme de 250 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société I2F NC soutient qu'elle a subi un préjudice correspondant à la perte de l'avantage fiscal attaché au programme d'investissement résultant de sa quote-part dans la société NC Invest 2012 I, d'un montant de 15 067 560 francs CFP, et des intérêts de retard y afférents, en raison des agissements fautifs de la Nouvelle-Calédonie dans la gestion de l'agrément délivré à la SARL Pains du coeur.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 janvier et 26 février 2018, la

Nouvelle-Calédonie, représentée par la SCP Potier de la Varde - Buk Lament - Robillot, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société I2F NC le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Nouvelle-Calédonie soutient que :

- la demande indemnitaire de la société I2F NC n'est pas recevable ;

- les moyens invoqués par la société I2F NC ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;

- le code général des impôts ;

- le code des impôts de Nouvelle-Calédonie ;

- l'arrêté n° 2008-523/GNC du 29 janvier 2008 relatif à l'application des articles Lp. 45 ter 1 et Lp. 45 ter 2 du code des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Boissy, rapporteur,

- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,

- et les observations de Me Robillot, avocat de la Nouvelle-Calédonie.

1. Considérant que la SARL Pains du coeur, dont l'activité est la boulangerie industrielle, a souhaité réaliser un programme d'investissement, d'un montant total d'environ 160 000 000 francs CFP, éligible tant au dispositif de défiscalisation métropolitain qu'à celui prévu localement en Nouvelle-Calédonie, consistant en la réalisation d'une unité de fabrication de produits de viennoiserie surgelés située sur le territoire de la commune de Voh ; que, pour le montage financier et administratif de cette opération, la SARL Pains du coeur a mandaté la société ingénierie financière et fiscale Nouvelle-Calédonie (I2F NC), qui a pour objet la réalisation d'études et de prestations d'ingénierie financière et fiscale relatives au financement des projets d'investissement et notamment la recherche et l'étude de projets, la recherche d'investisseurs publics ou privés, la recherche et l'étude de tous types de financements et la coordination de montages financiers et fiscaux ; que, le 22 décembre 2010, la société I2F NC, agissant pour le compte de la SARL Pains du coeur, a sollicité l'agrément prévu par le IV de l'article Lp. 45 ter 1 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie qui lui a été accordé, sous certaines conditions, par un arrêté du 10 avril 2012 ; qu'à la suite d'une demande présentée par la société I2F NC, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a, par un arrêté du 7 août 2012, modifié son arrêté du 10 avril 2012 ; que, pour assurer le financement de l'opération, une société civile, la société NC Invest 2012 I, a spécialement été créée en vue de recueillir les apports des investisseurs ; qu'ont ainsi souscrit au capital social de cette société huit personnes physiques ou morales au nombre desquelles figure la société I2F NC, laquelle a procédé à des apports de 25 112 601 francs CFP et détient 20 % du capital social de la société NC Invest 2012 I ; que, le 17 avril 2013, la directrice des services fiscaux a refusé de délivrer le certificat administratif mentionné au VI de l'article Lp. 45 ter 1 ; que, le 15 avril 2016, la société I2F NC a demandé au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de l'indemniser du préjudice qu'elle estimait avoir subi en raison des fautes commises par l'administration fiscale dans la gestion de la procédure d'agrément ; que cette demande a été implicitement rejetée ; que, par un jugement du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté la demande de la

société I2F NC tendant à la condamnation de la Nouvelle-Calédonie à lui verser une somme de 19 147 640 francs CFP ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation et de condamnation :

En ce qui concerne les fautes de la Nouvelle-Calédonie :

2. Considérant, en premier lieu, que si la société requérante fait valoir que l'administration fiscale a traité la demande d'agrément de la SARL Pains du coeur dans un délai anormalement long et n'a pas respecté le délai de quatre mois prévu par l'article 2 de l'arrêté n° 2008-523/GNC du 29 janvier 2008, le retard avec lequel l'agrément a été délivré n'a, en tout état de cause, pas pu être à l'origine du préjudice dont elle demande réparation ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que la société I2F NC soutient qu'en incitant les acteurs de l'opération à poursuivre le projet d'investissement après l'expiration du délai de trois mois imparti à la SARL Pains du coeur pour porter à sa connaissance l'identité des investisseurs, délai au-delà duquel l'agrément était, en application de l'article 8 de l'arrêté du 10 avril 2012, résolu de plein droit, puis en se fondant sur un tel motif pour refuser de délivrer le certificat administratif sollicité, la Nouvelle-Calédonie a commis une faute ;

4. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées du I de l'article Lp. 45 ter 1 et des articles Lp. 45 ter 2 et 49 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, les membres des sociétés civiles peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt pour tout financement égal ou supérieur à dix millions de francs CFP dans un programme d'investissement productif neuf réalisé en Nouvelle-Calédonie, dont le montant est au moins égal à 50 millions de francs CFP ; qu'aux termes du VI de l'article Lp. 45 ter 1 du même code : " (....) L'entreprise bénéficiaire de l'agrément doit fournir au service chargé de l'instruction, dans un délai de trois mois maximum à compter de la notification de la décision d'agrément, les éléments définis par un arrêté du gouvernement relatifs aux investisseurs ayant apporté leur financement et indiquer la durée prévisionnelle du portage du financement. / Un certificat administratif relatif au montant du crédit d'impôt, à la période d'imputation et au taux de la rétrocession à reverser à l'entreprise réalisant l'investissement est notifié par le service chargé de l'instruction, à chacun des investisseurs financiers dans les conditions définies par un arrêté du gouvernement (...) / A défaut de fournir dans le délai précité, éventuellement prorogé d'un mois, sur demande motivée de l'entreprise, les éléments relatifs aux investisseurs financiers, la décision d'agrément concernant le programme d'investissement devient caduque de plein droit et l'entreprise pétitionnaire devra présenter, le cas échéant, une nouvelle demande d'agrément (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 10 avril 2012, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a délivré à la SARL Pains du coeur l'agrément sollicité sur le fondement de l'article Lp. 45 ter 1 en l'assortissant de certaines conditions et, en particulier, d'une condition suspensive tenant à l'obligation de produire " un rescrit de la direction générale des finances publiques confirmant l'éligibilité du projet au bénéfice de l'aide fiscale à l'investissement

outre-mer de plein droit dans un délai maximum d'un mois " à compter de la délivrance de ce rescrit et d'une condition résolutoire tenant à l'obligation de produire, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêté d'agrément, " l'identification des investisseurs s'engageant à apporter les financements " ;

6. Considérant, d'une part, que, le 10 mai 2012, la société I2F NC, agissant pour le compte de la SARL Pains du coeur, a demandé la suppression de la condition suspensive figurant dans l'arrêté d'agrément au motif que le rescrit sollicité n'était pas légalement exigible et que les délais d'attente pour obtenir de tels rescrits étaient en général particulièrement longs ; que, par un arrêté du 7 août 2012, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, après avoir estimé, notamment, que les dirigeants de la société I2F NC s'étaient " engagés sur l'éligibilité du projet d'investissement au régime de plein droit d'aide fiscale à l'investissement d'outre-mer et que, dans ces conditions, il est apparu possible de reclasser cette clause parmi celles à caractère résolutoire, permettant ainsi de conférer à l'arrêté d'agrément un caractère immédiatement exécutoire, étant rappelé que, dans son pouvoir de contrôle général prévu notamment à l'article 921 du code des impôts, l'administration conserve la possibilité d'un contrôle fiscal ultérieur dans son délai de répétition ", a décidé de supprimer la condition suspensive initiale et de modifier l'article 8 de l'arrêté d'agrément en instituant une nouvelle condition résolutoire constituée par l'engagement de la société à présenter aux services fiscaux " une attestation d'éligibilité du projet au bénéfice de l'aide fiscale à l'investissement outre-mer de plein droit de l'Etat dans un délai de deux mois à compter de la notification " de cet arrêté modificatif ;

7. Considérant, d'autre part, que, le 2 août 2012, la société I2F NC, pour le compte de la SARL Pains du coeur, a communiqué à l'administration fiscale l'identité de deux investisseurs pour le programme d'investissement et l'a également informée de ce qu'elle lui transmettrait " les détails des financements ", conformément à l'article 3 de l'arrêté n° 2008-523 GNC du 29 janvier 2008, dans un délai de trente jours suivants la perception des fonds ; qu'en réponse à ce courrier et à la suite d'une conversation téléphonique, la directrice des services fiscaux a apporté à la société I2F NC, par un courrier du 7 août 2012, certaines " précisions " sur ses obligations déclaratives en matière de dénomination des investisseurs et lui a par ailleurs indiqué qu'" une substitution ultérieure partielle ou totale des investisseurs financiers parmi ceux initialement dénommés, dès lors que celle-ci est portée à la connaissance de l'administration fiscale et permet d'assurer en toute sécurité juridique le financement global de l'investissement, pourra être examinée " ; que, par un courrier du 1er octobre 2012, la société I2F NC a ensuite rectifié et complété, de manière définitive, la liste des investisseurs en précisant l'identité des huit investisseurs ainsi que le montant de leur investissement ; qu'enfin, le 7 novembre 2012, elle a communiqué à l'administration fiscale les documents justifiant la " levée de fonds " opérée chez ces investisseurs ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'arrêté du 10 avril 2012 a été notifié le 18 avril 2012 à la société I2F NC et que celle-ci n'avait pas encore transmis à l'administration fiscale, le 18 juillet 2012, les éléments requis identifiant les investisseurs s'engageant à apporter les financements du programme ; que la condition résolutoire prévue à l'article 8 de l'arrêté d'agrément était ainsi susceptible de s'appliquer de plein droit ; que, compte tenu des termes de l'arrêté modificatif et du courrier du 7 août 2012, respectivement mentionnés aux points 6 et 7, les autorités de la Nouvelle-Calédonie n'ont pourtant pas informé la société, le 7 août 2012, de l'inutilité de modifier les termes du projet d'agrément compte tenu de la résolution de plein droit de l'arrêté du 10 avril 2012 et ne l'ont pas davantage invitée, le cas échéant, à présenter, si elle si croyait fondée, une nouvelle demande d'agrément ; que, compte tenu des motifs, mentionnés au point 6, énoncés pour justifier la modification de l'agrément, eu égard également aux éléments échangés entre le 2 août 2012 et le 7 novembre 2012, précisés au point 7, la Nouvelle-Calédonie en décidant, comme elle l'a fait, de modifier un arrêté qui était pourtant réputé caduc depuis le 18 juillet 2012 et en se bornant à apporter des " précisions " sur les obligations déclaratives en matière de dénomination des investisseurs, a donné à la société IF2 NC des informations qui permettaient légitimement à cette dernière de considérer que, sous réserve qu'elle s'acquitte de son obligation de produire " l'attestation d'éligibilité ", l'agrément était encore valable et le programme en cours toujours susceptible de bénéficier du crédit d'impôt sur le fondement de l'article Lp. 45 ter 1 ; qu'en incitant la société I2F NC, par de telles informations, à poursuivre son projet d'investissement, la Nouvelle-Calédonie a ainsi commis une faute ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des dispositions combinées du II et du VII de l'article Lp. 45 ter 1 et de l'article Lp. 45 ter 2 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, les financements d'un programme d'investissement productif neuf en Nouvelle-Calédonie peuvent notamment être faits par des apports en compte courant non rémunérés effectués par les associés de la société civile réalisant le projet qui sont réputés réalisés à la date de versement des fonds ; que les associés doivent en outre conserver les parts qu'ils ont souscrites dans cette société civile au moins jusqu'à la date de réalisation complète du programme d'investissement agréé, qui doit être achevé dans un délai maximal de soixante mois à compter de la date d'octroi de l'agrément ;

10. Considérant que si ces dispositions ne fixent aucune condition quant à la date de l'apport des financements éligibles au crédit d'impôt, elles ont toutefois pour objet d'inciter les personnes morales à financer des projets d'investissement déterminés ; que, dès lors, le crédit d'impôt institué par ces dispositions ne trouve en principe pas à s'appliquer pour un programme d'investissement qui se trouve entièrement achevé à la date à laquelle les financements sont réalisés ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier des courriers du directeur de la société I2F NC et du gérant de la SARL Pains du coeur en date du 3 octobre 2012, des photocopies des chèques des investisseurs et de l'extrait du compte bancaire détenu par la société NC Invest 2012 I auprès de la société générale calédonienne de banque pour la période allant du 1er au 31 octobre 2012, et qu'il n'est au demeurant pas contesté, que, le 5 octobre 2012, la société NC Invest 2012 I a encaissé sur son compte bancaire la somme de 132 832 101 francs CFP, correspondant au montant total des sommes versées par ses associés au titre du financement du programme d'investissement et a ensuite versé à la SARL Pains du coeur, le 10 octobre 2012, une somme de 125 052 601 francs CFP alors que la " mise en production commerciale de l'usine Pains du coeur à Voh " était déjà " effective depuis le 1er octobre 2012 " ; qu'il résulte également de l'instruction que les contrats de location, les " attestations " et les " engagements de sortie " établis par les six SNC et la SARL Pains du coeur ont tous été établis en novembre 2011 ; que, dans ces conditions, le programme d'investissement doit être regardé comme étant déjà entièrement achevé à la date à laquelle les associés de la société NC Invest 2012 I ont apporté leurs financements ; que, dès lors, la directrice des services fiscaux n'a pas commis de faute en se fondant également sur un tel motif pour refuser de délivrer le certificat administratif sollicité ;

12. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du IV de l'article Lp. 45 ter 1 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie : " Lorsque l'aide à l'investissement outre-mer prévue par le code général des impôts métropolitain, sollicitée par l'entreprise réalisant l'investissement, requiert un agrément, sa demande doit l'être dans des conditions identiques à celle déposée pour l'obtention de l'agrément au présent régime. La délivrance de l'agrément prévu par le régime d'aide fiscale à l'investissement outre-mer métropolitain constitue une condition suspensive à la délivrance de l'agrément au présent régime, sauf dérogation expresse accordée par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie " ;

13. Considérant qu'en supprimant la condition suspensive liée à l'obtention d'un " rescrit " en y substituant la condition résolutoire liée à l'" attestation d'éligibilité ", le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie doit être regardé comme ayant accordé une dérogation, au sens du IV de l'article Lp. 45 ter 1 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, dans le but de permettre à la société I2F NC d'obtenir rapidement un document de la part de l'administration fiscale métropolitaine corroborant les informations que cette société avait elle-même transmises à l'administration fiscale calédonienne selon lesquelles le programme d'investissement ne nécessitait pas d'agrément ministériel ;

14. Considérant qu'aux termes du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent (....) en Nouvelle-Calédonie (...). Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 (...) dont les parts sont détenues directement, ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société (...). La réduction d'impôt prévue au présent I s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location si les conditions mentionnées aux quatorzième à dix-septième alinéas du I de l'article 217 undecies sont remplies (...) " ; que, selon le 1 du II du même article : " Les investissements mentionnés au I et dont le montant total par programme et par exercice est supérieur à 1 000 000 euros ne peuvent ouvrir droit à réduction que s'ils ont reçu un agrément préalable du ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III de l'article 217 undecies. / Les dispositions du premier alinéa sont également applicables aux investissements mentionnés au I et dont le montant total par programme et par exercice est supérieur à 250 000 euros, lorsque le contribuable ne participe pas à l'exploitation au sens des dispositions du 1° bis du I de l'article 156. Le seuil de 250 000 euros s'apprécie au niveau de l'entreprise, société ou groupement qui inscrit l'investissement à l'actif de son bilan ou qui en est locataire lorsqu'il est pris en crédit-bail auprès d'un établissement financier " ; qu'il résulte des termes mêmes du second alinéa du 1 du II de l'article 199 undecies B que, lorsque le contribuable ne participe pas à l'exploitation du bien investi, c'est au niveau de l'entreprise qui a inscrit l'investissement à l'actif de son bilan que s'apprécie le seuil au-delà duquel un agrément est exigé ;

15. Considérant qu'il résulte de l'instruction, que, dans le cadre du volet métropolitain de l'opération, la société I2F NC a créé six sociétés en nom collectif (SNC) immatriculées au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Paris en avril 2011 ; que ces sociétés ont ensuite acquis l'essentiel des bien productifs nécessaires à l'exploitation de l'unité de fabrication de produits de viennoiserie surgelés ; que la SNC Cofina 642 a ainsi acquis des " équipements de conditionnement " pour un montant de 6 201 893 francs CFP HT, soit 51 972 euros HT, la SNC Cofina 685 a acquis " 420 plaques pâtissière alu, 10 échelles, 15 chariots de cuisson, 270 filets de cuisson, 60 plaques pâtissières, 2 fours à chariot + montage, 3 bruleurs, 21 chariots de cuisson pour plaque, 100 plaques et des accessoires de raccordement " pour un montant de 13 767 364 francs CFP HT, soit 115 370 euros HT, la SNC Cofina 686 a acquis des " fournitures pour isolation d'une unité de production et fournitures des équipements frigorifiques " pour un montant de 28 556 215 francs CFP HT, soit 239 301 euros HT, la SNC Cofina 687 a acquis " un doseur mélangeur électronique, une tour, une plonge, une table inox, une caisse, un pétrin spirale, un batteur mélangeur, des équipements de réduction, un laminoir manuel et un refroidisseur d'eau pour un montant de 28 801 015 francs CFP HT, soit 241 352 euros HT, la SNC Cofina 688 a acquis " une ligne d'appretage livrée et installée et la fourniture de bacs " pour un montant de 28 910 878 francs CFP HT, soit 242 273 euros HT et, enfin, la SNC Cofina 689 a acquis " une tour, une plaque, un lave-main et un pistolet doreur " pour un montant de 6 513 328 francs CFP HT, soit 54 382 euros HT ; que, par des contrats signés le 9 novembre 2011, chacune de ces six sociétés a donné ces équipements en location à la SARL Pains du coeur ;

16. Considérant, il est vrai, que, compte tenu du montant des investissements inscrits à l'actif de chaque SNC métropolitaine, qui sont tous inférieurs au seuil de 250 000 euros, aucun agrément métropolitain ne semblait requis, au regard des éléments versés au dossier, pour l'opération en litige ; qu'il ressort toutefois du courrier du 30 avril 2013 du ministre de l'économie et des finances que ni la SARL Pains du Coeur ni la société I2F NC n'ont engagé de démarches tendant à obtenir " l'attestation d'éligibilité " mentionnée au dernier alinéa de l'article 8 de l'arrêté du 10 avril 2012 tel que modifié par l'arrêté du 7 août 2012 alors que les contrats de location, les " attestations " et les " engagements de sortie " des SNC et de la SARL Pains du coeur ont tous été établis dès novembre 2011 ; qu'ainsi, en ne respectant pas la condition liée à la production de l'" attestation d'éligibilité ", alors qu'elle disposait pourtant de l'ensemble des informations de nature à permettre à l'administration fiscale de délivrer à bref délai, en principe, un tel document, la société I2F NC a, par son comportement, provoqué la résolution de plein droit de l'arrêté d'agrément ;

En ce qui concerne le préjudice subi par la société I2F NC :

17. Considérant que la société I2F NC soutient qu'elle a subi un préjudice correspondant à la perte de l'avantage fiscal attaché au programme d'investissement résultant de sa quote-part dans la société NC Invest 2012 I, d'un montant de 15 067 560 francs CFP, et des intérêts de retard y afférents, en raison des agissements fautifs de la Nouvelle-Calédonie dans la gestion de l'agrément délivré à la SARL Pains du coeur ;

18. Considérant qu'aux termes de l'article Lp. 45 ter 1 du code des impôts de

Nouvelle-Calédonie : " (...) V. Le crédit d'impôt s'élève à une quote-part du montant du financement éligible arrêté par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, apporté au programme d'investissement agréé, égale à : / a) 45 % du montant du financement éligible, lorsque le programme d'investissement est situé dans les communes de Nouméa, Païta, Dumbéa et Mont-Dore, à l'exception de leurs îlots ; / b) 60 % du montant du financement éligible, lorsque le programme d'investissement est situé dans les autres communes et sur les îlots des communes visées au a) ci-dessus (...) / VI - Une partie de l'avantage en impôt procuré par l'imputation du crédit d'impôt au titre du financement agréé est rétrocédée à l'entreprise ayant réalisé l'investissement, sous forme d'une minoration du remboursement de la valeur des titres émis ou des apports en compte courant. / Le taux net de rétrocession minimal est fixé à : / a) 70 % lorsque l'investisseur s'engage à maintenir son financement pour une durée comprise entre six et douze mois (...) " ; qu'aux termes de l'article Lp. 45 ter 2 du même code : " (...) La quote-part du crédit d'impôt revenant à chaque associé est imputable, selon le cas, sur l'impôt sur les sociétés ou sur l'impôt sur le revenu des personnes physiques défini à l'article 46, dans les mêmes limites et délais que fixés au V de l'article Lp. 45 ter 1 (...) " ;

19. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'arrêté d'agrément, du document " engagements pris par la société civile NC Invest 2012 I " et de l'" attestation de l'investisseur " du 3 octobre 2012, que la société I2F NC s'était engagée, conformément aux dispositions mentionnées au point 15, à rétrocéder 10 547 292 francs CFP à la SARL Pains du coeur sur les 15 067 560 francs CFP qu'elle était susceptible d'obtenir au titre de sa quote-part du crédit d'impôt ; que, dès lors, le préjudice maximal susceptible d'être subi par la société I2F NC au titre de la perte de l'avantage fiscal en cause s'élève, non pas à 15 067 560 francs CFP, mais à 4 520 268 francs CFP ;

20. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui vient d'être dit que la

Nouvelle-Calédonie n'a pas commis de faute en refusant de délivrer le certificat administratif après avoir constaté que le programme d'investissement se trouvait entièrement achevé à la date à laquelle les financements ont été réalisés ; que si la Nouvelle-Calédonie, par ses agissements fautifs mentionnés au point 8, a pu inciter à la poursuite du projet d'investissement, la finalisation en a toutefois été organisée par la société I2F NC, entre la fin du mois de septembre et le début du mois de novembre 2012, par la souscription des apports des investisseurs, dont la société I2F NC, alors que le programme d'investissement était pourtant achevé ; que la société I2F NC n'a pas davantage, ainsi qu'il a été dit au point 16, respecté la condition liée à la production de l'" attestation d'éligibilité " ; que, dans ces circonstances, la seule faute commise par la Nouvelle-Calédonie n'a pas constitué la cause directe et certaine du préjudice que la société I2F NC allègue avoir subi ; que les conditions d'engagement de la responsabilité de la Nouvelle Calédonie sur un fondement quasi-délictuel ne sont par suite pas réunies ;

21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, que la société requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'annulation et de condamnation doivent par suite être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande la société I2F NC au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société I2F NC la somme que demande la Nouvelle-Calédonie au titre de ces mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Ingénierie financière et fiscale Nouvelle-Calédonie est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la Nouvelle-Calédonie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ingénierie financière et fiscale

Nouvelle-Calédonie et à la Nouvelle-Calédonie.

Copie en sera adressée au ministre des Outre-mer et au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Heers, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

M. Boissy, premier conseiller,

Lu en audience publique le 23 mars 2018.

Le rapporteur,

L. BOISSYLe président,

M. HEERSLe greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 17PA01611 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-01-03 Procédure. Introduction de l'instance. Exception de recours parallèle.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE - BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 23/03/2018
Date de l'import : 03/04/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17PA01611
Numéro NOR : CETATEXT000036746680 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-03-23;17pa01611 ?
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