La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/2018 | FRANCE | N°16PA02690

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 02 février 2018, 16PA02690


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1500386 du 10 juin 2016, le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a déchargé Mme B...des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels elle avait été assujettie au titre des années 2010 et 2011.

Procédure devant la Cour :

Par une re

quête, un mémoire ampliatif et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 16 août 2016, 20 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1500386 du 10 juin 2016, le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a déchargé Mme B...des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels elle avait été assujettie au titre des années 2010 et 2011.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire ampliatif et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 16 août 2016, 20 décembre 2016 et 11 janvier 2017, la

Nouvelle-Calédonie, représentée par la SCP Potier de la Varde - Buck Lament - Robillot, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500386 du 10 juin 2016 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de remettre à la charge de Mme B...les suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 2010 et 2011 ;

3°) de mettre à la charge de Mme B...le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Nouvelle-Calédonie soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité pour omission à statuer quant à sa demande de substitution de base légale ;

- c'est à tort que le tribunal, se fondant sur la décision n° 2016-539 QPC du 10 mai 2016 du Conseil constitutionnel, a estimé que l'époux de Mme B...devait être pris en compte pour le quotient familial du foyer dès lors que la Nouvelle-Calédonie avait demandé une substitution de base légale, en l'espèce le c) du III de l'article Lp. 52 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, qui, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, ne pouvait être écartée dès lors que Mme B...avait abandonné le domicile conjugal ; à titre subsidiaire, elle avait formulé une autre demande de substitution de base légale qui, fondée sur les articles Lp. 56 et Lp. 138 de ce code permettait, tout en prenant en compte l'époux de Mme B...dans le quotient familial sans inclure les revenus de ce dernier dans ceux du foyer imposable en Nouvelle-Calédonie, d'imposer le foyer fiscal de Mme B...par application d'un taux déterminé en tenant compte des revenus d'origine métropolitaine de l'époux minorés de l'impôt que ce dernier aurait acquitté en France métropolitaine ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2017, MmeB..., représentée par

MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que la Cour mette à la charge de la Nouvelle-Calédonie le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun moyen d'appel n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;

- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;

- le code civil ;

- la décision n° 2016-539 QPC du 10 mai 2016 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Auvray, rapporteur,

- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,

- et les observations de Me C...représentant la Nouvelle-Calédonie.

1. Considérant que MmeB..., fonctionnaire du ministère de l'intérieur en poste à la préfecture de la Manche, a été à sa demande affectée temporairement en

Nouvelle-Calédonie, du 2 juin 2009 au 24 juillet 2011 ; qu'ayant déclaré être mariée avec trois enfants à charge pour l'année 2010 et deux enfants à charge pour l'année 2011, Mme B... a bénéficié, conformément aux dispositions des articles 133 et Lp. 134 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, respectivement de 3,5 parts et de 3 parts ; qu'à l'issue du contrôle sur pièces dont son dossier a fait l'objet, la direction des services fiscaux de la Nouvelle-Calédonie a, par notification de redressement du 16 septembre 2013, ramené le nombre de parts respectivement à 2,5 à 2 au motif que son époux, resté en métropole où il exerçait une activité professionnelle, ne satisfaisait à aucun critère de domiciliation fiscale en Nouvelle-Calédonie ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article Lp. 52 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie dans leur version dont le service a fait application : " Sauf application des dispositions figurant aux paragraphes III et IV, les personnes mariées ayant chacune leur domicile fiscal en Nouvelle-Calédonie sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge constituant le foyer fiscal. Cette imposition est établie aux noms de chacun des époux ou épouses (...). Le terme contribuable employé au premier alinéa s'entend de la personne ou des époux faisant l'objet d'une même imposition " ; qu'aux termes de l'article 133 de ce code : " Le nombre de parts à prendre en considération (...) est fixé comme suit en fonction de la situation de famille : (...) - mariés, soumis à une imposition commune, sans enfant à charge : 2,0 (...) " ;

3. Considérant que, statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité qui, posée par MmeB..., lui avait été renvoyée par le Conseil d'Etat, le Conseil constitutionnel a, par sa décision n° 2016-539 QPC du 10 mai 2016, jugé contraires à la Constitution les mots " ayant chacun leur domicile fiscal en Nouvelle-Calédonie " figurant dans la première phrase du deuxième alinéa du paragraphe I de l'article Lp. 52 du code des impôts ; qu'il suit de là que Mme B...est fondée à soutenir que la direction des services fiscaux de la

Nouvelle-Calédonie ne pouvait pas lui opposer la circonstance que le domicile fiscal de son époux ne se situait pas en Nouvelle-Calédonie pour en déduire, sur le fondement du I de l'article Lp. 52, qu'ils n'étaient pas soumis à une imposition commune et que la part de ce dernier ne pouvait par conséquent pas être prise en compte dans son quotient familial ;

4. Considérant, toutefois, que l'administration peut, à tout moment de la procédure, invoquer un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition ; qu'une telle substitution de base légale ne saurait, toutefois, avoir pour effet de priver le contribuable des garanties de procédure prévues par la loi et notamment de la faculté de demander la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque celle-ci est compétente pour connaître du différend, ce qui n'est en l'espèce pas le cas ;

5. Considérant qu'aux termes du III de l'article Lp. 52 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie : " Les époux font l'objet d'impositions distinctes : (...) b. lorsqu'ils sont en instance de séparation de corps ou de divorce, ils ont été autorisés à avoir des résidences séparées ; c. lorsqu'en cas d'abandon du domicile conjugal par l'un ou l'autre des époux, chacun dispose de revenus distincts " ;

6. Considérant que, devant la Cour, la Nouvelle-Calédonie maintient la demande, qu'elle avait formulée à titre subsidiaire dans son mémoire du 31 décembre 2015 devant le tribunal administratif, de fonder les suppléments litigieux d'impôt sur le revenu sur les dispositions du c. du III de l'article Lp. 52 qui nécessitent, outre une simple résidence séparée des époux autorisée par les dispositions de l'article 108 du code civil, que soit établie la rupture de la vie commune ;

7. Considérant que Mme B...soutient qu'elle est venue en Nouvelle-Calédonie avec ses trois enfants suite à une mutation professionnelle et que son époux, qui n'a pu la suivre pour des raisons professionnelles, l'y aurait rejointe entre le mois de décembre 2009 et la fin du mois de février 2010 pendant qu'il bénéficiait d'un congé sans solde ; que l'intimée relève que s'il est exact que son mari et elle ont engagé une procédure de divorce, ce dernier n'a été prononcé que par jugement du 18 décembre 2014 et qu'ils n'ont été autorisés à résider séparément par ordonnance de non-conciliation qu'à compter du 9 janvier 2012, tous événements qui, postérieurs aux années d'imposition en litige, font obstacle à ce que les membres du couple fassent l'objet d'une imposition séparée sur le fondement du b. du III de l'article Lp. 52 du code des impôts ; que cependant, comme il a été dit au point précédent, c'est sur le fondement du c. du III de l'article Lp. 52 du code des impôts de la

Nouvelle-Calédonie que le service entend désormais fonder les suppléments litigieux d'impôt sur le revenu ;

8. Considérant qu'il est constant que le mari de Mme B...disposait de revenus propres et a fait l'objet d'une imposition distincte en France métropolitaine au titre des années en cause ; qu'il résulte en outre de l'instruction que l'intéressée, dans une note qu'elle a jointe à ses déclarations de revenus souscrites au titre des années 2010 et 2011, a mentionné qu'elle et son époux avaient pris la décision de divorcer dès le mois de mars 2010, ce qui est établi par une note d'honoraires d'avocat qui, datée du 31 mars 2010, est relative à une procédure de divorce, étant en outre précisé que le couple avait cédé la maison familiale dès avant le départ de Mme B...pour la Nouvelle-Calédonie et que la personne avec qui Mme B...s'installera à son retour en métropole, à Poitiers, a déclaré être hébergé chez l'intéressée sur sa déclaration de revenus de l'année 2010 souscrite le 28 février 2011 auprès de la direction des services fiscaux de la Nouvelle-Calédonie ; que si Mme B...soutient que son mari est venue la rejoindre entre le mois de décembre 2009 et le mois de février 2010, elle ne l'établit pas tandis qu'il est constant que ce dernier n'est plus revenu en Nouvelle-Calédonie au moins depuis la fin du mois de février 2010 malgré la présence en Nouvelle-Calédonie de son épouse et de leurs enfants mineurs jusqu'à la fin du mois de juillet 2011 ; qu'il résulte de ce qui précède que l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de la rupture de la vie commune à compter du 1er janvier 2010 ; que, dans ces conditions, la Nouvelle-Calédonie pouvait légalement demander que les suppléments litigieux d'impôt sur le revenu soient fondés sur les dispositions du c. du III de l'article Lp. 52 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie en dépit des circonstances, invoquées par MmeB..., tirées de ce qu'elle a, conjointement avec son époux, contracté un prêt pour l'achat d'un véhicule à Nouméa, d'ailleurs souscrit le 16 juin 2009, et de ce que son mari s'est vu adresser, à Nouméa, deux courriers en février et en mars 2010 relatifs à son épargne salariale, sans qu'il soit établi qu'il les ait lui-même retirés ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête présenté à titre subsidiaire, que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'administration ne pouvait pas invoquer une rupture de la vie commune pour prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge de Mme B...au titre des années 2010 et 2011 ; qu'en l'absence, tant devant le tribunal administratif que la Cour, d'autre moyen dirigé contre la base légale ainsi substituée, la Nouvelle-Calédonie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge de Mme B... au titre des années 2010 et 2011 ; qu'il y a par suite lieu d'annuler ce jugement et de remettre à la charge de Mme B...les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la Cour mette à la charge de la Nouvelle-Calédonie qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés par Mme B...à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la Nouvelle-Calédonie tendant au bénéfice de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500386 du 10 juin 2016 du Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu assignées à Mme B...au titre des années 2010 et 2011 sont remises à sa charge.

Article 3 : La demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la Nouvelle-Calédonie est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Nouvelle-Calédonie et à Mme A...B....

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

Mme Heers, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

M. Boissy, premier conseiller,

Lu en audience publique le 2 février 2018.

Le rapporteur,

M. AUVRAYLe président,

M. HEERSLe greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02690


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

46-01-03-02-02 Outre-mer. Droit applicable. Lois et règlements (hors statuts des collectivités). Collectivités d'outre-mer et Nouvelle-Calédonie. Nouvelle-Calédonie.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Brice AUVRAY
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE -BUK-LAMENT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 02/02/2018
Date de l'import : 13/03/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16PA02690
Numéro NOR : CETATEXT000036685655 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-02-02;16pa02690 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award