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09/11/2017 | FRANCE | N°15PA02951

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 09 novembre 2017, 15PA02951


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Union des familles en Europe a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2013 par lequel la ministre des affaires sociales et de la santé a approuvé les statuts et le règlement intérieur de l'Union nationale des associations familiales.

Par un jugement n° 1315877/6-3 du 28 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'association Union des familles en Europe.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistr

e le 27 juillet 2015, un mémoire complémentaire du 22 septembre 2015, un mémoire du 28 juin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Union des familles en Europe a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2013 par lequel la ministre des affaires sociales et de la santé a approuvé les statuts et le règlement intérieur de l'Union nationale des associations familiales.

Par un jugement n° 1315877/6-3 du 28 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'association Union des familles en Europe.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2015, un mémoire complémentaire du 22 septembre 2015, un mémoire du 28 juin 2016 et un mémoire du 4 octobre 2017, l'association Union des familles en Europe, représentée par Me Chabrun-Lepany, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1315877/6-3 du 28 mai 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2013 de la ministre des affaires sociales et de la santé ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et ne répond pas au moyen aux termes duquel l'Union nationale des associations familiales, bien que constituée sous la forme d'une association de la loi de 1901, relève, s'agissant de sa composition, d'un régime de droit public, ce qui la contraint à accepter l'adhésion de toute association familiale régulière et remplissant les conditions prévues par la loi ;

- la signataire de la décision attaquée ne pouvait valablement la signer au nom et par délégation de la ministre des affaires sociales et de la santé ;

- le statut associatif de l'Union nationale des associations familiales ne lui confère pas le pouvoir de subordonner l'adhésion d'une association familiale à une procédure d'agrément spéciale, en effet, la composition de l'Union nationale des associations familiales déroge à la liberté d'association et relève d'un régime de droit public qui l'oblige à accepter en son sein toute association familiale régulière et remplissant les conditions prévues par la loi et il appartenait au ministre de contrôler les critères d'agrément utilisés par l'Union nationale des associations familiales, lesquels n'ont pas été définis ni par les statuts de l'Union nationale des associations familiales ni par son règlement intérieur, seuls soumis à l'agrément du ministre, qu'en s'abstenant d'exercer un tel contrôle, le ministre a entaché sa décision d'une incompétence négative.

Par des mémoires en défense enregistrés le 9 décembre 2015 et le 3 août 2016, le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par des mémoires en défense enregistrés les 27 avril 2016 et 24 novembre 2016, l'Union nationale des associations familiales, représentée par la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'association requérante.

Elle fait valoir que :

- à titre principal l'association Union des familles en Europe ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- à titre subsidiaire, aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lapouzade,

- et les conclusions de M. Sorin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'action sociale et des familles : " Ont le caractère d'associations familiales au sens des dispositions du présent chapitre les associations déclarées librement créées dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901, qui ont pour but essentiel la défense de l'ensemble des intérêts matériels et moraux, soit de toutes les familles, soit de certaines catégories d'entre elles et qui regroupent : - des familles constituées par le mariage ou le pacte civil de solidarité et la filiation ; - des couples mariés ou liés par un pacte civil de solidarité sans enfant ; - toutes personnes physiques ayant charge légale d'enfants par filiation ou adoption, soit exerçant l'autorité parentale ou la tutelle sur un ou plusieurs enfants dont elles ont la charge effective et permanente (...) " et aux termes de l'article : L. 211-5 du même code : " L'union nationale (des associations familiales) est composée par les unions départementales des associations familiales (...) et les fédérations, confédérations, associations familiales nationales regroupant au niveau national les associations et sections adhérentes aux unions départementales ". Enfin, aux termes de l'article L. 211-7 du même code : " L'union nationale (des associations familiales) et les unions départementales et locales sont constituées sous le régime de la loi du 1er juillet 1901 (...). Chaque union établit ses statuts et un règlement intérieur. Les statuts et le règlement intérieur sont soumis, (...) pour l'union nationale (des associations familiales), à l'agrément du ministre chargé de la famille (...) ".

2. Sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 211-7, le ministre chargé de la famille a, par un arrêté du 26 juillet 2013, publié au Journal officiel du 5 septembre 2013, agréé les statuts et le règlement intérieur adopté par l'Union nationale des associations familiales (UNAF) lors de son assemblée générale du 23 juin 2013. Par un jugement n° 1315877/6-3 du 28 mai 2015, dont il est régulièrement fait appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de l'Association Union des familles en Europe (UFE) tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la fin de non recevoir opposée par l'UNAF :

3. L'UNAF soutient que l'UFE ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de l'arrêté attaqué en ce qu'elle ne démontre pas en quoi les règles des statuts et du règlement intérieur de l'UNAF qu'elle conteste seraient susceptibles de la léser dès lors que l'UNAF, qui n'a jamais fait l'objet d'un refus d'adhésion, lequel pourrait au demeurant donner lieu à un litige qui relève du juge judiciaire, a ,notamment lors de son assemblée générale du 2 mai 2003, pris une position de principe aux termes de laquelle elle a choisi, au moins à titre temporaire, de n'adhérer à aucune institution nationale dont l'UNAF.

4. Toutefois, l'UFE, qui aux termes de l'article 1er de ses statuts regroupe les associations et fédérations d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901 et les articles L. 211-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles, est susceptible, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté, compte tenu de son objet, de demander son adhésion à l'UNAF, laquelle adhésion permet notamment d'accéder au financement public prévu par les dispositions des articles L. 211-10 et R. 311-13 1° du code de l'action sociale et des familles. Ainsi, l'UFE justifie d'un intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté attaqué, sans que puisse y faire obstacle la circonstance qu'au jour de l'introduction de sa requête l'UFE, en tant qu'association familiale nationale, a adopté une position de principe aux termes de laquelle elle n'entendait n'adhérer à aucune institution nationale. Par suite, la fin de non recevoir opposée par l'UNAF doit être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. L'UFE soutient que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé en ce que le Tribunal administratif de Paris " n'a pas répondu à (son) argumentation " aux termes de laquelle la composition de l'UNAF relève d'un régime de droit public qui implique un contrôle des pouvoirs publics sur les modalités d'adhésion. Contrairement à ce que soutient l'UFE, le Tribunal, lequel n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments développés par la requérante, a répondu, dans ses considérants 8 et 9, au moyen tiré de ce le ministre se devait d'exercer un contrôle sur les statuts et le règlement intérieur en ce qui concerne les modalités d'adhésion à l'UNAF. En conséquence, ce moyen ne pourra qu'être écarté.

Sur la compétence de l'auteur de l'arrêté :

6. L'UFE soutient qu'en vertu des dispositions de l'article L. 211-7 du CASF, seul le ministre chargé de la famille est compétent pour signer l'agrément prévu par ces dispositions, lequel aurait, en conséquence, dû être signé par Mme C...E..., à la date de l'arrêté attaqué ministre déléguée auprès de la ministre de ministre des affaires sociales, chargée de la famille, qui, par délégation de la ministre des affaires sociales et de la santé, a en charge les " questions relatives à la famille et à l'enfance ".

7. L'arrêté a été signé par Mme A...B..., directrice générale de la cohésion sociale, pour et par délégation du ministre des affaires sociales et de la santé. MmeB..., a été nommée par décret du 10 février 2011 paru au JO du 11 février 2011. Elle bénéficiait d'une délégation de signature du ministre des affaires sociales et de la santé en sa qualité de directrice générale de la cohésion sociale en vertu du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005. L'arrêté en cause relevait bien, en vertu des décrets n° 2012-769 du 24 mai 2012 relatif aux attributions du ministre des affaires sociales et de la santé et n° 2010-95 du 25 janvier 2010 relatif à l'administration centrale des ministères chargés de la cohésion sociale, de la direction de la cohésion sociale. En conséquence, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit être écarté.

Sur la légalité interne de l'arrêté :

8. L'UFE soutient que le ministre ne pouvait régulièrement agréer des statuts et un règlement intérieur qui soumet l'adhésion à l'UNAF des associations candidates à un agrément, en se bornant à prévoir que cet agrément sera accordé sur la base de critères qui seront ultérieurement définis par le conseil d'administration de l'UNAF.

9. S'il appartient, le cas échéant, à l'UNAF de fixer des critères aux fins de déterminer les associations qui répondent à la définition d'associations familiales telle qu'elle résulte de l'article L. 211-1 du code de l'action sociale et des familles, notamment au regard de leur but, à fin de permettre leur adhésion, ainsi que la procédure et les organes compétents pour se prononcer sur cette adhésion, il appartient également au ministre, dans le cadre des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article L. 211-7 du code de l'action sociale et des familles, de contrôler les critères ainsi définis par l'UNAF qui conditionnent l'adhésion des associations, à fin en particulier de s'assurer que les critères retenus ne méconnaissent pas la loi, notamment en restreignant les possibilités d'adhésion telles que définies par le législateur ou ayant pour effet de créer des discriminations entre les associations. Les circonstances qu'en vertu de l'article L. 211-12 du code de l'action sociale et des familles le ministre peut annuler tout refus d'adhésion qu'il estimerait contraire aux dispositions concernant le caractère familial d'une association ou que le litige résultant d'un refus d'adhésion puisse faire l'objet d'un contentieux devant le juge judiciaire ne sont pas de nature à dispenser le ministre, contrairement à ce que ce celui-ci soutient, d'exercer un tel contrôle.

10. Il résulte des statuts de l'UNAF, tels qu'agréés par le ministre, que l'article 3 de ces statuts qui figure dans le Titre I relatif aux " Buts et composition de l'UNAF " prévoit un agrément des " membres actifs ". L'article 7 du règlement intérieur prévoit quant à lui que cet agrément est instruit par une commission et prononcé par le conseil d'administration. Le A de ce même article, relatif à l'agrément des UDAF, prévoit dans son alinéa 2, que " l'agrément obtenu, selon les critères validés par le conseil d'administration, a pour effet d'autoriser l'adhésion à l'UNAF en qualité de membre actif ". Des dispositions analogues, au B de l'article 7 du règlement intérieur, régissent l'agrément des confédérations, fédérations ou associations familiales nationales. Ainsi, le règlement intérieur, lequel a expressément prévu l'édiction de critères déterminant les conditions d'adhésion des associations, ne définit pas ces critères et se borne à renvoyer leur définition à une décision ultérieure du conseil d'administration. Il résulte des principes précédemment énoncés que le ministre chargé de la famille ne pouvait, sans méconnaître les pouvoirs qui lui sont conférés par les dispositions de l'article L. 211-7 du code de l'action sociale et des familles, en l'absence de précision sur ces critères, agréer les statuts et le règlement intérieur de l'UNAF. En conséquence, l'arrêté attaqué doit être annulé.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par l'UNAF soit mise à la charge de l'UFE, laquelle n'a pas, en tout état de cause, la qualité de partie perdante à l'instance. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à l'UFE.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1315877/6-3 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 26 juillet 2013 par lequel la ministre des affaires sociales et de la santé a approuvé les statuts et le règlement intérieur de l'Union nationale des associations familiales sont annulés.

Article 2 : L'Etat (ministre des solidarités et de la santé) versera à l'UFE une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'UNAF au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Union des familles en Europe, à l'Union nationale des associations familiales et à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 novembre 2017.

Le président rapporteur,

J. LAPOUZADELe président assesseur,

I. LUBEN

Le greffier,

Y. HERBER

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA02951


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02951
Date de la décision : 09/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Associations et fondations - Régime juridique des différentes associations.

35 Famille.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jacques LAPOUZADE
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : SCP BOUTET - HOURDEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-11-09;15pa02951 ?
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