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30/11/2016 | FRANCE | N°15PA02069

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 30 novembre 2016, 15PA02069


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun de réduire ses bases taxables à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2011 d'une somme de 59 865 euros, ou subsidiairement de 24 963 euros, et d'ordonner la réduction, à due concurrence, des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de cette année.

Par un jugement n° 1308005/10 du 16 mars 2015, le Tribunal administratif de Melun, après avoir constaté l'existence d'un non-lieu partiel, a rejeté le su

rplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun de réduire ses bases taxables à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2011 d'une somme de 59 865 euros, ou subsidiairement de 24 963 euros, et d'ordonner la réduction, à due concurrence, des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de cette année.

Par un jugement n° 1308005/10 du 16 mars 2015, le Tribunal administratif de Melun, après avoir constaté l'existence d'un non-lieu partiel, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 22 mai, 29 juin et 23 octobre 2015, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 16 mars 2015 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son licenciement est intervenu sans cause réelle et sérieuse ;

- il résulte de la décision n°2013-340 QPC du Conseil Constitutionnel du

20 septembre 2013 que la somme versée en conséquence à l'occasion de la transaction n'est pas imposable ;

- le harcèlement moral est établi ;

- le motif allégué par l'employeur est infondé ;

- il faut tenir compte des motifs de la saisine du Conseil des prud'hommes ;

- l'indemnité reçue est significative ;

- il n'y a pas eu de licenciement de complaisance.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 septembre 2015 et 17 février 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Par ordonnance du 22 janvier 2016, la clôture d'instruction a été fixée au

19 février 2016.

Vu :

- la décision n°2013-340 QPC du Conseil Constitutionnel du 20 septembre 2013 ;

- le code du travail ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant MmeA....

1. Considérant que Mme A...fait appel du jugement du 16 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Melun, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer à hauteur de 172 euros, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la réduction de ses bases taxables à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2011 d'une somme de 59 865,48 euros, ou subsidiairement de 24 963 euros, et à la réduction, à due concurrence, des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de cette année ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. Il en est de même des prestations de retraite servies sous forme de capital " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 80 duodecies du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " 1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes. Ne constituent pas une rémunération imposable : 1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-2, L. 1235-3 et L. 1235-11 à

L. 1235-13 du code du travail ; 2° Les indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et

L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail ; 3° La fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail, qui n'excède pas : a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités ; b) Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi " ;

3. Considérant que, pour l'application et l'interprétation d'une disposition législative, aussi bien les autorités administratives que le juge sont liés par les réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel, statuant sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, assortit la déclaration de conformité à la Constitution de cette disposition ;

4. Considérant qu'il résulte de la réserve d'interprétation dont la décision n° 2013-340 QPC du 20 septembre 2013 du Conseil constitutionnel a assorti la déclaration de conformité à la Constitution du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts que ces dispositions, qui définissent les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail bénéficiant, en raison de leur nature, d'une exonération totale ou partielle d'impôt sur le revenu, ne sauraient, sans instituer une différence de traitement sans rapport avec l'objet de la loi, conduire à ce que le bénéfice de l'exonération varie selon que l'indemnité a été allouée en vertu d'un jugement, d'une sentence arbitrale ou d'une transaction et qu'en particulier, en cas de transaction, il appartient à l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge de l'impôt, de rechercher la qualification à donner aux sommes objet de la transaction ; qu'à cet égard, les sommes perçues par un salarié en exécution d'une transaction conclue avec son employeur à la suite d'une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail ne sont susceptibles d'être regardées comme des indemnités mentionnées à l'article L. 1235-3 du code du travail que si le salarié apporte la preuve que cette prise d'acte est assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de faits de nature à justifier la rupture du contrat aux torts de l'employeur ; que, dans le cas contraire, la prise d'acte doit être regardée comme constitutive d'une démission et l'indemnité transactionnelle soumise à l'impôt sur le revenu ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, que dans le cadre du contentieux l'opposant à son employeur, la Caisse Centrale de Mutualité Sociale Agricole (CCMSA), les parties ont conclu, le 26 mai 2011, un protocole transactionnel en exécution duquel Mme A...a perçu, en particulier, une somme de 146 400 euros, correspondant, à hauteur de la somme de 86 535 euros, à l'indemnité conventionnelle de licenciement, et, à hauteur de la somme de 59 865 euros, à une indemnité de rupture, laquelle a été soumise à l'impôt sur le revenu à hauteur de la somme de

59 865 euros; qu'il résulte du rapport de l'inspecteur du travail du 17 février 2003 et de la lettre qu'il a adressée le 21 juin 2004 à l'employeur de la requérante, que la carrière de cette dernière, entrée à la Mutualité sociale agricole en 1987, puis mutée à la Caisse centrale en 1991, n'a pas connu d'évolution comparable à celle de ses collègues recrutés à la même époque, que le changement d'affectation dont elle a fait l'objet en 1995 a entrainé une perte de responsabilité pouvant s'assimiler à une rétrogradation, et que l'employeur n'a pas proposé à Mme A...de poste correspondant à ses responsabilités, n'a jamais formulé avec précision de reproches professionnels à l'égard de l'intéressée ni justifié de ce que le comportement de cette dernière était à l'origine du déroulement défavorable de sa carrière, déroulement qui pouvait s'assimiler à du harcèlement moral ; que s'il résulte de l'instruction que Mme A...a été, à compter de 1995, fréquemment absente pour raisons médicales, aucune pièce du dossier ne permet de constater que ces absences auraient contribué à désorganiser le service auquel elle appartenait, les fonctions de l'intéressée apparaissant comme dépourvues de contenu réel ; que Mme A...produit au dossier une description précise et circonstanciée du déroulement de sa carrière qui vient corroborer les constatations qui précèdent ; que si le ministre soutient que l'employeur a fait état de ce que Mme A...a, à plusieurs reprises, refusé les postes qui lui était proposés, il n'apporte à l'appui de son argumentation aucun élément de nature à étayer la réalité de propositions précises, alors que de son côté, la requérante produit de nombreuses lettres de son employeur écartant sa candidature à différents postes au sein de l'organisme ; que le maintien de MmeA..., pendant de longues années, dans des fonctions dépourvues de contenu, sans que l'employeur, avant d'envoyer un courrier à l'intéressée le 8 novembre 2010 évoquant la possibilité de son remplacement, ait pris l'initiative d'engager une procédure de licenciement ou de formuler des reproches professionnels objectifs à l'égard de l'intéressée, vient confirmer l'argumentation de cette dernière selon laquelle elle a été victime de faits susceptibles d'être qualifiés de harcèlement moral ; qu'ainsi et alors même que le protocole d'accord, qui, s'agissant du déroulement de la carrière de MmeA..., se borne pour l'essentiel à décrire les positions respectives des parties sans privilégier l'une ou l'autre version et sans expliquer, par d'autres motifs qu'une réorganisation du service, la rétrogradation opérée en 1995, indiquait que la CCMSA ne renonçait pas au bien fondé du licenciement, le licenciement doit être regardé comme intervenu sans cause réelle est sérieuse ; que la somme de 59 865 euros était par suite, par son objet, constitutive de l'une des indemnités exonérées d'impôt sur le revenu en application des dispositions de l'article 80 duoedecies du code général des impôts et devrait être ajoutée à la somme de 86 535 euros perçue à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, et effectivement exonérée d'impôt ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus de sa demande ; qu'il y a lieu d'exclure de sa base taxable à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2011 l'indemnité de rupture de 59 865 euros perçue de son employeur et de prononcer la réduction en conséquence de l'imposition mise à sa charge au titre de ladite année, sous réserve, toutefois, de la somme de 172 euros déjà dégrevée devant les premiers juges ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1308005/10 du 16 mars 2015 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : Mme A...est déchargée, en conséquence d'une réduction de 59 865 euros de sa base taxable à l'impôt sur le revenu, et sous réserve de la somme de 172 euros dégrevée au cours de l'instance devant le Tribunal administratif de Melun, de la cotisation d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2011.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A...la somme de 2 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 novembre 2016.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA02069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02069
Date de la décision : 30/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : DUVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-11-30;15pa02069 ?
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